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Commerce de détail: prix stables malgré Lidl

L’arrivée de Lidl en 2009 n’a pas entraîné une baisse des prix analogue à celle enregistrée lors l’arrivée de Aldi, il y a 4 ans. Keystone

Il y a une année, Lidl Suisse ouvrait ses premières filiales. L’arrivée sur le marché de ce hard discounter pouvait laisser espérer l’amorce d’une baisse des prix. En 2009, il n’en a pratiquement rien été. Le commerce de détail se révèle comme particulièrement résistant à la crise.

Le commerce de détail en Suisse est marqué par des éléments très contrastés: d’une part une forte concurrence sur un marché asséché, d’autre part la domination des deux géants Migros et Coop.

En comparaison avec l’étranger, le niveau élevé des prix est sujet à critique. Mais, en même temps, les Suisses apprécient la bonne qualité des produits et l’aménagement soigné des magasins.

Du côté des producteurs, le pouvoir des deux géants du secteur qui font pression sur les prix est source de mécontentement alors que les produits certifiés biologiques et écologiques connaissent un véritable engouement.

«Malheureusement, autant Aldi que Lidl se sont plutôt adaptés au niveau des prix qui règne dans le commerce de détail», déplore Sara Stalder, directrice de la fondation pour la protection des consommateurs. Leur arrivée sur le marché a été précédée «d’effets d’annonce contre la vie chère» qui ont suscité certains espoirs chez les consommateurs.

Précisément dans le sillage de la libéralisation de la politique économique, qui autorise des importations parallèles, il y a encore un certain potentiel de réduction des prix, estime Sara Stalder. Surtout pour les discounters étrangers, qui achètent leur marchandise là où elle est le meilleur marché.

Sara Stalder ne pense pas que les magasins de commerce de détail en Suisse vont troquer leurs rayons soignés pour les présentoirs en carton, même si les discounters allemands devaient conquérir une part non-négligeable du marché suisse: «Le marché suisse n’est pas comparable au marché allemand. Ce que veulent ici les consommateurs, ce sont des produits alimentaires régionaux, saisonniers et répondant aux critères de l’agriculture durable comme les produits bio.»

«L’arrivée des harddiscounters n’est pas sans danger»

Un avis partagé par Sandra Helfenstein de l’Union suisse des paysans (USP), qui parle au nom des producteurs de l’agriculture: «Contrairement aux consommateurs allemands, les Suisses sont plus attentifs à la qualité tant au niveau des produits eux-mêmes qu’à la manière dont ils sont commercialisés. En Suisse, le consommateur continuera donc d’accorder de l’importance à la qualité de la présentation.»

Mais la convergence d’appréciation entre représentants des consommateurs et des producteurs s’arrête là: «L’arrivée des hard discounters risque d’accélérer un mouvement général de baisse des prix en raison de la menace qu’ils font peser sur les détaillants et de la politique de sous-enchère qu’elle engendre par réaction chez ces derniers», craint Sandra Helfenstein.

Cette évolution désavantage les producteurs suisses, en particulier les paysans qui, étant donné que les coûts sont plus élevés en Suisse qu’ailleurs, ont forcément des coûts de production élevés».

Sandra Helfenstein relativise le reproche fait fréquemment aux paysans suisses de «produire cher», en mettant en avant une autre raison: «Autrefois, Migros ou Coop vendaient directement les pommes de terre ou les carottes telles quelles, alors qu’aujourd’hui, ces produits sont de plus en plus écoulés sous forme de produits préparés. Cette nouvelle forme de commercialisation dévalue le travail du producteur au profit de celui des intermédiaires qui conditionnent le produit.»

«La part de la matière première sur le prix final de la marchandise diminue fortement», explique la représentante des paysans suisses. Les écarts de prix ne cessent par conséquent de s’accentuer: «Ces 20 dernières années, si le prix des matières premières ou le prix du producteurs ont baissé de 20 pour cent, les prix au consommateur ont augmenté pour leur part de 15 pour cent.»

La semaine dernière, l’Office fédéral de l’agriculture a communiqué que – avec ou sans discounters – les baisses de prix n’avaient pas été entièrement répercutées sur les consommateurs. La baisse des prix qui avait suivi l’entrée sur le marché d’Aldi il y a quatre ans ne semble pas s’être vérifiée en 2009 avec l’arrivée de Lidl.

Redistribution des cartes plutôt que création d’emplois

Lidl Suisse entend créer jusqu’à 500 nouveaux postes jusqu’à la fin de cette année. Aldi évoque un nombre similaire. Denner emploie actuellement quelque 3600 personnes. La tendance sur le marché du travail du commerce de détail va plutôt au recrutement de diplômés et à la recherche de relève. Au premier abord, cette réalité devrait contribuer à pousser les salaires vers le haut.

Mais Carlo Mathieu du syndicat Syna relativise: «C’est vrai que les discounters offrent des salaires de départ plus élevés que la concurrence. Mais les collaborateurs de Migros et Coop ont des horaires de travail moins étendus et reçoivent une bonification pour le travail de week-end et du soir», objecte le syndicaliste.

«En outre, les employés de Migros et Coop sont assujettis à des conventions collectives de travail ce qui n’est pas le cas pour le personnel de Lidl ni celui de Aldi.»

De même, en ce qui concerne le potentiel de croissance des discounters, Carlo Mathieu est plutôt réservé: certes les Hard discounter créent pour l’instant des emplois parce qu’ils sont dans une phase d’expansion. «Globalement, le chiffre d’affaires dans le commerce de détail reste stable», fait-il remarquer.

Pour Carlo Mathieu, c’est plutôt à une redistribution des cartes que l’on est en train d’assister: «Aldi et Lidl créent pour l’instant des emplois, chez Migros et Coop, la tendance est plutôt à la baisse.»

Alexander Künzle, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Bertrand Baumann)

Commerce de détail (Retailing): dans ce secteur, les entreprises qui, à partir d’une certaine taille, disposent d’un réseau de filiales, achètent de la marchandises auprès de divers producteurs pour la vendre auprès des clients non-commerciaux, soit les consommateurs.

Des détaillants généralistes comme Migros et Coop proposent à leur clientèle un assortiment complet (produits alimentaires, non-alimentaires, gastronomie, voyages, etc.); les commerces spécialisés ou les discounters disposent d’un assortiment sélectif et peuvent, dans certains domaines, concurrencer les détaillants généralistes; commerces et grands magasins proposent un assortiment très vaste.

Pendant des décennies, Migros et Coop ont dominé le commerce de détail. A eux deux, ils occupent un tiers des parts de marché, pour les produits alimentaires et les boissons jusqu’à 70%.

Le commerce de détail en Suisse a plutôt bien commencé l’année: en janvier, le chiffre d’affaires de ce secteur a connu une augmentation de la valeur (nominale) de 4%.

Compte tenu du renchérissement, selon l’Office fédéral de la statistique, l’augmentation de la valeur (réelle) est de 4,4%.

Le chiffre d’affaires des produits alimentaires, boissons et tabacs a augmenté en janvier de près 1% (valeur nominale: +1,1%).

Sans les produits alimentaires, la croissance est de 0,5% (valeur nominale: +0,2%).

Le discounter allemand Lidl compte actuellement 30 filiales en Suisse.

D’ici la fin 2010, ce nombre est appelé à doubler.

A l’automne, la première filiale en Suisse romande sera ouverte.

Andreas Pohl, chef de Lidl, estime à 200 le nombre total de filiales dont Lidl devrait disposer pour gagner sa place de «détaillant de proximité» en Suisse.

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