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Nespresso au cœur d’une guerre des capsules

Capsule biodégradable ECC. Keystone

La guerre entre Nespresso, Ethical Coffee Company et Coop se poursuit en justice. Ethical Coffee Company, concurrent de Nespresso, a décidé de porter plainte contre Coop.

C’est une bataille similaire à celle que se livrent les géants des technologies numériques, lorsqu’elle oppose des produits compatibles avec d’autres marques à ceux qui nécessitent d’autres produits de la même marque.

Entreprise phare du géant Nestlé, Nespresso fait face à une concurrence de plus en plus forte d’entreprises telles que Ethical Coffee Company (ECC/ fabricant de capsules biodégradables de café compatibles avec les machines Nespresso). Une guerre commerciale qui passe par les réseaux de grande distribution.

La semaine dernière, Jean-Paul Gaillard, fondateur d’Ethical Coffee Company (ECC) après avoir quitté Nespresso il y a 15 ans, a décidé de porter plainte contre Coop, qui domine l’essentiel de la grande distribution en Suisse avec son concurrent Migros.

Le motif invoqué par ECC est une «rupture de négociations abouties», un arrangement ayant été conclu entre les deux parties pour commercialiser les capsules ECC. «Coop a un quasi monopole dans les produits de marque qu’elle peut faire ce qu’elle veut avec les petits fabricants. Il faut voir les choses en face. Il est temps que, dans ce secteur, la Suisse devienne un marché vraiment libre dans lequel le consommateur a le choix. Et ce, alors que Coop domine le marché des produits de marque», a martelé Jean-Paul Gaillard, lors d’une conférence de presse, la semaine dernière à Zurich.

Porte-parole de Coop, Urs Meier précise: «Il est vrai que nous étions en négociation avec Ethical Coffee Company. Mais aucun contrat n’a été signé.»

«Nous sommes très exigeants en matière de standards de qualité, de goût et sur les questions écologiques. Ces capsules n’ont tout simplement pas atteint ces standards. Il est également important que nos fournisseurs nous prouvent que leur produit ne viole pas les brevets d’autres sociétés», poursuit le porte-parole.

Selon Jean-Paul Gaillard, l’argument écologique de Coop ne tient pas la route. «Notre capsule répond aux normes européennes les plus exigeantes en matière de protection de l’environnement (norme officielle EN 13432). Je sens Nestlé là-derrière», a déclaré l’entrepreneur.

Bataille juridique

Début octobre, un tribunal helvétique avait déjà interdit à deux autres distributeurs de vendre les capsules d’ECC. Les deux détaillants venus d’Allemagne Media-Markt et Saturn, ont promis de faire recours contre l’ordonnance du tribunal, après avoir vendu quelque 50’000 capsules ECC dans un de leurs magasins à Zürich durant trois jours avant d’être sommé de cesser cette distribution.

Invoquant  également d’autres indices, Jean-Paul Gaillard envisage sérieusement d’attaquer Nestlé, propriétaire de Nespresso pour concurrence déloyale. Le fondateur d’ECC soupçonnant la multinationale d’être derrière les entraves mises à la distribution des capsules rivales de Nespresso. (Nestlé a été contacté sans succès par swissinfo.ch, ndlr)

De fait, le géant agro-alimentaire défend bec et ongles le juteux marché conquis par Nespresso. En juin, le groupe a bloqué la vente d’une autre marque utilisable avec les machines Nespresso vendue par le discounter Denner qui a repris depuis ses ventes de capsules, suite à une décision de justice..

Nestlé se bat également devant les tribunaux français contre ECC et l’américaine Sara Lee Corporation qui a également créé sa propre dosette à café. Les ventes de dosettes de ces deux entreprises, elles, se poursuivent avec succès, sur le marché français. 

Un marché porteur

Nestlé a toujours maintenu qu’il est favorable à la concurrence, mais qu’il défendra vigoureusement ses brevets.

Et pour cause. Les ventes de ses capsules de café sont devenues l’un des marchés en croissance les plus lucratifs de l’industrie alimentaire et des boissons cette dernière décennie.

Après un démarrage lent après son lancement en 1986, Nespresso a soudain décollé dans les années 1990, pour atteindre des ventes record au cours des dernières années. En 2010, les ventes des dosettes préférées de George Clooney ont atteint les 3,22 milliards de francs et Nestlé prévoit 500 millions supplémentaires pour cette année.

Nespresso a trouvé le succès en ciblant les consommateurs haut de gamme. Ses concurrents, eux, veulent élargir le marché des consommateurs à revenu modeste.

La réplique commerciale au succès planétaire de Nespresso s’est d’abord matérialisée avec des machines à capsules de café concurrentes avant l’offensive en cours de dosettes compatibles avec les machines Nespresso.

Concurrence équitable

L’année dernière, Sara Lee Corporation a ainsi commencé à vendre ses propres dosettes en France et aux Pays-Bas, suivis de près par l’arrivée d’ECC sur le marché français.

L’année prochaine, ECC prévoit d’ouvrir une deuxième usine en France (la première est dans la région d’Annemasse, ville frontalière de Genève) pour augmenter la capacité d’un milliard de capsules par an à trois milliards d’ici la fin de 2012.

La société indique également que les ventes ont commené en Allemagne et en Autriche et qu’elles devraient démarrer d’ici la fin de l’année, en Grande-Bretagne, en Italie, en Scandinavie, entre autre.

Pour l’heure, seule la justice suisse a sanctionné les concurrents de Nespresso. Ce qui fait dire à Jean-Paul Gaillard: «La loi est là pour traiter de la même manière petites et grandes entreprises. Le système judiciaire suisse est juste, mais les mesures permettant une concurrence équitable sont à la traîne. Comme l’a récemment suggéré le quotidien économique l’Agefi, il serait bon que la Commission de la concurrence (COMCO) se saisisse de cette affaire.»

Le café est l’un des produits de base dont le commerce est le plus répandu dans le monde, se classant depuis de nombreuses années immédiatement après le pétrole comme source de devises pour les pays en développement.

Sa culture, sa transformation, son commerce, son transport et sa commercialisation emploient des millions de personnes dans le monde.

Les économies et les politiques de nombreux pays en développement sont tributaires du café; les exportations représentent une partie importante des recettes en devises d’un grand nombre des pays les moins avancés, dans certains cas plus de 80%.

Le café est un produit de base qui s’échange dans les principales bourses de marchandises et sur les grands marchés à terme, essentiellement à Londres et à New York.

Les exportations mondiales de café se sont élevées à 7,21 millions de sacs (60kg) en août 2011 par rapport aux 7,94 millions de sacs exportés en août 2010.

Les exportations des 11 premiers mois de l’année caféière 2010/11 (octobre/10 à août/11) ont augmenté de 11,7% pour s’établir à 96,1 millions de sacs par rapport à 86,0 millions de sacs pendant la période correspondante de l’année précédente.

Source: Conseil international du café

Traduction et adaptation de l’anglais: Frédéric Burnand

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