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Procès Swissair, suite: place à l’accusation

Gros plan cette fois sur l'accusation dans le procès Swissair Keystone

Après la comparution des 19 accusés, dont la plupart ont préféré garder le silence, le procès Swissair reprend ce jeudi avec le plaidoyer du Ministère public.

Selon un observateur du procès, l’accusation n’aura pas la partie facile. Mais rien n’est joué.

Le contraste sautait aux yeux: ces leaders de l’économie suisse, modèles pour les plus jeunes, habitués à parler devant des publics nombreux, ont préféré garder le silence devant le Tribunal de district de Bülach qui les juge pour leur participation à la débâcle de cette fierté nationale qu’était le groupe Swissair.

Raison invoquée: leurs déclarations en procédure pénale pourraient se retourner contre eux lors des procès civils en préparation. Des procès qui pourraient leur coûter des millions de francs à titre individuel. D’où un silence de plomb et des questions énumérées dans une longue litanie.

Quelques-uns ont néanmoins parlé, lançant même une contre-offensive en règle. Certains sont allés jusqu’à traiter l’acte d’accusation de «non-sens», le Ministère public de «pratiquement mûr pour la maison de fous», ou de «méchant», «éloigné de la réalité» ou encore de «dilettante».

«Le Ministère public a deux jours pour exposer son point de vue, cela va être passionnant», a expliqué à swissinfo Constantin Seibt, qui couvre le procès pour le quotidien zurichois «Tages-Anzeiger».

Droit des holdings peu élaboré

Après l’accusation et les autres parties lésées (petits actionnaires et Etat belge notamment), qui s’exprimeront du 15 au 20 février, suivront, du 22 février au 9 mars, les plaidoyers de la défense.

Mais la question qui est dans tous les esprits porte sur le verdict, que la cour a promis de donner le plus rapidement possible: y aura-t-il des condamnations ou les accusés seront-ils acquittés, en tout cas sur les points principaux?

«Les observateurs du procès sont très divisés sur cette question, rapporte Constantin Seibt. Mais la tendance majoritaire veut que l’accusation repose sur une base plutôt fragile. Le droit des groupes et des holdings n’est pas très élaboré en Suisse. Ce procès est un procès-pilote.»

Evoquant les plus de 4000 classeurs de l’accusation, le journaliste estime cependant que «la cour a déjà son verdict, du moins dans les grandes lignes.»

L’incompétence: pas un délit pénal

Un des axes principaux de l’accusation est le dommage causé aux créanciers et aux actionnaires. La question récurrente posée par les juges sur la base de l’acte d’accusation est de savoir à quel moment le SAirGroup et les 260 entités qui le composaient étaient véritablement déjà en faillite et, a contrario, quand un sauvetage aurait encore été possible.

«L’accusation utilise quelques chiffres clés, mais les accusés qui se sont exprimés en brandissent d’autres, qui ont l’air tout autant pertinents», note Constantin Seibt.

Swissair est morte et les dettes laissées par la plus grande faillite de l’histoire économique suisse sont immenses. Les demandes de dommages et intérêts viendront plus tard, lors des procès civils.

Le Tribunal de Bülach ne traite «que» des aspects pénaux. Or ni les erreurs de management ni l’incompétence ni l’échec ne sont pénalement répréhensibles.

«De ce point de vue, l’accusation n’a sûrement pas la tâche facile, estime Constantin Seibt. Elle doit en outre pouvoir démontrer que les accusés ont agi intentionnellement ou du moins avec une négligence crasse. Mais personne n’a jamais dit vouloir bloquer la flotte au sol…»

Choc et chaos

C’est pourtant, en substance, ce qu’a prétendu le dernier patron de Swissair Mario Corti, qui a affirmé devant les juges que la grande banque UBS avait voulu couler la compagnie.

Selon l’ancien manager, le groupe aurait encore pu être sauvé après les attentats du 11 septembre et les turbulences qui ont suivi pour le trafic aérien, pour autant que la ligne de crédit n’ait pas été fermée.

«Le moins que l’on puisse dire c’est que la banque a réagi très nerveusement à ces accusations», interprète le journaliste du Tages-Anzeiger. UBS a en effet publié une prise de position très détaillée rappelant les événements tels qu’ils se sont, selon elle, déroulés, pour rejeter les accusations de Mario Corti.

Néanmoins, sur le fond, ni Mario Corti ni les autres co-accusés s’étant exprimés à Bülach – le précédent CEO Philippe Bruggisser et les administrateurs Thomas Schmidheiny et Eric Honegger – n’ont révélé de nouvel élément sur la faillite. «On se rend compte une fois de plus à quel point le chaos et l’état de choc ont tour à tour prévalu», conclut Constantin Seibt.

swissinfo, Andreas Keiser
(Traduction et adaptation de l’allemand Ariane Gigon Bormann)

Le procès de la débâcle du groupe Swissair a commencé le 16 janvier devant le Tribunal de district de Bülach et dure jusqu’au 9 mars.

La comparution des 19 accusés s’est terminée le 5 février.

Les audiences sont publiques. La salle communale de Bülach peut accueillir jusqu’à 1500 personnes.

Le procès reprend le 15 février avec les plaidoyers de l’accusation puis de de la défense.

La date de publication du verdict n’est pas arrêtée.

L’acte d’accusation occupe une centaine de pages. Les actes du dossier remplissent 4150 classeurs.

Le Ministère public zurichois a auditionné plus de 300 personnes pendant 40’000 heures et a ordonné vingt perquisitions.

Une première version de l’acte d’accusation, publiée de 30 mars 2006, avait été rejetée par la cour pour insuffisances. La version retravaillée a été rendue durant l’été et publiée début janvier.

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