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26 mois sur le Cercle arctique

Le goût de l’extrême... SP

L’aventure polaire de Mike Horn, «Arktos», qui touche à sa fin, a duré plus longtemps que prévu… Résumé de deux ans de ténacité.

Car les obstacles – qu’ils soient naturels ou administratifs – ont passablement allongé sa route.

L’affaire commence par un prologue douloureux. Histoire de se mettre en jambes, Mike Horn souhaite traverser le Pôle Nord de la Sibérie à l’Alaska. Le 27 février 2002, il quitte le Cap Arktichevsky, en Sibérie.

Mais à la mi-avril, il est contraint de jeter l’éponge: «Dix secondes ont suffi. Mes mains étaient humides. J’ai voulu mettre mes chaussures sans mes gants. A –50°C, cela ne pardonne pas», déclare-t-il à un quotidien romand. Deux pouces et quelques phalanges gelés… Mike Horn est rapatrié et hospitalisé.

Du Cap Nord au Canada

Le 4 août 2002, au Cap Nord (Norvège), Mike Horn embarque à bord de son voilier et met le cap à l’ouest pour rejoindre le Groenland. Il y arrive 13 jours plus tard. L’équipe de logistique va convoyer son bateau sur la côte ouest du Groenland, où elle retrouvera l’explorateur après sa traversée.

Une traversée que Mike Horn, tirant une luge chargée d’environ 100 kilos de matériel, accomplit à ski, accroché à un «kite». Cette aide éolienne lui permet de parcourir une moyenne de 60 km par jour – son record étant de 143 km. Il atteint la côte ouest du Groenland le 13 septembre, et y retrouve son bateau.

Avec celui-ci, il traverse alors la Baie de Baffin. Le 30 septembre, il dépose son voilier à Nanisivik, sur la côte nord de l’Ile de Baffin. Mike Horn est prêt pour la traversée à pied et à ski des Territoires du Nord-Ouest du Canada.

Mais la nature n’est pas en accord avec lui… Dans le dédale d’îles et de bras de mer qu’il doit d’abord traverser, la glace n’est pas assez solide.

Soucis canadiens

Attente de plusieurs semaines. Et départ le 6 novembre. Mais, cinq jours plus tard, il doit faire marche arrière: le climat étant toujours trop «doux», des failles – et donc de l’eau libre – l’empêchent de progresser. Il retourne à Arctic Bay, sur la côte sud de l’Ile de Baffin.

Il en partira le 26 novembre, après avoir eu largement le temps de faire connaissance avec les indigènes et leur environnement: la Terre de Baffin l’aura retenu deux mois!

La couche de glace s’est épaissie. Mais au lieu de partir à l’ouest, il met le cap au sud, pour bénéficier plus rapidement de la terre ferme et de journées plus longues.

Le 10 janvier, sa tente prend feu a alors qu’il change la bouteille de fuel de son réchaud. Son téléphone et son GPS sauvés par miracle, il pourra appeler Arctic Bay à son secours. La vie tient parfois à un sans fil.

Compagnie des ours polaires, à cause de la proximité de l’eau libre. Et climat frisquet, de – 40°C à – 60°C. «Je n’avais jamais rencontré des températures aussi basses auparavant. Arriver à la fin de la journée, c’était chaque fois comme franchir un nouvel obstacle», confiera Mike Horn.

Le 28 février 2003, il arrive sur la côte ouest de la Péninsule de Simpson, sur le continent, au Canada. Après un détour de quelque 3000 kilomètres (!), il va enfin pouvoir repartir vers l’ouest.

Mike Horn longe alors la côte du Nord-Ouest canadien. Pour traverser le Détroit de Mackenzie, il troque sa luge contre un kayak. Puis, faute d’eau, doit tirer son kayak comme une luge… Les caribous, grizzlis et autres morses qu’il croise en rigolent encore.

Il atteint la frontière de l’Alaska le 29 juin 2003.

L’Alaska et le Détroit de Béring

Traversée de l’Alaska, sans difficulté majeure, si l’on peut dire. Le 13 août, il arrive à Point Hope, à l’extrême ouest de l’Alaska, au nord du Détroit de Béring. Peu auparavant, il a embarqué à bord d’un trimaran.

Le voyage de Mike Horn progresse considérablement… Mais après avoir été freiné au Canada par la loi de la nature, c’est, en Sibérie, la loi des hommes qui va le bloquer. D’abord parce que pour y pénétrer, il doit descendre à Provideniya, le seul port d’entrée pour les bateaux étrangers sur la côte est de la Sibérie – un détour au sud de 600 km.

Et ensuite parce que, refoulé, il lui faudra attendre le… 25 novembre, soit quasiment trois mois (une attente qu’il sera contraint de vivre en Alaska) pour obtenir le visa qui lui permettra de traverser la région du Chukotka (le Nord-Est sibérien).

«Je me suis dit… qu’est-ce que trois mois dans une vie?», commente-t-il l’épisode. Enfin, visa en poche, Mike Horn reprend la direction de la Sibérie et retourne à Provideniya.

De la Sibérie au Cap Nord

Depuis là, et sur la terre ferme cette fois-ci, il longe le détroit de Béring en direction du nord – encore un petit détour! Arrivé à l’Océan Arctique, il peut enfin mettre le cap à l’ouest… Il lui reste encore 10.000 km à parcourir.

Mike Horn longe l’Océan Arctique. Skis, kite, luge, avec 160 kilos de charge. Une promenade de santé… dans la neige, souvent face au vent.

Le 7 mars, Mike Horn déclare: «J’en suis à mon second hiver arctique, avec des températures moyennes de –50°C. J’ai eu des gelures assez sévères au visage, mais après quelques jours de chaleur à Ambarchik, ça s’améliore un peu». Il passe par Chokhurdak, Tiksi, Khatanga, Norilsk.

16 juin 2004. Mike Horn quitte Norilsk. C’est le printemps dans l’Arctique. Lacs et rivières dégèlent. Mais le kayak est encore prématuré. Mike Horn va continuer à skis.

Ce n’est que dès le 12 juillet que l’aventurier peut poursuivre son chemin à la rame, à bord de son kayak. Entre-temps, il a aussi utilisé les pipelines russes comme chemins surélevés au-dessus des marais… Les moustiques ont remplacé les ours polaires.

Début août, après avoir traversé l’Obskafa Guba à bord de son kayak, Mike Horn rejoint l’Océan Arctique à Topseda. Là, il retrouve son trimaran. Mais à la mi-septembre, une tempête entraîne de sérieuses avaries à la coque du bateau. Les réparations effectuées, c’est le 29 septembre qu’il s’attaque à la Mer de Barents.

Escale – et nouvelle avarie – à Murmansk. Et le 12 octobre, Mike Horn franchit la frontière entre la Russie et la Norvège… à vélo.

Bientôt, tout de suite, jeudi en principe, le Cap Nord. “Il y a plus de deux ans, je démarrais l’expédition Arktos sur un bateau depuis le Cap Nord en Norvège. Mon rêve est de terminer l’expédition sur un bateau avec comme témoins les falaises du Cap Nord”, écrivait Mike Horn il y a quelques jours.

swissinfo, Bernard Léchot

«Arktos», le tour de la Terre par le Cercle Polaire, a été entamé par Mike Horn le 4 août 2002 au Cap Nord (Norvège).
Ses moyens de locomotion: voilier monocoque, trimaran, kayak, raquettes, skis et kite.
Mike Horn est passé par le Groenland, le Canada, l’Alaska, la Sibérie, la Russie.
Il bouclera la boucle en arrivant, en principe, ce mardi au Cap Nord.

– Mike Horn est né à Johannesburg en 1966. Militaire entre 1984 et 1987, il a été capitaine dans les forces spéciales sud-africaines.

– Diplômé en sciences humaines à l’Université de Stellenbosch, il quitte l’Afrique du Sud en 1990 pour voyager en Europe.

– Débarqué à Zurich, il s’installe aux Moulins, à côté de Château-d’Oex, dans le Pays-d’Enhaut (Alpes vaudoises).

– C’est là qu’il vit avec ses deux filles, Annika et Jessica, et sa femme, Cathy, qui participe à l’organisation (logistique, nourriture, communication) de ses expéditions.

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