Un avion de Crossair saisi à Nice

Air Lib veut forcer les Suisses à payer leurs dettes. Et exige des dommages et intérêts.
Un Embraer 145 – qui devait effectuer le vol LX705 à destination de Bâle – a été bloqué par les huissiers, peu après son atterrissage. L’opération a été menée sur requête présentée par le tribunal d’instance de Nice à la demande d’Holco.
460 millions d’euros
Holco est le nom de la société créée par le pilote d’Air France Jean-Charles Corbet, qui a repris AOM-Air Liberté l’été dernier. Cette société réclame à Swissair les 60,98 millions d’euros qu’elle lui doit encore.
Mais Swissair – qui détenait 49,5% d’AOM-Air Liberté – est en faillite. Et une grande partie de ses activités doit être transférée dans sa filiale Crossair.
En plus de l’avion saisi, Air Lib réclame 460 millions d’euros (680 millions de francs suisses) en dommages et intérêts à Crossair, qu’elle considère comme la compagnie repreneuse de Swissair.
Des engagements à tenir
«Le non-respect des engagements pris par Swissair envers Holco a précipité la compagnie française dans une situation critique, considère Air Lib. Il ne serait pas admissible que Swissair n’assume pas ses responsabilités et ne tienne pas ses engagements. Tout sera mis en oeuvre pour l’y contraindre si elle ne retrouve pas la raison à temps.»
Pour Crossair, la réquisition de son appareil est illégale. Pour le professeur de droit Henry Peter, elle est «intellectuellement indéfendable et, sur le plan juridique, elle peut être assimilée à un acte de piraterie aérienne ».
Un séquestre injustifiable
Pour ce spécialiste du sursis concordataire qui enseigne le droit des sociétés à l’Université de Genève, le principe de base est simple: «On ne devrait pouvoir séquestrer un bien que si on dispose d’une créance exigible à l’égard du propriétaire du bien. On ne peut donc bloquer un avion de Crossair que pour des dettes de Crossair.»
Il serait tentant de dire: «Crossair est encore un actif de Swissair alors saisissons Crossair», continue M. Peter. «Mais ça ne tient pas la route», car Crossair est une société tierce. En plus, elle a été vendue et Swissair a reçu de l’argent en contrepartie.
On pourrait également affirmer que «tout ça c’est le même groupe» et donc que tous les actifs sont accessibles aux créanciers du groupe. Mais là encore on affronte un obstacle juridique de taille: Crossair ne fait plus partie du groupe et, en plus, elle a été rachetée par des tiers.
«Il s’agit des banques bien sûr, mais aussi d’actionnaires nouveaux qui n’ont rien à voir avec Swissair». Dans cette perspective, un séquestre des biens de Crossair est impensable, «en tout cas dans un pays civilisé», conclut Henry Peter.
swissinfo avec les agences

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