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France: nouvelle étape dans la réhabilitation d’Alfred Dreyfus

Keystone-SDA

La France a élevé jeudi Alfred Dreyfus au rang de général de brigade, une nouvelle étape dans la reconnaissance de ce qu'a subi ce capitaine juif condamné à tort en justice pour trahison en 1894 dans un pays où l'antisémitisme était très ancré.

(Keystone-ATS) Le Sénat français a adopté définitivement et à l’unanimité une loi de réhabilitation en ce sens, un texte de «réparation» et de «reconnaissance», malgré des réserves à droite et au centre.

«La Nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade», dit ce texte voté à l’unanimité en juin à l’Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement.

Cette loi «permet à la République de reconnaître son erreur, de reconnaître qu’un homme a été humilié», souligne le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner.

«L’Affaire Dreyfus» avait déchiré l’opinion française pendant plus d’une décennie sur fond d’antisémitisme et de conspiration politico-militaire.

Accusé à tort d’avoir fourni à l’Allemagne – alors ennemi juré de la France – des renseignements militaires, le capitaine fut condamné le 22 décembre 1894 à la déportation à perpétuité. Entre cette date et sa réhabilitation officielle le 12 juillet 1906, Alfred Dreyfus aura connu deux procès, l’emprisonnement et le bagne sur l’île du Diable en Guyane.

Après sa réhabilitation, Alfred Dreyfus, réintégré comme commandant, demanda à voir sa carrière revalorisée, sans obtenir gain de cause, et quitta l’armée en 1907, avant de servir à nouveau pendant la Première Guerre mondiale.

La loi adoptée jeudi est une nouvelle étape sur un très long chemin de réhabilitation, après l’instauration d’une journée nationale de commémoration pour la reconnaissance de son innocence, chaque 12 juillet, annoncée l’été dernier par Emmanuel Macron.

Crainte d'»instrumentalisation»

Le président français n’a toutefois pas accédé aux appels à transférer les restes de Dreyfus au Panthéon à Paris, monument funéraire où sont inhumés des grands personnages de l’histoire contemporaine.

Malgré le soutien très large qu’elle a rassemblé, la proposition de loi avait suscité des réserves sur certains bancs, dans un contexte de progression des actes antisémites sur le territoire.

Les députés MoDem avaient ainsi craint une «instrumentalisation» de l’affaire à des fins politiques.

Ces objections, très minoritaires, ont été partagées au Sénat dans les rangs des Républicains (droite) et des centristes.

Antisémitisme

Quelque 646 actes antisémites ont été enregistrés en France de janvier à juin 2025, soit 27,5% de moins que sur la même période en 2024 mais ces chiffres sont toujours nettement supérieurs (+112,5%) à ceux enregistrés de janvier à juin 2023, soit avant le 7 octobre.

Le président de la commission des Forces armées, Cédric Perrin, s’est notamment dit «profondément gêné» par «l’opportunité» que ce texte représente pour «certaines formations politiques de s’acheter ‘à bon compte’ une virginité de façade en matière d’antisémitisme», a-t-il indiqué à l’AFP.

Il n’a pas participé au vote jeudi mais avait annoncé vouloir s’abstenir.

Emmanuel Macron lui-même avait émis quelques doutes face à l’initiative, en juillet, estimant que «la promotion dans les grades militaires» procédait de «circonstances avérées du temps présent», et que seul le président de la République était le «garant de l’application de cette règle». Tout en concédant que le Parlement serait «souverain».

Les descendants d’Alfred Dreyfus ont accueilli de leur côté très positivement cette loi. «C’est une reconnaissance de la valeur du soldat qu’il était, dans la continuité des travaux qui l’ont réhabilité non pas comme victime passive, mais comme héros», a pointé son arrière-petit-fils Michel Dreyfus.

«C’est un hommage vertueux, nécessaire mais probablement pas suffisant», appuie Anne-Cécile Lévy, arrière-petite-fille d’Alfred Dreyfus, qui continue d’espérer «une panthéonisation, en reconnaissance de toutes les valeurs qu’il incarne».

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