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Hans-Rudolf Merz se retire du gouvernement

Lors d'une conférence de presse vendredi, le ministre des finances a annoncé sa démission. Keystone

Au Conseil fédéral depuis 2004, le ministre des finances Hans-Rudolf Merz a annoncé vendredi sa démission pour octobre. Son mandat a été essentiellement marqué par la remise en question du secret bancaire et la crise avec la Libye.

Suite à un bilan tiré durant la pause estivale, Hans-Rudolf Merz a expliqué lors d’une conférence de presse que c’était le moment pour lui de se retirer du gouvernement, après sept ans passés au Conseil fédéral. Il a remis sa lettre de démission vendredi matin, aux présidentes des chambres fédérales.

Il a rappelé les différents acquis du Département des finances, dont il est à la tête depuis 2004. Et a noté que sa décision intervient après avoir mené à terme plusieurs dossiers importants. Il a évoqué l’assainissement des finances de la Confédération en 2009, qui a permis de combler 11 milliards de francs de dettes.

Le ministre des finances a ensuite mentionné la conclusion et la ratification des dix premiers accords de double imposition, renégociés selon les critères de l’OCDE. Et a rappelé l’adoption par le Parlement de l’accord UBS avec les Etats-Unis. Une affaire sur laquelle le ministre des finances a essuyé de nombreuses critiques.

A propos de la crise avec la Libye, il a rappelé que les deux otages étaient désormais de retour en Suisse. «Je ne suis pas à l’origine des deux dossiers (l’affaire UBS et la crise libyenne) sur lesquels j’ai été fortement attaqué. Mais j’ai été contraint de les résoudre.»

Pas de pressions

Agé de 67 ans, Hans-Rudolf Merz a été élu au Conseil fédéral en décembre 2003, pour remplacer son collègue libéral-radical Kaspar Villiger. Estimant avoir rempli les objectifs qu’il s’était fixés, il quittera le gouvernement au début du mois d’octobre.

Le ministre des finances dément toute pression de son parti pour sa démission. «Celle-ci intervient en toute liberté» a-t-il indiqué à la presse.

Il était décidé que le moment de son départ dépendrait de l’issue de la session d’été des Chambres fédérales. Celle-ci s’est déroulée de façon à ce qu’il puisse s’en aller.

Hans-Rudolf Merz a également évoqué la question de son retrait avec Moritz Leuenberger, qui a pour sa part annoncé son départ au début du mois de juillet. Ils sont arrivés à la conclusion que la situation n’était pas la même pour les deux.

«Je vais quitter le Conseil fédéral avec la conscience d’avoir exercé ce mandat avec toutes les forces dont je dispose», a déclaré le ministre.

S’il nie des pressions de la part de son parti, Hans-Rudolf Merz a aussi affirmé que ni son état de santé, ni le climat au sein du collège (qui, selon lui, est meilleur que ce que l’on dit de l’extérieur) n’avaient influé sur son départ.

«Il faut toutefois s’arrêter quand on peut et non quand on doit», a-t-il estimé vendredi.

Pour rappel, en septembre 2008, Hans-Rudolf Merz avait connu un grave infarctus. Il était resté plusieurs jours dans le coma et avait subi un quintuple pontage coronarien. Après six semaines de convalescence, il était revenu aux affaires comme si de rien n’était.

Un bilan mêlé

Après sept ans passés à la tête du Département des finances, le départ d’Hans-Rudolf Merz n’est pas une surprise. Défini à son entrée au gouvernement comme une personnalité politique «rôdée à la gestion des crises» et «un penseur critique», il a déçu.

Parti pour redresser les finances publiques, le ministre laisse un bilan grevé par plusieurs déconvenues. Si sa direction du Département des finances a été jalonnée de succès, son année présidentielle, à la tête de la Confédération (en 2009), l’a poussé vers la porte de sortie du gouvernement.

Il part sous le feu des critiques pour sa gestion des affaires UBS et libyenne, mais aussi pour l’assouplissement du secret bancaire.

Cet ardent défenseur du secret bancaire a ouvert les vannes, allant même jusqu’à briser le tabou absolu du monde financier en évoquant la possibilité d’un passage à l’échange automatique d’informations bancaires avec l’Union européenne.

Quant à l’affaire UBS, son entêtement à faire cavalier seul alors que le dossier tournait au vinaigre lui a valu de se faire tirer les oreilles par les commissions de gestion.

Sur l’affaire des otages en Libye également, le ministre des finances a sans doute agi de manière intempestive, et n’a pas attendu les résultats du second rapport de la haute surveillance parlementaire. Après s’être rendu à Tripoli en août 2009, le ministre avait présenté les excuses publiques de la Suisse à la Libye, pour l’arrestation d’Hannibal Kadhafi. Une déclaration qui avait provoqué une forte réaction du peuple suisse.

Et après la libération des deux otages suisses, l’image d’Hans-Rudolf Merz s’est encore ternie, lorsqu’il a publiquement critiqué des collègues du gouvernement. Ceci, suite à l’information qui a circulé que Berne avait envisagé une opération militaire en Libye.

Réactions diverses

Parmi les réactions, le Parti Socialiste (PS) a estimé vendredi dans un communiqué que «le bilan d’Hans-Rudolf Merz est globalement négatif et qu’il laisse derrière lui toute une série de problèmes majeurs non résolus.

Selon Ursula Wyss, présidente du groupe socialiste, le ministre des finances a joué «un rôle particulièrement malheureux dans l’affaire libyenne. Et le grand argentier s’est révélé passif dans le dossier bancaire.»

Le PS a également rappelé les zones d’ombre de l’affaire UBS où «les responsabilités n’ont pas toujours été établies, à commencer par le degré de connivence entre UBS, la Finma (organe de contrôle des marchés financiers) et le Département fédéral des finances.»

Mais le conseiller fédéral peut se targuer d’avoir fait accepter au peuple une réforme de l’imposition des entreprises, en février 2008. Une revanche après l’échec essuyé en mai 2004, lors du net rejet du paquet fiscal.

Economiesuisse salue un bilan du ministre «très positif tant au niveau financier que fiscal.» «Hans-Rudolf Merz a mis en oeuvre le frein à l’endettement et nos finances sont aujourd’hui au beau fixe», a souligné le président de la direction d’economiesuisse Pascal Gentinetta.

Fulvio Pelli, président du parti-libéral radical (PLR/centre droite) a qualifié Hans-Rudolf Merz de «meilleur ministre des finances en Europe». Il a rapporté que l’Appenzellois est parvenu à réduire la dette de l’Etat tout en diminuant les impôts.

Collègue de parti d’Hans-Rudolf Merz, le conseiller fédéral neuchâtelois, ministre de l’intérieur, Didier Burkhalter (élu en 2009 pour remplacer Pascal Couchepin) a aussi loué le travail du démissionnaire.

Des vues sur le poste

Le Parti bourgeois démocratique (PBD/ droite conservatrice) a estimé vendredi, que seuls les partis du centre peuvent revendiquer le siège vacant suite au départ d’Hans-Rudolf Merz. Il a mis en garde nommément l’UDC, qui ne «peut prétendre au siège.»

Mais, à ce stade, même si sa stratégie n’est pas encore définie, l’Union démocratique du centre (UDC/ droite conservatrice) a pourtant indiqué qu’elle allait revendiquer un deuxième siège au Conseil fédéral.

Les Verts ont quant à eux ouvertement annoncé qu’ils allaient briguer le siège du ministre des finances. «Il est grand temps qu’un politicien écologiste siège au gouvernement», ont-ils indiqué dans un communiqué.

Le Parti démocrate chrétien (PDC/centre) refuse pour l’instant de dévoiler ses intentions. Le parti pense que le PLR du ministre sortant et les socialistes ont passé un accord de soutien mutuel pour les successions de Moritz Leuenberger et Hans-Rudolf Merz.

De son côté, le PLR a revendiqué avec véhémence le siège de son ministre démissionnaire. Ceux qui l’attaqueront menacent le principe de concordance et, ainsi, une partie importante de la stabilité suisse, a prévenu la cheffe du groupe parlementaire Gabi Huber.

Le comité directeur du PLR a déjà établi la procédure de succession. Les candidatures peuvent être adressées jusqu’au 21 août prochain. Le groupe parlementaire auditionnera les candidats le 3 septembre et prendra sa décision le 14 septembre.

Les députés des deux chambres du Parlement seront appelés à élire le successeur d’Hans-Rudolf Merz, lors de la session d’automne.

swissinfo.ch et les agences

1959 – 2003: L’ère de la «formule magique»: 2 sièges au Parti socialiste (PS), 2 au Parti libéral-radical (PLR), 2 au Parti démocrate-chrétien (PDC) et 1 à l’Union démocratique du centre (UDC).

2004 – 2007: L’UDC Christoph Blocher prend un siège au PDC: 2 sièges PS, 2 PLR, 2 UDC et 1 PDC.

2008: Eveline Widmer-Schlumpf et Samuel Schmid quittent l’UDC et entrent au nouveau Parti Bourgeois démocratique (PBD): 2 sièges PS, 2 PLR, 2 PBD et 1 PDC.

2009: L’UDC revient au gouvernement avec Ueli Maurer qui succède à Samuel Schmid: 2 sièges PS, 2 PLR, 1 PDC, 1 UDC et 1 PBD.

2010: Moritz Leuenberger (PS) annonce sa démission pour fin 2010 et Hans-Rudolf Merz pour octobre.

Hans-Rudolf Merz est né le 10 novembre 1942 à Herisau, dans le canton d’Apenzell Rhodes-Extérieures.

Il termine son cursus universitaire à Saint-Gall en 1971, avec le titre de docteur en sciences politiques. Sa thèse porte sur le patrimoine financier et administratif selon les aspects du droit public et de l’économie.

De 1969 à 1974, Hans-Rudolf Merz travaille comme secrétaire du Parti libéral- radical (PLR) de Saint-Gall et comme directeur de l’Association de l’industrie d’Appenzell Rhodes-Extérieures.

Jusqu’en 1977, il exerce la fonction de sous-directeur du centre de formation Wolfsberg de l’UBS. Ensuite, jusqu’en 2003, il est conseiller d’entreprise indépendant et membre du conseil d’administration de diverses entreprises industrielles et sociétés de services suisses.

En 1997, il est élu au Conseil des Etats en tant que représentant du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures. Il préside la Commission des finances en tant que membre du PLR.

Hans-Rudolf Merz est élu au Conseil fédéral en décembre 2003, suite au retrait de Kaspar Villiger. Depuis son entrée en fonction au début de l’année 2004, Hans-Rudolf Merz a toujours été chef du Département fédéral des finances.

En 2009, il a assuré la présidence de la Confédération.

Hans-Rudolf Merz est marié et père de trois fils.

Source: Département fédéral des finances

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