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Histoire d’eau à la valaisanne

Trois failles sismiques se rejoignent sur la voûte de la grotte de St-Léonard. RTS

La grotte de St-Léonard, en Valais, qui abrite le plus grand lac souterrain d'Europe, a rouvert ses portes au public lundi. Après un lifting qui a duré deux ans.

Promenade en barque dans ces entrailles de la terre des Alpes.

Octobre 2000… un énorme bloc de plusieurs tonnes se détache au point d’embarquement, broyant complètement une des barges de visite. On imagine le pire si la chute avait eu lieu en plein jour.

Pourtant, l’exploitation, jusque là, n’avait jamais connu de problèmes. Le lac attirait chaque année plus de 100 000 personnes venues de toute l’Europe.

Suite à cet accident, la décision du géologue cantonal est immédiate et la grotte ferme au public. «Une fermeture qui a bien failli être définitive, admet Jean-Marc Burgï, le directeur, pour des raisons essentiellement économiques».

La commune de St-Léonard, consciente de l’attrait touristique du lieu, vote un crédit de deux millions de francs pour sécuriser les lieux. «Ces travaux de sécurisation sont désormais achevés, précise le directeur, et des points d’ancrage ont été placés dans les endroits à risque».

Un véritable travail de titan: il a fallu vider les 18 millions de litres d’eau du lac et le remplir à nouveau une fois les travaux achevés.

Cerise sur le gâteau, l’aire d’embarquement – auparavant très spartiate – a été entièrement réaménagée.

Superstitions et rumeurs



Voyager au centre de la terre est un phantasme, lié à Jules Vernes ou de façon plus profonde, aux récits mythologiques. Pourtant, le Lac de St-Léonard a longtemps été ignoré des autochtones.

Une ignorance que les historiens s’expliquent par un simple constat: nous sommes dans le canton du Valais, en terre catholique.

Certes, la population était, depuis des centaines d’années, très intriguée par une sorte de vasque d’eau fraîche entourée de gros cailloux, en plein milieu de cette petite commune du Valais central.

C’est très probablement par superstition ou par peur de la présence d’un d’esprit malin à l’intérieur de la caverne, que l’on ne s’y aventurait pas!
Seuls quelques intrépides vignerons osaient refroidir leur «barillon» de vin (tonnelet) dans l’eau fraîche (10 à 11 degrés).

Il faudra attendre la Seconde guerre mondiale pour qu’un spéléologue s’aventure dans la fameuse caverne.

La découverte

«Ce n’est effectivement qu’en 1943, explique Jean-Marc Burgï, que Jean-Jacques Pittard, alors président de la Société suisse de spéléologie, tente de découvrir ce que cachaient toutes ces rumeurs et superstitions populaires.»

Simplement équipé d’une lampe frontale à acétylène, l’audacieux spéléologue réalise cette première tentative à bord d’un petit canot pneumatique.

«Il en ressort émerveillé face à l’ampleur de la découverte, relève Jean-Marc Burgï, car sans en mesurer la longueur exacte, le spéléologue constate que le bras d’eau fait plusieurs centaines de mètres».

Toutefois, le voyage est difficile, car l’espace entre l’eau et le haut de la grotte n’est que de quelques dizaines de centimètres.

Trois années plus tard, le grand tremblement de terre de 1946 crée une faille gigantesque dans la grotte. Et le niveau du lac baisse de plus de 15 mètres! Un signe divin qui apporte encore de l’eau au moulin des superstitieux.

D’autres, plus pragmatiques, voient en ce signe une possibilité d’accès plus facile au grand public.

En 1949, en effet, le mythe de la caverne magique est dissipé et quelques esprits hardis devinent même le parti touristique qu’on peut tirer de ce lieu. L’exploitation commerciale débute cette année-là.

Rencontre de trois failles



Le succès est immédiat. Au début des années 50, l’accès à la grotte est rapidement aménagé et des barges permettent aux visiteurs de s’y engouffrer en naviguant sur des eaux limpides d’une surface de 6000 mètres carrés.

Outre la limpidité de l’eau filtrée par les roches, la grotte se révèle d’une grande richesse géologique. La voûte, en fait, est un point de rencontre de trois failles sismiques.

Une différence qui n’échappe pas au visiteur. «Il peut, ajoute Jean-Marc Burgï, admirer une masse de gypse (calcaire), expliquant l’absence de stalactites au plafond. Mais ses yeux sont également attirés par une masse de schiste et une masse de marbre gris et jaune».

Et pour rendre les lieux aussi mystérieux qu’au premier jour, de petits éclairages indirects ont été placés, au fil du temps, au ras de l’eau afin de laisser la grotte dans une semi-obscurité.

En revanche, le visiteur qui s’intéresse à la faune sera déçu. La vie animale y est quasi inexistante. Des chauves-souris y pénètrent à la fin de l’automne et seules quelques truites introduites artificiellement ornent les eaux limpides du lac, pour le plus grand plaisir des touristes.

swissinfo, Jean-Louis Thomas

Lac souterrain de St-Léonard: réouverture officielle lundi 16 juin (horaires et prix sur le site de la grotte).

La grotte de St-Léonard abrite le plus grand lac souterrain d’Europe.
Il y a trois ans, un éboulement entraîne sa fermeture.
Réaménagée, la grotte sera à nouveau ouverte au public dès lundi.

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