Ella Maillart, hauteur de vue
Ecrivain, photographe, journaliste et reporter, la grande exploratrice genevoise était aussi une femme mystique qui aimait les cimes.
Ses réflexions sur la vie spirituelle sont réunies dans «Bribes de sagesses», un livre que publient les éditions Actes Sud.
C’est curieux, mais il y a quelque chose d’à la fois apaisant et irritant dans «Bribes de sagesses». On se dit, au départ, qu’il s’agit là d’un livre prétentieux avec ses «sagesses» au pluriel. Mais une fois la lecture terminée, on se ravise, peut-être parce qu’il y a chez Ella Maillart, auteur de ces «bribes», une foi naïve et indestructible en la paix.
«Une paix durable», comme elle dit, qui porte de bout en bout ce petit livre à la lumière céleste, publié chez Actes Sud, début mai.
Valeur universelle
L’éditeur français a rassemblé ici quelques pensées d’Ella Maillart tirées de ses nombreux ouvrages ainsi que des extraits d’interviews données par cette écrivain genevoise (1903-1997) qui fut une grande voyageuse fascinée par l’Asie et une exploratrice hors normes. Comme l’étaient ses deux compatriotes Nicolas Bouvier et Annemarie Schwarzenbach, qu’elle a du reste très bien connus.
On parle beaucoup aujourd’hui de «développement durable». L’expression est même galvaudée. Mais qu’importe, elle fait recette. D’ailleurs bon nombre de présidentiables occidentaux mènent là-dessus leur campagne en préférant oublier que le «développement» ici visé ne peut se faire sans la paix. Notre planète est ravagée par les guerres, ces guerres qu’Ella Maillart maudit dans ses ouvrages. Ecoutez-là.
«Je n’ai pas quitté l’Europe parce que les difficultés du voyage m’attiraient, mais à cause de la situation que je voyais ici, de l’état négatif de notre société. Je cherchais un lieu vivable qui soit moins gorgé de non-sens que notre continent aveuglé, où les hommes se torturent et s’exterminent tous les vingt ans.»
Cet extrait n’est pas daté (on devine bien sûr qu’il a été écrit dans les années 1940). Il faut dire qu’aucune des «bribes» n’est datée. Sans doute parce que l’éditeur a estimé qu’il s’agissait là de «sagesses» à valeur universelle, se situant hors du temps et de l’espace.
Zen
D’ailleurs ce livre respire l’air des cimes, celles des montagnes suisses où Ella Maillart se réfugiait pour fuir les «enclos d’argile» que sont les villes. Sans oublier les cimes immatérielles de l’esprit. Une certaine hauteur de vue sous-tendue ici par une philosophie socratique. Laquelle voudrait que la paix avec soi et le monde passe par la connaissance de soi.
Ella Maillart a fait, on le sait, de très longs séjours en Asie. Ses considérations sur l’existence sont également nimbées d’une félicité bouddhique. Le lecteur sceptique se trouvera désemparé devant autant de calme, de bonté, de sérénité, valeurs d’une société zen, de plus en plus ignorées en Occident.
Le lecteur optimiste méditera, quant à lui, cette réflexion de l’auteur: “La barre horizontale de la croix représente le temps: le passé et l’avenir. La verticale, c’est l’esprit qui traverse la matière. Et à l’intersection des deux barres, c’est le Christ qui nous enseigne la sagesse”.
swissinfo, Ghania Adamo
Ella Maillart est née en 1903 à Genève.
Sportive de haut niveau (ski, voile, hockey sur terre), journaliste, photographe et aventurière, elle a arpenté le monde du pays de Galles et de l’Allemagne jusqu’à l’Inde et aux régions reculées de l’ex-URSS, où elle vécut plusieurs mois, et de l’Asie centrale.
Plusieurs livres retracent ses voyages et ses pensées.
Elle est décédée le 27 en 1997 à Chandolin (Valais).
«Bribes de sagesses» de Ella Maillart.
Editions Actes Sud, collection «Le souffle de l’esprit».
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