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L’aide humanitaire au ras des pâquerettes

Henri-François Morand, coordinateur adjoint de l'aide suisse au développement pour l'Afghanistan, au siège de la DDC à Kaboul. swissinfo.ch

Rentré d'Asie du Sud, Joseph Deiss a pu y mesurer ce qui fait le génie propre de l'aide humanitaire suisse, incarnée par de vrais hommes de terrain.

«Nous essayons toujours d’aller là où les autres ne vont pas.» Ce principe, Henri-François Morand a pu en prendre toute la mesure au cours de ses missions au Bangladesh, au Rwanda et plus encore en Afghanistan.

Arrivé à Kaboul il y a deux ans, le coordinateur adjoint de l’aide suisse au développement (DDC) pour l’Afghanistan commence par visiter tous les projets qui bénéficient du soutien de la Suisse. Une occasion de faire le tour de cet immense pays de montagnes. En voiture quand les routes le permettent, mais aussi bien souvent à cheval, voire à pied.

«Ce sont parmi mes plus beaux souvenirs d’Afghanistan, s’enthousiasme ce natif de la Gruyère aux yeux pétillants de malice. Quand vous avez vu où les gens vivent, quand vous avez passé cinq cols à 3500 mètres d’altitude pour atteindre un village, vous comprenez mieux où sont les problèmes et comment les empoigner. La nature ralentit notre marche et nous apprenons à ralentir notre démarche».

Pour les gens, avec les gens

Depuis qu’il est en Afghanistan, Henri-François Morand bénéficie également de l’expérience de celui qu’il nomme désormais son frère: Sayed Aqa, un ancien moudjahid qui lui aussi a arpenté le pays de long en large.

Impossible, en effet, de travailler pour les Afghans sans travailler avec les Afghans. Entre Islamabad et Kaboul, la DDC n’a plus aujourd’hui que cinq collaborateurs munis du passeport rouge à croix blanche, contre quinze il y a encore dix ans. Peu à peu, les Helvètes sont remplacés par des locaux.

C’est un peu la philosophie de l’aide suisse au développement, qu’elle s’incarne dans la DDC ou dans les nombreuses ONG présentes sur le terrain. Au lieu d’importer des modèles tous faits, on soutient les initiatives et les actions locales.

«Il faut savoir s’asseoir avec les gens, les écouter, nous avons beaucoup à apprendre d’eux», explique Henri-François Morand.

Et de citer l’exemple d’un projet de formation aux soins de santé primaire, dans une zone très reculée du centre de l’Afghanistan. «Nous y travaillons avec une ONG française et nous sommes juste là pour les contrôles de qualité. S’agissant de la vie des gens, en effet, on ne peut pas faire n’importe quoi. Mais pour le reste, nous faisons entièrement confiance aux gens du coin», note Henri-François Morand.

Le prétexte ethnique

«Bien sûr, ce pays est l’un des plus pauvres du monde. Mais les gens y sont beaux, ils ont une grande dignité et beaucoup de personnalité, poursuit Henri-François Morand. Les Afghans sont fiers de dire qu’aucune puissance étrangère n’a jamais pu les vaincre, mais ils sont conscients qu’ils se sont détruits eux-mêmes.»

Pour le coopérant suisse, les conflits qui ont ravagé le pays au cours des vingt-trois dernières années doivent bien plus à un contexte géopolitique particulier qu’à un simple affrontement ethnique.

«Aujourd’hui, on fait vibrer la corde ethnique, constate Henri-François Morand. Mais vous savez, quand des Afghans se retrouvent ensemble dans un camp de réfugiés et qu’ils doivent faire face à des situations d’urgence, comme de trouver et de partager l’eau, ils s’y mettent ensemble, sans trop se soucier de savoir qui est Tadjik, Ouzbek ou Pachtoune.»

Et Henri-François Morand sait de quoi il parle. Sitôt repartie la délégation de Joseph Deiss, il s’envolait pour le Balouchistan, afin d’y visiter des camps de réfugiés afghans.

La force de l’enthousiasme

La foi de ce petit homme à la voix juvénile ne manque pas d’impressionner ses interlocuteurs. Alors, qu’est-ce qui fait courir Henri-François Morand?

«Je crois qu’il faut savoir garder ses yeux d’enfant, admet cet abonné aux missions impossibles. Prenez par exemple le Bangladesh: à cause de sa pauvreté, nous nous l’imaginons comme un pays triste et gris. Or, c’est tout le contraire, j’y ai découvert tellement de beauté que je me suis mis à la peinture pour rendre cette lumière. Les gens sont fabuleux, créatifs, chaleureux et la langue très riche.»

Les langues, Henri-François Morand essaye d’en apprendre un maximum partout où il s’arrête. C’est selon lui le meilleur moyen d’entendre vraiment ce que les gens ont à dire.

«Il est vrai que je suis attiré par les pays où tout est détruit. Mais c’est justement parce qu’il y a un potentiel à remettre à niveau, un potentiel que l’on peut utiliser pour construire. Et c’est très stimulant», conclut Henri-François Morand.

swissinfo/Marc-André Miserez, de retour de Kaboul

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