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Les nitazènes, ces opioïdes surpuissants qui inquiètent l’Europe

poudre blanche
Ce type d’opioïdes de synthèse, hautement addictif, est aujourd’hui principalement utilisé comme produit de coupe, notamment pour l'héroïne. Keystone/DPA/Marijan Murat

Opioïdes de synthèses, les nitazènes sont jusqu’à 50 fois plus puissants que le fentanyl. Cette drogue a été détectée au Royaume-Uni, en Estonie et même en Suisse. La RTS analyse leur apparition et les risques qu’ils représentent. 

Comme le fentanyl, les nitazènes sont des opioïdes synthétiques, donc produits en laboratoire. Ils agissent de manière similaire aux opiacés issus du pavot, comme l’héroïne, mais sont beaucoup plus puissants et difficiles à doser, décrit le Groupement Romand d’Études des Addictions (GREA).

Les nitazènes ont été développés dans les années 1950 par une entreprise pharmaceutique suisse, CIBA AG, qui, après sa fusion avec Sandoz, est devenue Novartis en 1996. Ces opioïdes étaient tout d’abord développés comme antalgiques, donc comme antidouleurs.

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D’abord en Amérique du Nord

Les réseaux criminels ont récupéré la recette et l’ont détournée. Les nitazènes ont fait leur apparition dans la rue aux Etats-Unis, au Canada, puis en Europe à partir de 2019. Aujourd’hui, leur production, leur logistique et leur commerce s’opèrent de manière illégale essentiellement depuis la Chine.

En 2023, 28 pays ont signalé la présence d’une vingtaine de types de nitazènes différents aux Nations unies. Douze d’entre eux sont désormais sous contrôle international.

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Moins d’héroïne, davantage de nitazènes

En Europe, «un bon nombre de ces nitazènes arrivent sur le marché en raison de la baisse de la production d’opium en Afghanistan. L’Europe dépend fortement de l’Afghanistan pour son approvisionnement en héroïne et les nitazènes comblent en quelque sorte ce vide», explique Gillian Shorter, maître de conférence en psychologie clinique et experte de la crise des opioïdes au Royaume-Uni, interrogée par RTS.

Ce type d’opioïdes de synthèse, hautement addictif, est aujourd’hui principalement utilisé comme produit de coupe, notamment pour l’héroïne, afin de gonfler le produit vendu, sans mention à l’acheteur ou l’acheteuse. Les usagers ne savent donc pas qu’ils consomment des nitazènes.

Les nitazènes représentent un risque mortel, indique David Tebbet, de l’organisation indépendante «Transform Drug Policy Foundation» basée au Royaume-Uni et impliquée dans les discussions sur la régulation des drogues à l’ONU.

«Le pouvoir des nitazènes est incroyable. Même si une personne tolère les opioïdes, les nitazènes sont tellement puissants qu’une quantité infime, équivalente à un grain de sable, peut contribuer à provoquer une overdose respiratoire», affirme le spécialiste.

Décès par overdose en hausse

En Estonie, le nombre de morts par overdose liées aux nitazènes est en hausse ces dernières années, selon les Nations Unies. Le gouvernement britannique, lui, a publié des chiffres à ce sujet : entre juin 2023 et janvier 2025, 458 décès liés aux nitazènes ont été recensés. «Chaque région d’Angleterre a connu au moins un décès lié aux nitazènes», s’alarme Gillian Shorter.

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En Suisse, il n’existe pas de statistique précise, mais des cas sont mentionnés sur le site de la Confédération. «Dans des centres de drug checking, il y a des gens qui ont apporté des substances un peu suspectes et on a trouvé des nitazènes. Il s’agissait plutôt de gens qui avaient commandé des produits sur Internet», souligne Barbara Broers, professeure en médecine des addictions et co-auteure de la fiche d’information d’Infodrog sur les opioïdes synthétiques en SuisseLien externe. «Peut-être que c’est la pointe de l’iceberg et qu’il y en a déjà un peu partout», ajoute-t-elle. 

Aujourd’hui, le grand défi concernant cette substance mortelle est de la détecter, sachant que beaucoup de tests toxicologiques sur le marché n’ont pas la capacité de le faire. Lors d’une autopsie, il est également possible que les médecins analysent uniquement les premières drogues trouvées dans le corps et passent à côté de la présence de nitazènes.

>> Revoir aussi le reportage de Mise au Point sur la crise des opioïdes aux Etats-Unis :

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Vers une crise des opioïdes en Europe?

Les professionnels des addictions soulignent la menace d’une crise des opioïdes sur le sol européen. Cependant, il est impossible de prévoir quand elle pourrait intervenir. Ils estiment également que l’Europe n’est pas prête. Le GREA souligne ainsi l’importance d’anticiper et de ne pas uniquement réagirLien externe. Aux Etats-Unis, 80’000 décès liés aux opioïdes ont été constatés en 2024.

Les professionnels mettent en avant plusieurs mesures pour se préparer: davantage de drug checking, ces espaces dans lesquels les consommateurs peuvent faire tester leurs drogues et ainsi savoir de quoi elles sont composées, un meilleur accompagnement des personnes en situation de dépendance et d’addictions, souvent stigmatisées, et une sensibilisation de la population au sujet des drogues et aux gestes de premiers secours en cas d’overdose. Les associations demandent aux Etats d’investir davantage dans ce secteur.

D’autres défis restent à relever si une déferlante d’opioïdes de ce type venait à se répandre grandement en Europe, notamment la question de l’approvisionnement en Naloxone, un médicament antidote qui permet d’inverser l’arrêt respiratoire sous opioïdes.

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