
Pourquoi quinze habitants sur cent suffisent pour gagner une votation?

En ciblant juste, nul besoin de convaincre la moitié de la population pour faire passer un projet. A peine plus de 1,3 million de voix suffisent pour remporter une votation fédérale alors que la Suisse compte plus de 9 millions de personnes.
Imaginons la population suisse comme un village de 100 personnes. Seules 28 participent effectivement aux scrutins nationaux, en moyenne. C’est moins que ceux qui y renoncent volontairement, les abstentionnistes: ils sont 32,5, près d’un tiers de nos résidentes et résidents. Les quarante «villageois» restants sont, de facto, exclus du vote. Soit parce qu’ils sont trop jeunes, soit parce qu’ils ne possèdent pas la nationalité suisse.
Seul un habitant sur deux peut voter à Genève
Cette situation est occasionnellement perçue comme un problème pour la démocratie. Elle a sans doute porté les mobilisations pour le droit de vote des étrangers en Suisse romande: Genève, Vaud, le Jura et Neuchâtel ont accordé le droit de suffrage aux résidents et résidentes non suisses, au niveau communal.
Ces deux derniers cantons ont même décidé d’aller plus loin en élargissant les droits aux scrutins cantonaux. La part de la population appelée à se prononcer sur les enjeux locaux a mécaniquement augmenté. Quatre personnes sur cinq y disposent désormais de la carte de vote, contre une sur deux à Genève et sur Vaud.
Même invités, les étrangers participent peu
Pourtant, l’élargissement du groupe de personnes votant n’a que peu d’effets dans les urnes. Lors des scrutins récents, 26 résidents vaudois sur 100 ont rempli leur bulletin. À Neuchâtel, ils étaient 28.
Ce paradoxe apparent s’explique assez facilement. Le taux de participation est généralement beaucoup plus bas parmi ces nouveaux électeurs et électrices. Moins de 13% des étrangers appelés aux urnes le 24 novembre 2024 à Neuchâtel se sont prononcés. A titre de comparaison, plus de 40% des détenteurs de la nationalité suisse se sont exprimés.
Un phénomène décortiqué par Rosita Fibbi, chercheuse à l’Université de Neuchâtel, interrogée par Le Temps en 2023. Elle citait le cas des communautés espagnoles et portugaises: «Les personnes interrogées (dans le contexte d’une étude sur le sujet, ndlr.) estiment qu’elles ne sont pas chez elles en Suisse, car elles trouvent leur situation instable. Leurs contrats de bail et de travail peuvent être résiliés à tout moment. Elles sont les cibles d’attitudes discriminatoires. Cette déception les conduit à envisager un retour en Espagne ou au Portugal à l’âge de la retraite».

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