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Le repli des Etats bloque l’OMC

Depuis son entrée à l’OMC en 2001, la Chine est devenue n°1 mondial à l’exportation et n°2 à l’importation. Reuters

Au menu de la 8e conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Genève figure l’adhésion de la Russie ou la lutte contre le protectionnisme. L’avenir du cycle de Doha, lui, est plus incertain que jamais.

Le Cycle de l’Uruguay (1986-1994), qui avait débouché sur la création de l’OMC, reste le dernier accord commercial multilatéral conclu par les Etats. Depuis, c’est l’impasse.

Après l’échec de Seattle en 1999, les Etats membres de l’OMC s’étaient bien mis d’accord –  en novembre 2001 au Qatar – pour lancer un nouveau cycle de libéralisation régulée des marchés,  aiguillonnés qu’ils étaient par les attentats du 11 septembre.

Mais 10 ans plus tard, le «Programme de Doha pour le développement» est toujours à la recherche d’un consensus. Les pays industrialisés demandent davantage de concessions des pays émergents sur l’ouverture de leurs marchés des produits industriels. Les pays du Sud – dont les gros exportateurs agricoles – exigent, eux, une plus grande ouverture des pays du Nord à leurs produits agricoles.

«Il n’y aura pas de négociations lors de la conférence. Ce sera l’occasion pour chaque pays d’exprimer ses priorités et de dire comment il souhaite continuer», précise d’ailleurs le porte-parole de l’OMC Keith Rockwell.

Pendant ce temps, les Etats multiplient les accords bilatéraux et régionaux de libre-échange. Une tendance qui nuit à la cohérence du système commercial et qui profite aux grandes puissances.

Le cycle de Doha dans les limbes

 

Cela dit, personne n’est encore prêt à déclarer publiquement que Doha est mort. «Tous les ministres vous diront qu’ils veulent conclure le cycle, aucun ne dira qu’il est fatigué et qu’il veut abandonner», soulignait le directeur général de l’OMC Pascal Lamy sur les ondes de la radio publique suisse.

Mais les élections américaines de novembre 2012 et la crise de la dette dans la zone euro et aux Etats-Unis repoussent la conclusion du cycle de Doha aux calendes grecques.

Malgré ses efforts, Pascal Lamy n’est donc pas parvenu à surmonter les divergences, même sur un «paquet restreint» de quelques domaines limités.

Seule percée attendue cette semaine à Genève, les négociations sur l’ouverture des marchés publics (conduite par le diplomate suisse Nicholas Niggli) ont abouti à un accord entre les ministres du commerce au 1er jour de la conférence. Ce qui, selon l’OMC, pourraient injecter chaque année entre 80 à 100 milliards de dollars aux chiffres du commerce mondial.

«La mondialisation a une incroyable capacité à créer de la croissance et des gains d’efficacité. Elle a fait sortir les gens de la pauvreté à des taux sans précédent. Mais le système mondial est instable et manque de contrôles. La capacité de maîtriser la complexité de la mondialisation est à la baisse», juge Pascal Lamy.

Dans un entretien accordé au quotidien suisse Le Temps, le directeur général de l’OMC ajoute que l’ouverture négociée des marchés n’accroit pas en elle-même les inégalités entre riches et pauvres: «Les inégalités sont les résultats des politiques nationales de redistribution de la richesse, des politiques sociales et d’éducation. La transformation des sociétés fait aussi qu’il y a de plus en plus de riches dans les pays pauvres et de plus en plus de pauvres dans les pays riches. Dans les grands pays émergents, la structure de développement fait qu’il y a un creusement des inégalités dans les premières phases de décollage économique.»

De nouveaux membres

 

Pourtant, la dimension universelle de l’OMC ne cesse de croitre. Les 153 membres de l’OMC vont accueillir lors de la réunion genevoise 3 nouveaux Etats: la Russie, Samoa et le Monténégro. Et ce, alors que d’autres candidatures sont pendantes, comme celle de l’Algérie.

La Russie sera ainsi la dernière grande puissance à rejoindre l’OMC. En attente depuis 18 ans, l’adhésion de la Russie a notamment été rendue possible par la médiation de la Suisse entre Moscou et Tbilissi et l’accord sur le différend douanier entre les deux pays le mois dernier.

Mais l’entrée du géant russe n’est pas forcément de bon augure. C’est en tout cas l’avis de Cédric Dupont, de l’Institut de Hautes études internationales et du développement: «Je ne vois vraiment pas la Russie comme une économie de marché capable ou désireuse de s’acquitter de ses obligations envers l’OMC. L’entrée de la Russie constitue un pari politique très risqué.»

Un accord sur les marchés publics est déjà intervenu in extremis jeudi, avant même l’ouverture de la 8e conférence ministérielle de l’OMC.

Il ouvre à la concurrence internationale des appels d’offres pour les marchés publics, que ce soit pour la fourniture de biens et services ou pour des biens d’infrastructure (gares, aéroports, réseaux téléphoniques…).

Conclu entre 42 pays, l’accord doit encore être finalisé sur le plan juridique, avant de pouvoir être signé officiellement.

«C’est une bonne nouvelle, et il n’y en a pas beaucoup à l’heure actuelle, a commenté Pascal Lamy. C’est la démonstration que même dans un environnement économique qui se détériore, et rend plus difficile les décisions au niveau international, avec beaucoup de travail, on peut y arriver.»

Le directeur de l’OMC a félicité le président du comité des négociations depuis 2007, le Suisse Nicholas Niggli, pour ce résultat. Ce dernier a indiqué que les négociations ont pu aboutir après sept jours de tractations non-stop depuis la semaine dernière.

Source ATS

Une dizaine d’organisations ont appelé à manifester contre la réunion ministérielle de l’OMC.

De jeudi à samedi, elles ont prévu à Genève une série d’actions, d’ateliers et de débats.

Le mouvement «Occupy Geneva», le Forum social lémanique, ATTAC, SolidaritéS, les syndicats UNIA, SIT et CGAS, la Gauche anti-capitaliste veulent manifester leur opposition à la libéralisation du commerce.

Un rassemblement est prévu samedi après-midi.

Ces organisations dénoncent «les effets néfastes» des accords en vigueur, les «maigres concessions» aux pays en développement et la tentative des Etats-Unis d’imposer «un nouvel agenda» favorable aux transnationales.

Elles demandent de «changer radicalement de cap» en protégeant les industries nationales et les paysans de la concurrence.

Source : ATS

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