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Le volet suisse des élections tunisiennes

Les affiches électorales ont fleuri sur les murs de Tunis et des autres localités du pays. Keystone

La diaspora tunisienne a droit à 18 sièges sur les 217 de l’Assemblée constituante qui sera élue le 23 octobre. Tour d’horizon des candidats et des électeurs vivant en Suisse.

Premier pays du monde arabe à s’être libéré de la dictature, la Tunisie est également le premier à organiser des élections libres, neuf mois après une révolution pacifique.

La circonscription électorale qui couvre la Suisse, les Amériques et une partie de l’Europe (sauf la France, l’Allemagne et l’Italie) a droit à deux sièges, que se disputent pas moins de 17 listes. Les Tunisiens de France, groupe le plus nombreux de la diaspora, ont droit à 10 sièges sur les 18 réservés à l’ensemble des Tunisiens de l’étranger pour cette Assemblée constituante de 217 sièges.   

«Tout est prêt pour accueillir les électeurs tunisiens vivant en Suisse», précise Mohamed Hassan, responsable pour la Suisse de l’Instance régionale indépendante pour les élections. Cinq bureaux de vote ont été installés à Berne, Genève, Lausanne, Neuchâtel et Zurich. Ils seront ouverts du 20 au 22 octobre.

Mohamed Hasan exhorte «tous les Tunisiens – indépendamment de leur orientation intellectuelle ou politique – à se sentir impliqués dans cette transition démocratique, et à réaliser que leur participation à ces élections est la meilleure expression de leur citoyenneté».

11’333 candidats

Le choix proposé aux électeurs est immense: 11’333 candidats, 1570 listes électorales et quelques 110 partis. L’Assemblée aura pour mission de rédiger une constitution et de superviser la deuxième phase de la transition, qui doit se terminer avec des élections législatives et présidentielles. 

En Suisse (15’000 Tunisiens dont 8’000 en capacité de voter), trois candidats (dont deux femmes) concourent sur deux listes. Imed Abdelli, un avocat vivant à Genève depuis 20 ans et Safwa Aissa, spécialiste dans la médiation interculturelle, figurent sur la liste «Pour redresser le processus de la révolution».

«Il n’est pas exagéré de dire que la révolution tunisienne a changé la face du monde et conduit à l’éclatement de révolutions populaires dans les pays voisins. Mais elle s’est éloignée des motivations des jeunes qui l’ont déclenchée, assure Imed Abdelli. La révolution doit être ramenée à la population et à la jeunesse qui en constitue l’avant-garde.»

La troisième candidate suisse est une artiste résidant à Genève. Pour l’occasion Mounira Mohamed a créé une «Liste indépendante progressiste pour les libertés et la justice sociale». Mounira Mohamed agit ainsi pour que sa candidature soit «collective, représentative de tous les segments du peuple tunisien et ouverte à tout ce qui est positif dans l’expérience humaine, sans oublier la défense de la justice sociale.»

Sur les 110 partis tunisiens en lice, trois seulement ont réussi à présenter des listes couvrant l’ensemble des six circonscriptions établies en dehors de la Tunisie: le Congrès pour la République, le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) et le parti islamique Renaissance (Ennahda en arabe).

Campagnes électorales en Suisse

Depuis le début de la campagne électorale, les représentants de ces listes ont cherché à approcher les électeurs en Suisse pour les persuader de voter pour leurs candidats.

Mohamed Jribi, en charge pour la Suisse de la campagne électorale des islamistes (Ennahda), assure que son parti est en faveur d’un régime parlementaire qui restitue le pouvoir au peuple. Avant d’ajouter: «Nous allons travailler à la création d’un ministère qui prenne en charge les affaires des émigrés tunisiens et qui les encourage à investir dans leur pays. Les travailleurs tunisiens à l’étranger sont la deuxième source de devises après le secteur du tourisme.»

De son coté, Jalal al-Matiri, un militant qui soutient la «Liste indépendante progressiste pour les libertés et la justice sociale», déclare: «Nous soutenons un système politique parlementaire, la séparation entre les trois pouvoirs, la réforme de la sécurité et de la police et la lutte contre toutes les formes d’impunité.»

Fondatrice de cette liste, Mounira Mohamed ajoute: «En cas d’élection, nous allons travailler pour que la nouvelle constitution contienne un article portant sur la création d’un conseil pour les émigrants, indépendant du ministère des Affaires étrangères. Sa tâche sera de s’occuper de Tunisiens à l’étranger et de répondre à leurs aspirations.»

La liste «Pour redresser le processus de la révolution» met la priorité sur «la réforme du système judiciaire, la purge de l’appareil sécuritaire et la restructuration de l’économie nationale afin d’être en mesure d’exploiter le potentiel humain et financier de la Tunisie et de répondre aux aspirations des citoyens.»

La plupart des candidats sont d’accord sur le rôle central de la diaspora tunisienne qui représente 10% de la population totale.

La Suisse inspire

Dans leur vision pour la Tunisie, les candidats «suisses» sont clairement influencés par le modèle social et politique de leur pays d’accueil. Ils insistent sur l’importance d’une politique décentralisée, l’acceptation des autres opinions, le rejet de l’exclusion et la capacité à faire des concessions.

Mais les partis et les indépendants en Tunisie reprennent souvent le même message en réclamant la décentralisation et des référendums dans les questions clé des affaires publiques.

Beaucoup de listes insistent en effet sur la nécessité d’élire des conseils locaux et de leur accorder de larges pouvoirs pour déterminer les budgets de leur région, pour définir les plans de développement et pour gérer les ressources locales. A chaque fois, le modèle suisse est cité en exemple.

La Suisse a pris à sa charge l’ensemble des urnes utilisées lors de l’élection.

La Suisse a fourni 12 experts et observateurs pour la surveillance de l’élection.

Parlementaire suisse, Andreas Gross dirige une délégation de 20 observateurs du Conseil de l’Europe.

Ennahda. Favori des sondages, le parti islamiste a été fondé en 1981 par Rached Ghannouchi, en s’inspirant des Frères musulmans égyptiens. Ennahda est d’abord toléré par le président Zine El-Abidine Ben Ali, puis impitoyablement combattu dans les années 1990.

Parti démocrate progressiste (PDP) fondé en 1983 par Ahmed Néjib Chebbi, un avocat de centre-gauche aux orientations économiques libérales. Il faisait partie des partis d’oppositions tolérés par Ben Ali.

 

Ettakatol (forum en arabe), légalisé en 2002, est perçu comme un parti d’élites du centre-gauche, membre de l’Internationale socialiste. Il est dirigé par Mustapha Ben Jafaar, un médecin opposant de longue date à Ben Ali.  

 

Ettajdid (ex-communiste) de l’universitaire Ahmed Brahim. Il a pris en 1993 une orientation sociale-démocrate et a bataillé pour former la coalition du «Pôle démocrate moderniste» (PDM). Composé en mai, fort de cinq partis et d’indépendants, le PDM veut «faire barrage» à Ennahda.

Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki. Il a été créé en 2001 et aussitôt interdit. Ses dirigeants ont vécu en exil en France jusqu’en 2011. Médecin marqué à gauche et défenseur de l’identité arabo-islamique, Moncef Marzouki s’est rapproché des islamistes d’Ennahda.

Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT). Son chef Hamma Hammami a longtemps vécu dans la clandestinité. Il jouit d’une importante notoriété, acquise en 25 ans de lutte pour les libertés.

Une quarantaine de formations se disputent l’héritage électoral du parti de l’ancien régime (RCD, dissous). Les plus en vue sont Al-Watan de Mohamed Jegham et Al-Moubadara de Kamel Morjane, tous deux anciens ministres de Ben Ali.

 

Le scrutin à laproportionnelle favorise les petits partis.

Source : AFP

(Traduction et adaptation de l’arabe: swissinfo.ch)

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