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Les Suisses d’Amérique discriminés par leur banque

Keystone

Les Suisses expatriés aux Etats-Unis sont victimes de discrimination de la part de banques helvétiques mises sous pression par le fisc américain. Le député radical zurichois Ruedi Noser déplore le manque de vision stratégique du gouvernement dans ce dossier.

La querelle autour de l’assouplissement du secret bancaire touche également les Suisses de l’étranger. Pendant des mois, notamment avec l’affaire UBS aux Etats-Unis, on a soupçonné de riches étrangers d’utiliser des comptes suisses pour pratiquer la fraude ou l’évasion fiscale.

Les Suisses résidant aux Etats-Unis, qu’ils aient la double nationalité ou non, sont également dans le viseur des autorités fiscales américaines. Par crainte de sanctions, certaines banques suisses ont résilié par précaution des comptes de clients américains, parmi lesquels figuraient également des Suisses de l’étranger. Parfois, ces fermetures de comptes sont intervenues après des dizaines d’années de relations commerciales continues.

Cette mesure, qui peut être légitime d’un point de vue économique pour les banques, est contestable politiquement. Les Suisses résidant aux Etats-Unis se retrouvent discriminés par rapport à leurs concitoyens, qu’ils résident en Suisse ou dans d’autres pays.

Intervention parlementaire planifiée

Le Conseil des Suisses de l’étranger, qui est une sorte de Parlement des Suisses résidant hors de leur pays d’origine, va se pencher sur ce dossier cette fin de semaine lors du Congrès de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) à Lucerne, selon le président de l’OSE Rudolf Wyder.

«Dans les cas de clients Suisses établis aux Etats-Unis ayant correctement déclaré leur fortune et dont les comptes ont néanmoins été fermés, il y a clairement eu une sur-réaction des banques suisses», estime le député radical (PRD / droite économique) zurichois Ruedi Noser.

La Suisse subit cette situation en raison d’un manque total de stratégie de ses autorités, estime Ruedi Noser. Un inventaire des conséquences inattendues découlant de l’épineuse problématique du secret bancaire aurait suffit pour se préparer à de telles éventualités. Le député zurichois envisage de déposer une intervention sur cette question lors de la prochaine session parlementaire.

Manquements du gouvernement

Ruedi Noser déplore les manquements dans la conduite du dossier par «l’ensemble du Conseil fédéral, pas seulement par un département». Beaucoup de mauvaises expériences de ces dernières semaines auraient pu être évitées si la Confédération avait établie une stratégie adéquate, estime-t-il.

Pour Ruedi Noser, il est clair qu’«une banque ne peut pas refuser un compte à un Suisse sous le seul prétexte qu’il habite aux Etats-Unis». Une telle sanction collective n’est pas recevable. Tout comme la proposition de mettre à contribution la famille du titulaire du compte.

Les parents ou les frères et sœurs restés en Suisse pourraient reprendre, à titre transitoire, les relations bancaires du titulaire du compte résilié. C’est ce qui se passe parfois pour les clients de pays orientaux. Mais la culture familiale y est bien différente. «Les politiciens suisses devraient justement s’assurer que les Suisses n’aient pas à recourir à ces `solutions` de dernier recours», affirme Ruedi Noser.

Une image importante

«Les Suisses de l’étranger ne sont de loin pas tous intéressés par le secret bancaire», selon Rudolf Wyder, président de l’OSE. «Mais tous sont intéressés à ce que leur pays fasse bonne figure». En raison de leur plus grande exposition, les Suisses de l’étranger sont davantage concernés par l’image que véhicule leur pays sur la scène internationale.

Ils réagissent également de manière plus sensible à l’image donnée par les banques suisses à l’étranger. La forte implication personnelle sur la thématique du secret bancaire laisse à penser que de nombreux Suisses de l’étranger se rendront aux urnes si les accords de double imposition actuellement en cours de renégociation avec de nombreux pays devaient être soumis au verdict populaire, estime Rudolf Wyder.

L’ampleur de l’assouplissement du secret bancaire ne sera connu que lorsque la teneur des conventions de double imposition (CDI) sera rendue publique. Pour Rudolf Wyder, ce n’est qu’une fois le contenu de ces accords connus que l’on saura si les Suisses de l’étranger sont plutôt favorables ou défavorables à leur révision. Plus le résultat de la votation sera serré en Suisse, plus les voix des Suisses de l’étranger seront importantes pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

Protection des données

En Allemagne, les politiciens sociaux-démocrates et de gauche ainsi que les défenseurs de la protection des données ont fait part de leur indignation très récemment après avoir pris connaissance d’un projet de la Commission européenne visant à transmettre des données bancaires européennes aux responsables américains de la lutte antiterroriste.

Halina Wawzyniak, vice-présidente du Parti de gauche allemand (Die Linke), reproche aux Etats-Unis d’alimenter une paranoïa de la terreur. Et d’avertir: «Le danger est que le moindre centime versé par un citoyen d’un compte à un autre puisse être mis à la lumière du jour».

Beaucoup de Suisses nourrissent des craintes similaires. «Dans les pays nordiques, des discussions intensives se tiennent autour de la protection des données», affirme Ruedi Noser. «Les réactions de la classe politique et des défenseurs de la protection des données démontre qu’il y a en Allemagne un intérêt commun avec celui de la Suisse».

Vie privée au lieu de fraude fiscale

Dans d’autres pays européens, on devrait tenir le même raisonnement, selon Ruedi Noser: «La protection des données est un sujet sensible qui intéresse la population. Il y a bien peu de personnes prêtes à livrer toutes leurs informations bancaires aux gouvernements».

Pour le radical zurichois, il appartient au Conseil fédéral de communiquer de la bonne manière: «Un secret bancaire pour protéger la sphère privée et non pas pour faciliter la fraude fiscale. Communiqué de cette façon, le message aurait également une chance d’être entendu en Europe».

Alexander Künzle, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Samuel Jaberg)

Nombre. En décembre 2008, 616’176 personnes détentrices d’un passeport suisse vivaient à l’étranger, soit 8069 citoyens de plus que l’année précédente. Trois quarts possèdent la double nationalité.

Europe. La plus grande communauté helvétique recensée en Europe en 2008, se trouvait en France, avec 177’598 personnes installées dans l’Hexagone. Suivent l’Allemagne avec 75’439 détenteurs du passeport rouge à croix blanche et enfin, l’Italie, avec 48’147 Suisses recensés.

Monde. Hors des frontières européennes, c’est aux Etats-Unis et au Canada que l’on trouve les plus grandes colonies de ressortissants suisses, avec respectivement 74’862 et 38’200 expatriés. Près de 120’000 Suisses de l’étranger sont enregistrés auprès du registre électoral de leur canton d’origine.

L’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) représente les intérêts des Suissesses et des Suisses de l’étranger en Suisse. L’OSE, qui existe depuis 1916, est reconnue par les autorités comme porte-parole de la Cinquième Suisse.

Le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE) est une sorte de Parlement de la diaspora helvétique. Interlocuteur reconnu des autorités fédérales, il représente les intérêts des Suisses de l’étranger.

Le CSE se réunit deux fois par année en Suisse afin d’examiner les thèmes politiques qui concernent la Cinquième Suisse et pour faire connaître sa position en la matière. La prochaine session du CSE doit se dérouler lors du 87e Congrès des Suisses de l’étranger, qui aura lieu du 7 au 9 août à Lucerne.

Plainte. En février dernier, les autorités fiscales américaines ont déposé une plainte auprès du Tribunal fédéral de Miami pour tenter d’obliger UBS à fournir la liste de 52’000 clients soupçonnés de fraude fiscale.

Défense. Soutenue par les autorités suisses, UBS a exigé que l’IRS lui donne d’abord les noms des éventuels fraudeurs. Pour la Suisse, la plainte de l’IRS est contraire aux accords de double imposition en vigueur avec les Etats-Unis.

Accord. Un accord à l’amiable a été conclu la semaine dernière entre Berne et Washington pour mettre fin aux poursuites américaines contre la banque suisse. Selon la presse suisse, UBS échappera à une amende mais devra divulguer les données de quelque 5000 clients américains.

Double imposition. Afin de sortir de la liste grise des paradis fiscaux établie par l’OCDE, la Suisse a déjà révisé ses conventions de double imposition avec 12 pays depuis ce printemps. Ces conventions reprennent les standards de l’OCDE relatifs à l’assistance administrative tout en permettant de pratiquer l’échange de renseignement au cas par cas.

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