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Joachim Son-Forget, le député «suisse» à l’agenda présidentiel

Joachim Son-Forget lors d'une intervention à l'Assemblée nationale, où il siège au sein de la majorité présidentielle. Assemblée nationale

L’élu des Français de Suisse use de ses talents de médiateur pour peser sur la scène internationale. Et se félicite de la réforme de l’apprentissage, qui s’inspire (un peu) du modèle helvétique.

Son mandat de député français, Joachim Son-Forget le vit de façon mondialisée. Entre un séjour en Corée du Sud, pour l’ouverture des Jeux Olympiques, et une visite au Liban, il reçoit ses visiteurs dans son petit bureau du bâtiment moderne de l’Assemblée nationale. «Ici au moins, c’est plus fonctionnel qu’en face, au Palais Bourbon», confie le député des Français de Suisse et du LiechtensteinLien externe.

Bio express

1983  Naissance en Corée du Sud et adoption en France.

2005 Décroche un master en sciences cognitives.

2008 Poursuit ses études de médecine en Suisse.

2012 Il soutient François Hollande lors de l’élection présidentielle. Secrétaire de la section genevoise du Parti socialiste français

2016 Engagement auprès d’Emmanuel Macron.

2017 Il obtient 63,21 % des voix lors du premier tour des élections législatives le 2 juin 2017, contre 15,68 % pour sa principale concurrente, la députée sortante Claudine Schmid, investie par Les Républicains. Au second tour, il obtient 74,94 % des voix.

En novembre, lors du congrès de La République en Marche, il présente une liste défendant une pratique ouverte et transparente de la politique. Sa liste obtient 17,66 % des suffrages.

A sa boutonnière, Joachim Son-Forget, 34 ans, porte, à la différence de la plupart de ses collègues, l’insigne doré des députés. Peut-être pour rappeler qu’il est Français, lui, le jeune résident suisse d’origine coréenne, parlant parfaitement l’albanais et passionné par l’Afrique et le Moyen-Orient.

«Les groupes d’amitiés sont un formidable outil de diplomatie parlementaire», note le député de La République en Marche (le parti fondé par le président Emmanuel Macron), président du groupe d’amitiés France-Corée du Sud, vice-président de France-Israël, France-Kosovo et du groupe d’études sur la Corée du Nord.

Moment favorable en Corée

Joachim Son-Forget pourrait avoir un regard passionnel sur les récents événements en Corée, lui qui y a vécu ses premiers mois d’orphelin, avant d’être adopté par un couple de la Haute-Marne. Sa position est plutôt empreinte d’un esprit de «médiation à la suisse».

«Je salue la tentative de désescalade enclenchée par le président sud-coréen Moon Jae-in, en instaurant un dialogue entre les deux Etats. C’est un moment de trêve, favorisé par l’agenda des Jeux Olympiques, et qui devra être réexaminé par la suite. Car les questions demeurent, notamment la course à l’armement nucléaire.»

Pour le dialogue inter-coréen comme sur d’autres sujets, Joachim Son-Forget ne mise pas seulement sur la diplomatie. Il voit plus large et compte sur le développement des sciences cognitives. «Comment le cerveau fonctionne, quels en sont les biais et les limites? Et comment ces biais peuvent être exploités pour le meilleur ou pour le pire?», explique le docteur en médecine et neurosciences de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Les outils cognitifs

«J’y réfléchis dans le cadre d’un ‘think tank’, Global Variations, dont les bureaux sont à Lausanne, à Paris et bientôt à Séoul.» Objectif: se servir des sciences cognitives pour modifier les politiques publiques ou les comportements des personnes, via les réseaux sociaux notamment.

«Cela peut être utile pour la déradicalisation, comme pour faire passer des politiques de manière non coercitive. A l’époque des ‘post-vérités’, maîtriser ces outils cognitifs peut aussi nous aider à contrer la propagande de certains Etats.»

«J’ai une manière assez helvétique de faire la distinction entre les personnes et le panel d’idées qu’elles représentent. Avec Mélenchon, on s’entend bien sur les sujets de fond»

Le parlementaire se sert-il des sciences cognitives à l’Assemblée nationale? Quand il dirige avec Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise et grande figure de la gauche française, la mission «Mers et océans, quelle stratégie pour la France?» «Non, disons plutôt que j’ai une manière assez helvétique de faire la distinction entre les personnes et le panel d’idées qu’elles représentent. Avec Mélenchon, on s’entend bien sur les sujets de fond, même si je ne le rejoins pas quand il attaque le ‘paradis fiscal’ suisse.»

Un jour par semaine, le député retrouve son habit de radiologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne. «Cela me permet de garder les pieds sur terre», confie l’hyperactif Son-Forget.

Une réforme importante de l’apprentissage

S’il est une pratique helvétique que la France envie, c’est bien celle de l’apprentissage. Après l’intérêt montré par François Hollande lors de sa visite en 2015, «sans résultat probant», regrette Son-Forget, l’actuel gouvernement a trouvé en Suisse des sources d’inspiration concrètes. La ministre du Travail Muriel Pénicaud, qui s’est rendue en Suisse l’automne dernier, a présenté mi-février les grandes lignes de sa réforme.

«Il ne s’agit pas de reproduire la formation duale à la suisse», admet Joachim Son-Forget. Mais certains aspects en font une réforme importante: le financement des Centres de formation d’apprentis sera simplifié. L’apprentissage fera l’objet de mesures incitatives, tant pour les jeunes qu’à l’endroit des patrons. «Et les compétences d’enseignement reviendront aux branches ou aux entreprises et plus à l’Education nationale», se félicite le député.

Fin diplomate, Joachim Son-Forget analyse avec sang froid les reproches que son «patron», Emmanuel Macron, adresse à la Suisse, accusée de faire du «cherry picking» avec l’Union européenne: en somme, se servir à la carte dans le marché unique. «Le moment, marqué par le Brexit, est difficile pour la Suisse. Les institutions européennes ne veulent pas donner l’impression qu’on peut prendre ce qui vous arrange et rejeter ce qui vous dérange. Au vu des accords bilatéraux qui ont déjà été passés, il reste peu d’étapes pour qu’on aille plus loin sur un rapport de confiance complet», veut croire le député.

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