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Le gouvernement sous les feux de la critique

La présidente de la Confédération Doris Leuthard a tenté d'expliquer l'action du gouvernement, mais visiblement sans convaincre... swissinfo.ch

Au lendemain de la publication du rapport sur la gestion de la crise UBS, les journaux de mardi ne ménagent pas leur critique sur le gouvernement, appelé à se réformer. Les avis divergent en revanche sur l’opportunité d’instaurer une commission d’enquête parlementaire.

Les mots des commentateurs à l’encontre du gouvernement sont très durs. Par exemple, le journaliste de 24 heures et de la Tribune de Genève écrit: «le conseil fédéral n’existe pas. On y découvre des ministres qui agissent en solo, méfiants les uns des autres. Sept Sages qui ne protocolent plus leurs séances et cultivent leurs secrets. La collégialité est donc une illusion qui ne berce plus personne.»

Le quotidien populaire Le Matin se montre encore plus acerbe: «La réalité dépasse l’imagination. Le conseil fédéral n’est pas une garderie où des gosses se chamaillent, c’est un bateau fantôme à bord duquel sept vieux pirates refusent de partager ne fût-ce que le début d’un secret.»

Un ministre particulièrement visé

Mais si l’ensemble du collège gouvernemental a failli, un ministre en particulier est en proie à la critique: le chef des Finances fédérales Hans-Rudolf Merz. Ainsi, pour le quotidien zurichois Tages Anzeiger, le rapport livre «une image de l’échec du gouvernement en tant que collège et de Hans-Rudolf Merz en particulier.»

«Le ministre des Finances n’a rien vu, ou rien voulu voir, des dangers qui s’accumulaient pour la Suisse de l’autre côté de l’Atlantique, et pas un de ses collègues n’a su le détromper», note pour sa part le quotidien romand Le Temps.

«Les critiques valent surtout pour le second volet du rapport, où le manque de vision et de stratégie du ministre des Finances est mis en avant. Il a mal compris le type de menace utilisé aux Etats-Unis, mal évalué la pression qui s’exerçait, attaché à la double légalité (suisse et américaine) de toute solution acceptable et refusant de toucher au secret bancaire jusqu’au dernier moment», commente pour sa part le quotidien neuchâtelois L’Express.

Plusieurs journalistes rappellent au passage que Hans-Rudolf Merz ne s’était déjà pas montré à la hauteur dans le cadre de la crise libyenne. Et la Berner Zeitung de conclure que le ministre des Finances «n’est pas à la hauteur de défis complexes ni de la pression massive».

«Nous ne nous en sommes pas sortis grâce au gouvernement, mais malgré Hans-Rudolf Merz», résume pour sa part l’Argauer Zeitung.

Réforme en profondeur

Pour les éditorialistes, les errements du gouvernement dans le cadre de l’affaire UBS montrent que le gouvernement doit se réformer d’urgence. Et en profondeur…

«Il n’est plus temps de se pencher sur les réformettes que proposent la commission de gestion ou le gouvernement sur le nombre de secrétaires d’Etat. La crise est si grave que seul un remaniement en profondeur peut y répondre. La Suisse l’a échappé belle lords de l’affaire UBS… Il n’en sera pas toujours ainsi», avertit par exemple Le Matin.

La Liberté de Fribourg dresse le même constat: «Croire qu’une présidence de la Confédération de deux ans et que des secrétaires d’Etat en plus suffiront à renforcer le pilotage relève d’une excessive confiance en la bonne étoile fédérale».

Une commission d’enquête?

Si les avis sont unanimes quant à la critique du gouvernement, les avis divergent, en revanche, quant à la nécessité de créer une commission d’enquête parlementaire (CEP) sur l’affaire UBS.

Ainsi, pour le Tages Anzeiger, «le rapport tend une perche à une CEP et à des plaintes civiles contre UBS». La Liberté estime pour sa part qu’une telle commission est nécessaire, car «il est temps de soumettre UBS à un scanner impitoyable». La Zürcher Landeszeitung est un peu du même avis en considérant qu’une CEP permettait «d’apporter un peu de lumière dans l’obscurité».

Mais tous les commentateurs ne sont pas du même avis. Beaucoup doutent de l’efficacité d’une telle mesure. Ainsi, pour la Berner Zeitung, croire qu’une commission d’enquête ferait toute la lumière sur l’affaire UBS et qu’elle inciterait à plus de transparence dans la banque relève de l’«illusion».

La Neue Zürcher Zeitung met l’accent sur la nécessité de clarifier le rôle d’UBS. Elle salue le rapport, mais le juge pourtant «insuffisant» et de rappeler que le malaise a été provoqué par le comportement maladroit de la grande banque.

Outre ce point faible du rapport, la NZZ estime qu’une CEP pourrait démarrer là où s’est achevé le travail de la commission. Mais «les tiraillements autour d’une CEP se superposent au tactiques partisanes». A moins de définir avec précision sa mission, une telle commission d’enquête n’a donc que peu de sens.

Par ailleurs, les problèmes sont déjà connus et une commission d’enquête ne ferait que «retarder la mise en œuvre d’un important travail qui doit débuter au plus vite», comme le note, par exemple le Quotidien Jurassien.

Olivier Pauchard, swissinfo.ch

Une commission d’enquête parlementaire dispose de pouvoirs plus étendus qu’une commission parlementaire pour faire toute la lumière sur un dossier.

Cette mesure est exceptionnelle. Jusqu’à aujourd’hui, le Parlement n’a accepté la création que de quatre CEP.

Dans le cadre de l’affaire, UBS, les partis sont divisés. L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), les Verts et le Parti socialiste sont favorables à la constitution d’une CEP. Le Parti libéral-radical (droite) juge l’exercice inutile, car «tous les éléments sont sur la table». Le Parti démocrate-chrétien (centre-droit) ne prendra position que la semaine prochaine.

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