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Quand un quart du revenu part dans l’assurance maladie

Main prenant une carte d'assurance maladie dans un portefeuille
KEYSTONE / CHRISTIAN BEUTLER

Le Tessin est le canton où les salaires sont les plus bas et où les primes d’assurance maladie pèsent le plus sur les revenus des ménages. C’est aussi le canton où, selon les sondages, le soutien aux deux initiatives sur les coûts de la santé qui seront soumises au vote le 9 juin est le plus fort.

«Nous payons de plus en plus cher pour des services de moins en moins à l’écoute»: c’est un peu le sentiment qui dominait lorsque nous avons parlé d’assurance maladie avec deux familles tessinoises appartenant à la catégorie de population pour qui la santé représente un poste trop important dans le budget familial.

Anna (nom connu de la rédaction) et son mari ont trois enfants: deux sont adolescents et vivent à la maison; la troisième a déjà quitté le foyer, travaille et est indépendante. La famille vit au Tessin, le canton le plus touché par la récente augmentation des primes de l’assurance maladie (+10,5%, contre +8,3% au niveau national). Les frais de santé absorbent une grande partie du revenu disponible. «Nous utilisons environ 25% de notre argent pour payer l’assurance de tout le monde, témoigne Anna. Et ce, avec la franchise la plus élevée [2500 francs, NDLR]. En plus de l’assurance obligatoire de base, nous avons aussi des assurances complémentaires.»

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Teresa (nom connu de la rédaction) et son mari travaillent à temps partiel. Ils ont deux enfants majeurs, qui étudient à l’université. Le fils subvient désormais à ses besoins grâce à divers emplois, tandis que la fille dépend encore de ses parents pour une partie de ses dépenses. «Je pense qu’environ un tiers de ce que nous gagnons est utilisé pour l’assurance maladie», explique Teresa.

Anna et Teresa appartiennent à cette classe moyenne qui gagne trop pour bénéficier de subsides et d’autres aides, mais pas assez pour faire face sereinement aux augmentations du coût de la vie.

Coprésidente du Parti socialiste tessinois, Laura Riget est promotrice de l’initiative qui demande un plafonnement des primes d’assurances, l’un des deux textes sur la santé qui seront soumis au vote le 9 juin.

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«Ces 20 dernières années, les primes ont explosé, surtout si on les compare à l’évolution des salaires et des retraites, souligne-t-elle. De plus en plus de familles de la classe moyenne peinent à payer leurs primes et ne reçoivent pas de subsides. Le système aide les personnes les plus fragiles, mais pas la classe moyenne inférieure.»

Les milieux opposés aux deux initiatives mettent en garde: si le «oui» l’emporte, les finances publiques en pâtiront. Le conseiller national tessinois Paolo Pamini de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice), dont le parti appelle à rejeter les objets en votation, explique: «L’initiative pour des primes meilleur marché entraînerait des coûts importants pour la Confédération et les cantons, estimés à plusieurs milliards de francs par an. Apparemment bénéfique à court terme pour les citoyens, elle ignore la complexité de la gestion des soins de santé, qui varie fortement d’un canton à l’autre en raison de politiques locales différentes». Elle entraînerait une augmentation des impôts ou des coupes dans d’autres domaines pour couvrir les dépenses supplémentaires, poursuit-il.

Quant au texte proposant une limitation des dépenses de santé, Paolo Pamini ajoute: «Il ne tient pas compte de facteurs incontournables tels que le vieillissement de la population et les progrès de la médecine, qui conduisent naturellement à une augmentation des coûts de santé. De plus, cette initiative établit un frein aux coûts liés à l’évolution des salaires et à la croissance économique, qui pourrait être insuffisant pour garantir des soins de santé de qualité. Les services disponibles seraient réduits, ce qui compromettrait l’accès aux traitements nécessaires et aggraverait l’état de santé général de la population».

Augmentation des subsides

«Notre initiative demande que les primes de l’assurance maladie obligatoire soient limitées à un maximum de 10% du revenu disponible d’une famille, explique Laura Riget. Lorsqu’elles sont plus élevées, des subsides entrent en jeu. Le texte demande aussi une plus grande contribution de la Confédération, car ce sont actuellement les cantons qui supportent l’essentiel des coûts générés par ces subventions.» Au Tessin en particulier.

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Ce que confirme Salvatore Simone, chef du secteur gestion sanitaire du Département cantonal de la santé et des affaires sociales. «Notre canton est l’un de ceux qui accordent le plus d’aides de ce type en Suisse», dit-il. La raison est à chercher du côté de «l’attention particulière portée aux couches économiquement faibles de la population», ajoute-t-il, mais aussi de la situation financière des personnes qui travaillent au sud des Alpes.

En 2023, 110’000 personnes ont ainsi bénéficié de la Réduction des primes d’assurance maladie, soit environ un tiers de la population. Cela représentait une dépense de 20,5 millions pour le Tessin en 2022. De plus, l’Office fédéral de la statistique a montré que les salaires tessinois sont les plus bas de la Confédération (une situation qui se répète depuis plusieurs années). C’est précisément cette combinaison de revenus faibles et de primes toujours plus élevées qui pousse un nombre croissant de personnes à recourir aux subsides pour payer leurs primes.

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Mais selon Anna, ces aides sont de plus en plus compliquées à obtenir. «Cette année, je n’ai même pas fait de demande. Quand j’ai vu la liste des documents nécessaires, j’ai renoncé; il y en a trop.» Des complications administratives, en somme, qui poussent de plus en plus de gens à renoncer. Aussi parce que, ajoute Anna, «pour ma génération, il n’est pas toujours facile de comprendre comment fonctionnent les nouveaux systèmes. Il faut apprendre à utiliser une app, comprendre le fonctionnement des factures électroniques, apprendre à faire suivre les factures qui arrivent chez moi. Si on ajoute à cela le fait qu’après 25 ans de fidélité à une caisse d’assurance maladie, nous avons décidé cette année de changer de caisse, la situation devient encore plus compliquée.»

Les raisons des augmentations au Tessin

Le Tessin est l’un des cantons où l’augmentation des primes a été la plus forte (20% rien que pour les deux dernières années). «Elles reflètent l’augmentation des coûts de la santé, explique Salvatore Simone. Et au Tessin, ces coûts sont parmi les plus élevés de Suisse par tête. C’est un ensemble de facteurs qui influencent la tendance, mais les deux principaux sont la forte concentration des services de santé sur le territoire et le fait que notre canton a le plus grand nombre d’assurés de plus de 65 ans.»

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En ce qui concerne le premier aspect, il s’agit d’une sorte de «cercle vicieux»: plus l’offre est importante (nombre élevé de cabinets médicaux, de pharmacies, de cliniques ambulatoires), plus les gens utilisent ces services. Des services qui doivent ensuite être payés. Pour tenter de contenir les coûts, on utilise au Tessin les marges de manœuvre disponibles pour limiter l’offre, explique Salvatore Simone, par exemple en limitant le nombre de médecins spécialistes ou en gérant l’évolution des volumes d’activité dans le secteur hospitalier stationnaire.

Pourtant, le sentiment général de la population est que, malgré cette offre importante, le service s’est dégradé. «Avant, quand j’allais chez le médecin, nous avions aussi le temps de discuter. Aujourd’hui, j’ai l’impression que je n’ai même pas le temps de dire bonjour. Je sais qu’ils sont aussi surchargés par l’administration, mais je trouve cela dommage», témoigne Teresa.

Le second aspect, en revanche, est connu depuis longtemps, «mais il est important de ne pas faire des personnes âgées les boucs émissaires de tous les problèmes», rappelle Salvatore Simone. Mais c’est aussi un fait que les plus de 65 ans sont le segment de la population qui utilise généralement le plus les services médicaux et que la population suisse vieillit.

Déménager dans un autre canton ou en Italie

Mais les solutions miracles n’existent pas. Il semble impossible de contenir l’explosion des coûts, raison pour laquelle on recherche des solutions alternatives, comme les propositions soumises au vote le 9 juin. L’issue du scrutin est incertaine, notamment parce qu’à plusieurs reprises dans le passé, le peuple a rejeté dans les urnes des changements radicaux, comme l’instauration d’une caisse unique, dans un État où l’assurance est obligatoire.

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«Je ne comprends pas pourquoi on ne me laisse pas le choix, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays, d’autant plus que je ne vais pas souvent chez le médecin», déplore Anna. Et Teresa d’ajouter: «si cette assurance doit être obligatoire, alors pourquoi ne pas l’inclure dans les impôts ou la déduire directement du salaire? Cela ne changerait pas grand-chose sur le fond, mais ce serait psychologiquement plus facile à accepter pour moi.»

En attendant, outre le fait qu’elles avouent éviter le plus possible d’aller chez le médecin parce qu’elles ne peuvent pas faire face aux dépenses, les deux femmes envisagent de déménager dans un canton où les primes sont moins élevées. Un sacrifice, bien sûr, en laissant derrière soi amis, parents et lieux familiers, mais qui semble devenir de plus en plus nécessaire d’année en année pour continuer à «maintenir un style de vie décent».

Anna envisage une solution encore plus radicale: son mari est d’origine italienne et lorsque les enfants seront indépendants, le couple envisagera de quitter la Suisse et de s’installer de l’autre côté de la frontière, où le système de santé publique est financé par les impôts.

Texte traduit de l’italien à l’aide de DeepL / op

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