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Tunisie: la crédibilité de la diplomatie suisse en jeu

En mettant le pied en Tunisie, lundi, Joseph Deiss s’est exposé aux remontrances des autorités tunisiennes et des défenseurs des droits de l’homme à cause de l’affaire Ben Brick, le journaliste tunisien en grève de la faim.

Jamais la diplomatie suisse ne semble plus mal à l’aise que lorsqu’elle est sous les feux de la rampe. Les situations de crise semblent lui faire perdre son aplomb. Témoin ses hésitations sur la position à adopter face Taoufik Ben Brick. Ce qui explique son pas avant, suivi d’un autre en arrière, esquissé avant l’envol, lundi, du chef de Département des affaires étrangères (DFAE) pour la Tunisie.

Acte 1, jeudi dernier: Ruedi Christen, chef de l’information au DFAE, affirme: «on ne peut pas parler de la liberté de la presse sans évoquer ce cas». En l’occurrence, celui du journaliste tunisien gréviste de la faim.

Acte 2, dimanche: toujours selon Ruedi Christen, le cas Ben Brick est une affaire tunisienne interne et n’a jamais figuré à l’agenda de Joseph Deiss. Le chef de la diplomatie suisse s’entretiendra, dit-il, uniquement «des droits de l’homme et de la liberté de la presse en général».

C’est qu’entre-temps, Tunis a fait donner son artillerie. Sa presse officielle, notamment, qui a condamné comme un seul homme «la campagne déclenchée par certains médias français contre la Tunisie». Très préoccupée par le réchauffement de ses liens avec Tunis, la diplomatie suisse ne pouvait pas ignorer le message qui était ainsi indirectement adressé. En d’autres termes, les Tunisiens lui avaient montré la ligne rouge à ne pas franchir.

Mais rien ne dit que Joseph Deiss ne franchira pas cette ligne, mardi à Carthage, lors de son tête-à-tête avec son homologue tunisien Habib Ben Yahia. Dans une interview au quotidien Le Temps, le chef de la diplomatie suisse a été sévèrement critiqué par lejournaliste tunisien qui accuse Joseph Deiss de «légitimer» le régime du président Ben Ali.

Taoufik Ben Brick relève, au passage, la discrétion des autorités suisses: «toutes sortes de diplomates sont venus me voir, des Américains, des Anglais, des Français, des Belges. Un représentant de l’ambassade des Etats-Unis m’a rendu visite samedi. Pendant tout ce temps, aucun Suisse ne s’est manifesté».

Les faits et gestes de Joseph Deiss seront décortiqués, dès son retour mardi soir, en Suisse. Par le PS et Amnesty International, mais également par des personnalités politiques comme le député (AdG) Me Christian Grobet qui demandera des comptes au conseiller fédéral lors de la session fédérale du mois de juin prochain.

«Je lui demanderai une audience pour évoquer la question des droits de l’homme en Tunisie», souligne Me Grobet, fin connaisseur du système politique et judiciaire tunisien. Il y a accompli récemment diverses missions pour le compte de la Ligue suisse des droits de l’homme. L’été dernier, il a défendu l’avocate Radia Nassraoui, poursuivie et condamnée «pour le simple fait qu’elle défendait des opposants».

Une chose est sûre. Le style de Joseph Deiss sera jugé à l’aune de ce qu’avait accompli, avec panache, son prédécesseur Flavio Cotti. «La Suisse ces dernières années, sous l’ère Cotti, a pris des positions très claires, en ce qui concerne la défense des droits de l’homme, souligne Me Grobet. Elle était l’un des trois axes prioritaires de la politique étrangère de la Suisse. J’ose espérer que cela restera le cas».

Jugurtha Aït-Ahmed

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