Alfred Defago: «Un fossé culturel et historique»

Alfred Defago est actuellement professeur de Relations internationales à l'Université du Wisconsin, à Madison.
Sur la guerre annoncée en Irak et l’échec du Conseil de sécurité de l’ONU, L’ancien ambassadeur de Suisse à Washington répond à Isobel Johnson.
swissinfo: Y a-t-il de bonnes raisons pour faire la guerre?
Alfred Defago: Evitons de condamner d’emblée les Etats-Unis et la Grande-Bretagne parce qu’il s’agit d’un sujet très compliqué.
En fait, tout ceci montre très clairement qu’il existe des points de vue très différents de chaque côté de l’Atlantique. Et en ma qualité de Suisse vivant aux Etats-Unis, je constate qu’il y a un fossé culturel et historique fondamental.
Par exemple, l’écrasante majorité des Européens est opposée à la guerre par principe. Ils pensent que la guerre n’est pas un moyen pour mettre en œuvre des objectifs politiques.
En revanche pour des raisons historiques propre aux Etats-Unis, les gens n’excluent jamais la guerre en dernier recours.
Force est de constater qu’une résolution a été adoptée à l’unanimité le 8 novembre dernier. Et elle était très claire quant à son but, à savoir le désarmement immédiat, complet et inconditionnel.
Or, cet objectif n’a pas été atteint. Personne ne peut le contester.
swissinfo: l’ONU a-t-elle perdu de sa crédibilité?
A.D.: Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un réel désastre pour le système onusien.
Bien sûr, c’est un camouflet. Mais ce n’est pas nouveau. Habituellement, l’ONU et son Conseil de sécurité ne fonctionnent pas très bien.
Je pense notamment à la révolte populaire de 1953 à Berlin-Est et au Kosovo en 1999. Le Conseil de sécurité n’avait pas assumé ses responsabilités et pourtant le système n’a pas déraillé.
Pour ma part, je ne vois aucune possibilité pour les Américains d’agir en solitaire à l’avenir.
En ce qui concerne la partie pacifique de l’opération en Irak, ils devront retourner aux Nations unies et l’ONU devra travailler avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Interview swissinfo: Isobel Johnson
(traduction: Chantal Nicolet)

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