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Le vote minarets en Suisse, une aubaine pour Le Pen

Marine et Jean-Marie Le Pen, lors du défilé du 1er mai 2009 à Paris. Keystone

Le Front national remonte dans les sondages, à deux mois des élections régionales. Le parti français d’extrême droite surfe sur l'effet «minarets» et profite de la mauvaise cote du président Nicolas Sarkozy.

«Pas de nouveau minaret !» Ce programme, inventé par la droite conservatrice (UDC) et accepté par le peuple suisse, fait florès chez les dirigeants du Front National.

Le vote helvétique du 29 novembre est tombé à pic pour un parti à court d’idées, à bout de souffle et en pleine crise de succession. Référendum, minarets, culture chrétienne: ces quelques mots ont trouvé tout naturellement preneurs en terres lepénistes.

En Haute-Normandie

Prenez Canteleu, petite ville de 15’000 habitants en Haute-Normandie. La communauté musulmane prévoit d’y construire un centre islamique, avec un minaret, projet avalisé par le maire. Tollé au Front National.

Nicolas Bay, tête de liste pour les prochaines élections régionales, s’indigne sur le site du FN: «Canteleu est réputé pour le clocher de son église Saint-Martin construite au XVIe siècle, ainsi que pour son couvent Sainte Barbe. Ces deux monuments témoignent des racines profondément chrétiennes de la France et de notre région.»

Le jeune trentenaire tempête contre le projet islamique jugé «monumental» et, «cerise sur le loukoum», contre le minaret de 12,5 m de haut. Il réclame l’organisation d’un référendum local.

Une opposition revigorée

Ailleurs, à Bayonne, à Bordeaux ou à Marseille, la construction de nouvelles mosquées se heurte à l’opposition de la droite dure. Une opposition souvent antérieure au vote du 29 novembre, mais que le «non» helvétique revigore.

Début décembre, Marine Le Pen demandait la tenue de «consultations locales» dans les villes où doivent se construire de nouvelles mosquées. La fille et probable dauphine de Jean-Marie Le Pen exigeait même un «référendum sur l’immigration et le communautarisme», «car le problème est plus profond et plus grave que celui du simple minaret». «Les élites doivent cesser de nier les aspirations et les craintes des peuples européens», ajoutait la députée européenne.

Remontée dans les sondages

Le bon sens du peuple face à la «dégénérescence» des élites: un vieux thème cher au Front national, rappelle Jean-Yves Camus, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de «Extrémismes en France: faut-il en avoir peur ?» (Editions Milan).

Depuis quelques mois, le FN remonte légèrement la pente dans les sondages. D’après les dernières enquêtes, il passerait la barre des 10%. «Le FN est en phase de reconquête», veut croire Marine Le Pen.

«Le parti est sorti des dernières législatives (4,3% des voix) et européennes (6,3%) ruiné et divisé, note Nonna Mayer, spécialiste de l’extrême droite au Centre d’études européennes de Sciences Po. C’est vrai qu’il se redresse légèrement, même s’il est encore loin des scores des années 1995-2004.»

En résonance avec le débat sur l’identité nationale

L’effet «minarets» ? En partie. «Le vote sur les minarets rentre en résonance avec le débat en France sur l’identité nationale, constate Nonna Mayer. Ajoutons le débat sur l’interdiction du voile islamique intégral et cela fait trois thèmes qui pourraient renforcer le vote frontiste.»

«Nicolas Sarkozy subit un mouvement de désamour, ajoute Jean-Yves Camus, ce qui est assez naturel à mi-mandat. Une partie des électeurs qui avaient déserté Le Pen pour Sarkozy en 2007 sont tentés de faire marche arrière. L’ouverture à gauche et l’affaire Jean Sarkozy [le fils du Président qui, à 23 ans, a failli prendre la tête de l’organisme gérant la Défense, ndlr] ont dérouté une portion de l’électorat du chef de l’État», estime le politologue.

Le test des ‘régionales’

Test décisif en mars prochain: les élections régionales. Le Front National peut difficilement faire mieux qu’en 2004 (14,7 %). Mais il pourrait dépasser le score de Le Pen aux dernières présidentielles (10,4%).

Dans une douzaine des 22 régions, le Front pourrait se maintenir au second tour et provoquer des «triangulaires», souvent fatales à la droite. «C’est dans la région Nord-Pas-de-Calais et en Picardie que le FN devrait réaliser ses meilleurs scores», estime Nonna Mayer; dans ces terres ouvrières du nord, où le parti d’extrême droite obtient régulièrement jusqu’à 45% des voix.

«On suivra aussi de près l’élection en région Rhône-Alpes, particulièrement en Haute-Savoie et dans l’Ain, départements voisins de la Suisse, où le FN détient quelque bastions», note Jean-Yves Camus.

La frontière n’empêche d’ailleurs pas les hommes de circuler. Olivier Wyssa, avocat d’affaires à Genève, sera tête de liste du Front national dans l’Ain.

Mathieu van Berchem, Paris. swissinfo.ch

À 81 ans, Jean-Marie Le Pen est toujours président du Front national. Le parti, en grande difficulté financière depuis les mauvais résultats de 2007, devra lui choisir un successeur, cette année ou en 2011.

Sa fille Marine part favorite, mais aura comme challenger Bruno Gollnisch, le numéro deux du FN en voie de marginalisation.

Aux élections régionales, Le Pen se présentera dans la région Provence Alpes Côte d’Azur, tandis que sa fille Marine tentera de jouer les trouble-fête dans la région Nord-Pas-de-Calais. Bruno Gollnisch mènera le FN en Rhône-Alpes.

Pour ces élections, la gauche part largement favorite. En 2004, elle avait raflé toutes les régions, à l’exception de la Corse et de l’Alsace.

La droite pourrait, au mieux, lui en reprendre quelques-unes. Parmi les inconnues de ce scrutin : le score des écologistes, qui avaient fait très fort lors des dernières élections européennes.

Le 29 novembre 2009, le peuple et les cantons ont accepté une initiative populaire que les sondages donnaient largement perdante. Elle proclame l’interdiction de construire de nouveaux minarets. Le projet a été accepté par 57,5% des votants. Au niveau des cantons, seuls quatre (Bâle-Ville, Genève, Vaud et Neuchâtel) ont refusé l’initiative.

Cette initiative avait été lancée par un comité constitué de membres de l’Union démocratique fédérale (droite chrétienne) et de l’Union démocratique du centre (droite conservatrice). Le gouvernement, la majorité du Parlement et les Eglises recommandaient le rejet du projet.

En Suisse, quatre mosquées sont munies de minarets (Genève, Zurich, Wangen et Winterthur). Un cinquième a reçu une autorisation de construire à Langenthal (Berne), mais son sort est incertain en raison du verdict du 29 novembre.

La communauté musulmane de Suisse n’est pas homogène. Essentiellement turque dans les années 1970, elle est devenue majoritairement ex-yougoslave en 2000. Au total, une centaine de nationalités y sont représentées.

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