Un «Suisse» d’Argentine brigue la présidence
Descendant de Suisses installés en Patagonie, Nestor Kirchner a enregistré au cours de la campagne parmi les plus fortes progressions d'intentions de vote.
Au point qu’il devrait participer au 2e tour des présidentielles. Seize mois après les émeutes populaires.
Pour la 2e fois de son histoire, après Carlos Pellegrini qui fut chef de l’Etat de 1890 à 1892, l’Argentine pourrait se donner un président issu de la communauté suisse.
Ce dimanche, les Argentins – les mêmes qui ont dénoncé, en décembre 2001, l’incompétence de leur classe politique – se rendent en effet aux urnes.
Ils doivent désigner un successeur à Eduardo Duhalde désigné par l’Assemblée législative au lendemain du chaos économique et social de décembre 2001.
Une vingtaine de candidats sont en lice. Mais seuls cinq d’entre eux ont des chances d’arriver au ballottage.
Le candidat officiel du péronisme
Le nouveau chef de l’Etat pourrait être désigné à l’issue d’un 2e tour opposant deux candidats qui se réclament du péronisme. A savoir l’ancien président Carlos Menem et l’actuel gouverneur de la province patagone de Santa Cruz Nestor Kirchner, qui sont au coude à coude dans les sondages.
D’autres observateurs, eux, parlent d’un ballottage entre le même Nestor Kirchner et un autre péroniste Adolfo Rodriguez Saa ou la candidate du centre gauche Elisa Carrio.
L’issue de ce scrutin est très incertaine. D’autant plus qu’une partie importante des électeurs est encore indécise ou alors pense voter en blanc.
Mais une chose est sûre: le «Suisse» Nestor Kirchner a, d’ores et déjà, marqué la campagne présidentielle.
Selon les sondages, c’est en effet le candidat qui a enregistré les plus fortes progressions dans les sondages de cote de popularité.
A noter que Nestor Kirchner est le favori et le protégé du président sortant Eduardo Duhalde. Candidat officiel du péronisme, il est aussi une figure importante de la communauté suisse d’Argentine.
De l’Oberland à la Patagonie
Tout au long du XXe siècle, l’histoire de la famille Kirchner a été marquée par la présence puis le souvenir de Berta Althaus Amacher de Kaenel, arrière-grand-mère du candidat à la présidentielle.
Berta est née, en 1877 à Born, du mariage de Friederich Althaus et de Katarina Amacher. Ses grands-parents paternels, Friedrich Althaus et Barbara Zumbrunn, étaient commerçants à Interlaken, près de Berne, en Suisse.
C’est à cette époque, à cause des difficultés économiques, que la famille décide de quitter la Suisse pour gagner Le Cap avec ses neuf enfants et petits-enfants. Parmi lesquels on trouve Bertha, l’arrière-grand-maman de Nestor Kirchner.
Cinq ans plus tard, toute la famille refait ses bagages. Et quitte l’Afrique du sud pour émigrer une nouvelle fois, cette fois vers l’Argentine.
Le 6 février 1884, le clan débarque à Buenos Aires. Et c’est à Romang (l’une des plus importantes colonies suisses de la province de Santa Fe) qu’il décide de s’installer définitivement.
La maison de Rio Gallegos
C’est là que Bertha Althaus Amacher grandit, puis se marie avec Teofilo Kaenel, descendant de Suisses, lui aussi.
A 35 ans seulement, Berta perd son mari. Elle doit désormais élever seule ses quatre enfants. Elle gère les deux petites fabriques familiales, une tannerie et une manufacture de cigarettes jusqu’au jour où elle décide de rejoindre sa sœur dans un lointain village de Patagonie.
Elle passera le reste de sa vie à Río Gallegos. Plus tard, sa fille aînée épousera Carlos Kirchner, un commerçant de la région d’origine allemande.
La maison de Berta sera le point de rencontre de toute la famille. Et c’est là que Nestor Kirchner passera une bonne partie de son enfance.
Aujourd’hui, Bertha Althaus ne reconnaîtrait sûrement plus Río Gallegos. Le hameau est peu à peu devenu une vraie ville. Qui fut d’ailleurs dirigée pendant cinq ans par son arrière-petit-fils.
Au fil du XXe siècle, le village de pionniers s’est transformé grâce aux royalties du pétrole. En effet, la Province de Santa Cruz – dont Nestor Kirchner est le gouverneur – produit une bonne partie du brut argentin.
De Santa Cruz à Buenos Aires
Aujourd’hui, c’est fort des résultats obtenus par sa gestion de la province (Santa Cruz a le plus faible taux de chômage du pays) que Nestor Kirchner se lance à l’assaut de la présidence argentine.
Il veut relancer une économie nationale ruinée et rassurer une population appauvrie. Il promet en outre de lutter contre la corruption politique.
Le candidat péroniste officiel prévoit notamment la construction de trois millions de logements sur quatre ans, afin de générer cinq millions d’emplois.
Il promet une révision des contrats régaliens accordés par les gouvernements successifs de Carlos Menem à des entreprises étrangères (françaises et espagnoles principalement) pour la gestion des grands services publics.
Enfin, Nestor Kirchner veut restructurer le système fiscal, le réorganiser et le simplifier afin d’exercer un contrôle plus strict et lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
Cela dit, dimanche, les Argentins risquent bien de voter plus pour un homme que pour un programme. Et, à ce jeu, soulignent les instituts de sondage, l’ancien président Carlos Menem jouit d’une longueur d’avance sur ses rivaux, y compris sur Nestor Kirchner.
swissinfo, Pierre Dumas à Buenos Aires
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