La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

La Danse des Canards, l’air d’un accordéoniste suisse qui a fait se dandiner le monde 

canards
Contrairement à ces petits canards, le plus grand succès musical suisse de tous les temps ne sort pas de la mare, mais des montagnes grisonnes. Keystone/DPA/Christoph Schmidt

L’accordéoniste thurgovien Werner Thomas a composé la mélodie de la Danse des Canards dans les années 1950, pour animer l’après-ski dans les stations grisonnes. Plus tard adaptée en chanson dans plus d’une quarantaine de pays, elle est devenue le plus grand succès musical international suisse. 

«C’est la Danse des Canards / Qui en sortant de la mare / Se secouent le bas des reins / Et font coin-coin». Existe-t-il une chanson plus kitsch, entêtante et inusable que La Danse des Canards? Si, comme l’auteure de ces lignes, vous la croyiez reléguée aux oubliettes, détrompez-vous.  

Le potache hymne aux palmipèdes a fait son nid sur les plateformes de streaming, prêt à émerger d’une playlist vintage pour vous faire «remuer du popotin». Et expérience faite, il plaît toujours beaucoup au très jeune public, signe qu’il a peut-être encore de beaux jours devant lui. 

À peu près tout le monde se souvient de cet incontournable des fêtes populaires des années 1980. En revanche, peu de gens savent qu’il a vu le jour il y a bien plus longtemps, dans les montagnes suisses. 

De l’accordéon au synthétiseur

Tout commence il y a 70 ans. L’accordéoniste thurgovien Werner Thomas, alors âgé d’une vingtaine d’années, se produit comme musicien d’ambiance dans les auberges des Grisons.  

Il compose l’accrocheuse mélodie de ce qui deviendra la Danse des Canards (der Ententanz en allemand) au milieu des années 1950, à l’origine pour annoncer les intermèdes. Au chalet, année après année, le public en redemande. 

Avance rapide jusqu’au début des années 1970. Le producteur belge Louis van Rijmenant est en vacances d’hiver à Davos. Obsédé par la petite ritournelle sans prétention de Werner Thomas, il lui signe un contrat, flairant la poule aux œufs d’or.  

En 1973, la toute première version instrumentale atterrit dans les bacs sous le titre Tchip TchipLien externe, qui évoque déjà le pépiement des oiseaux. Le groupe belge Cash & Carry en a fait une version électronique au synthétiseur, du dernier cri à l’époque.

Contenu externe

La sonorité nasillarde du morceau, plus Donald Duck que bal musette, n’est pas du tout du goût de Werner Thomas. «Quand je l’ai entendue pour la première fois, j’ai été déçu, car ce n’était pas le son que j’avais imaginé», dira plus tard l’accordéoniste dans une émission allemandeLien externe.

Mais la suite le fait changer d’avis: Tchip Tchip s’envole jusqu’au sommet des charts en Belgique, mais aussi en SuisseLien externe, et y reste plusieurs semaines. 

D’histoire belge à succès planétaire 

De son côté, le producteur belge se sent pousser des ailes. Il présente Tchip Tchip au MIDEM à Cannes (sud de la France), un événement majeur de l’industrie musicale mondiale.  

Werner Thomas / Danse des Canards
La pochette d’un disque de Werner Thomas sorti en 1982.

Le site d’information belge dhnetLien externe raconte que le drôle d’oiseau attire l’attention du producteur américain Stanley Mills, qui décide d’exporter le morceau aux États-Unis. La version de The Tweets sort en 1982 sous le titre The Birdie SongLien externe. Dance Little Bird, la reprise par le groupe De Electronica’sLien externe, devient quant à elle un tube de l’été en Allemagne. 

Au début des années 1980, la version instrumentale est donc déjà relativement connue. Il ne lui manque plus que la parole pour vraiment décoller. Dans le monde francophone, ce sont d’autres BelgesLien externe qui vont se charger d’en faire une chanson, confiant l’interprétation à J.J. Lionel.

Contenu externe

Cette mouture annonce la couleur: «la Danse des canards / C’est le tube de demain (coin-coin)». De fait, elle devient l’un des plus gros hits francophones des années 1980. En 1983, la Danse des Canards intègre le livre Guinness des records pour ses 2,5 millions d’exemplaires vendus en France.  

À ce jour, le décompte est arrêté à 3,5 millions – soit la deuxième meilleure vente de 45-tours ou singles de tous les temps dans le pays, après le Petit Papa Noël de Tino Rossi. Et ces chiffres n’incluent pas le streaming… 

Schlager, metal, TikTok… Des reprises par centaines 

On doit la version allemande au chanteur de schlager Frank Zander. Il sort la chanson Ja, Wenn Wir alle Englein wärenLien externe (si nous étions tous de petits anges) sous l’alias Fred Sonnenschein en 1981. Elle lui vaut un disque d’or en Allemagne, et caracole haut dans le hit-parade helvétique pendant plusieurs semaines. 

Mais impossible de lister toutes les variantes, qui vont se multiplier au fil des ans. Tout récemment, la reprise tragi-comique «au 1000e degré» du jeune chanteur français Léman est devenu virale sur la plateforme TikTok. Une interprétation heavy metalLien externe est encore sortie cette année.

>> Festive, la Danse des Canards? Pas pour le chanteur français Léman:

Contenu externe

Au total, le titre s’est vendu à plus de 50 millions d’exemplaires dans plus de 40 pays et environ 400 versionsLien externe différentes. De Il ballo del qua qua  à Okashii Tori en japonais, en passant par la version portugaise A dança do passarinho et l’espagnole Pajaritos a bailar, il s’agit – de loin – du titre suisse le plus repris et exporté.     

La danse des skieurs 

Ce triomphe quasi universel n’est pas sans lien avec la danse simplissime qui l’accompagne. Pour bien faire le canard, voici la procédure: formez un bec avec vos doigts, battez des coudes comme pour vous envoler, pliez les genoux, dandinez-vous, tapez des mains – et recommencez. 

On doit aussi cette chorégraphie culte à Werner Thomas. Il raconte s’être en partie inspiré des volatiles, mais aussi des fléchissements de jambes des skieurs et skieuses qu’il côtoyait en stations. 

Werner Thomas / Danse des Canards
Capture d’écran d’une interview accordée par Werner Thomas à l’émission allemande Damals War’s. capture d’écran Damals War’s / YouTube

Aujourd’hui, l’accordéoniste a 96 ans. Aux dernières nouvelles, il coulait des jours paisibles dans une luxueuse résidence pour personnes âgées au Tessin. Il n’a jamais révélé combien d’argent lui avait rapporté son œuvre, mais s’en est toujours dit très fier.   

Dans sa dernière interview, donnée au BlickLien externe en 2018, le compositeur du plus grand hit helvétique expliquait vouloir simplement «savourer un steak tartare et un verre de Prosecco en toute tranquillité».

Quant à vous, préparez-vous à avoir des «coin-coin» dans la tête pendant un moment.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision