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Genève, entre populisme conquérant et gauche réunifiée

Chaque jour, 70'000 frontaliers viennent travailler à Genève. Ils sont la bête noire des populistes du MCG. Keystone

Le 13 mars et le 17 avril, les communes du canton de Genève renouvellent leurs autorités. Législatives d’abord, exécutives ensuite. Les populistes du Mouvement citoyen genevois (MCG) comptent bien grignoter les positions de la gauche, dont les fractions les plus dures repartent unies au combat.

Il y avait Vigilance autrefois, il y a désormais le MCG. De 1965 à la fin des années 80, Genève a eu son parti populiste, devenu à son apogée la deuxième force du Grand Conseil (parlement cantonal). A l’époque, la bête noire, c’était l’immigré italien. Aujourd’hui, c’est le frontalier, qui vient chaque jour de France voisine travailler dans la métropole.

Apparu en 2005, le MCG rafle d’entrée 9 des 100 sièges du Grand Conseil. En 2009, il double pratiquement la mise avec 17 députés.

Dans les communes, les résultats sont moins brillants. Aux élections de 2007, le parti rate son entrée au Conseil municipal (législatif) de Genève, mais place des élus dans trois grosses communes urbaines: Lancy, Onex et Vernier. Dans cette dernière, Thierry Cerutti, figure très médiatique du MCG entre en 2008 à l’exécutif à la faveur d’une élection complémentaire après des mois d’accusations de fraude, d’invectives virulentes et d’appels à une «mairie populaire».

Raz de marée ou vaguelette ?

Cette année, le MCG présente des listes dans 19 des 45 communes du canton, alors que l’UDC (droite conservatrice) sera présente dans 12 communes. Dans le fond, le mouvement genevois se distingue assez peu du parti qui représente au niveau suisse le courant anti-européen, sécuritaire, nationaliste et conservateur.

«Depuis la disparition de Vigilance, tout le monde, y compris moi-même je dois dire, avait presque oublié qu’il y a un potentiel pour un vote populiste de droite à Genève de 20 ou 25%», admet Pascal Sciarini, directeur du Département de science politique de l’Université de Genève.

Pour autant, il ne s’attend pas à un raz-de-marée MCG, en tout cas pas en ville de Genève, où le mouvement devrait néanmoins atteindre le quorum de 7%. «Le résultat va être très variable d’une commune à l’autre. C’est un scrutin local, dans lequel les considérations locales et les personnalités jouent un grand rôle», explique le politologue.

Or, les «stars» du MCG sont à Onex (Eric Stauffer, transfuge de l’UDC, président du mouvement) ou à Vernier (Thierry Cerutti), alors que ses candidats en ville de Genève ne sont pas très connus.

«Aux cantonales de 2009, le MCG a moins bien marché à Genève – y compris dans les quartiers populaires – qu’ailleurs, ajoute Pascal Sciarini. D’autre part, l’échiquier politique est déjà bien occupé, ce qui limite les possibilités de percée massive». Ainsi, l’UDC, qui chasse sur les même terres que le MCG, occupe déjà 8 des 80 sièges du Conseil municipal.

«Ensemble à gauche» 

Et puis, il y a la gauche, qui règne sur la ville de Genève depuis 20 ans. Entre socialistes, Verts et «gauche de la gauche», elle ne détient certes qu’une courte majorité (42 sièges) au Conseil municipal, mais ses représentants sont quatre sur cinq au Conseil administratif (exécutif).

Cette année, la gauche «dure», échaudée par deux défaites historiques, a décidé de se présenter à nouveau sous une étiquette unique. Aux élections cantonales de 2005, elle s’était fait éjecter du Grand Conseil, après 60 ans de présence continue. C’est que Genève connaît le système du quorum. Qui n’atteint pas le 7% des suffrage se voit disqualifié. C’est le sort qu’ont subies les différentes petites formations de gauche, parties au combat en ordre dispersé. Et rebelote en 2009, malgré un score cumulé de plus de 12%

Ce nouvel «Ensemble à gauche» sera-t-il une alliance durable ? A voir. Les querelles qui ont agité cette gauche «dure» depuis des années étaient avant tout «des questions de personnes, note Pascal Sciarini. Car d’un point de vue idéologique, il n’y a pas grande différence entre ces courants».

Surenchère

Logement, mobilité, sécurité et écologie sont au cœur de la campagne. Mais finalement, les décisions qui influencent la vie quotidienne des Genevois ne se prennent-elles pas davantage au niveau du canton qu’à celui de la commune ?

«Les communes à Genève ont relativement moins de pouvoirs que dans d’autres cantons, comme Vaud, admet Pascal Sciarini. Par contre, elles sont généralement assez riches – avec des exceptions comme Vernier ou Onex – pour bien remplir les tâches qui sont les leurs».

Des tâches qui concernent essentiellement l’aménagement du territoire, l’entretien, la culture, les loisirs ou l’environnement, alors que la police est avant tout l’affaire du canton.

Or, le canton est traditionnellement gouverné par la droite, ce qui ne manque pas de provoquer des frictions avec Genève la rose-rouge-vert. «Comme les compétences sont relativement bien séparées, les problèmes ne sont pas tellement des questions de doublons, mais plutôt des initiatives prises ici qui sont contrecarrés là. Chacun a tendance à vouloir trop en faire. C’est une sorte de surenchère entre le canton et la ville», note Pascal Sciarini.

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Communes

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Les 464’000 habitants du canton du bout du lac se répartissent en 45 communes, dont la plus grosse, Genève, en abrite à elle seule 191’000.

Le budget annuel des communes donne une idée des poids respectifs. Genève «roule» sur environ un milliard de francs suisses, soit autant que les 44 autres réunies. Pour comparaison, le budget 2011 du canton de Genève prévoit des recettes pour 7,6 milliards de francs.

Ville et campagne. Outre Genève, le canton comporte 10 communes de 10’000 à 30’000 habitants, qui correspondent pour la plupart à des quartiers de la ville étendue. En fonction de la structure de leur population et de leur économie, certaines de ces communes sont «riches» et d’autres le sont nettement moins.

Les autres communes genevoises sont généralement des villages, certains à caractère fortement résidentiel sur la «côte dorée» du Lac Léman, d’autres agricoles ou viticoles.

Avec chacun un peu plus de 400 habitants, les villages de Gy et de Russin peuvent tour à tour prétendre, au gré des fluctuations de population, au titre de plus petite commune genevoise.

Le 13 mars, les citoyens des communes genevoises sont appelés à élire leurs Conseils municipaux (législatifs). Le nombre de membres varie en fonction de la taille de la commune, de 9 pour les villages de moins de 600 habitants à 80 pour la ville de Genève.

Le 17 avril aura lieu l’élection des exécutifs. Dans les communes de moins de 3000 habitants, celui-ci est formé d’un maire et de deux adjoints. Dans les autres, les trois membres de l’exécutif portent le titre de conseillers administratifs et la fonction de maire est tenue à tour de rôle par chacun d’eux, pour une année. Seule la ville de Genève a cinq conseillers administratifs. La fonction de maire y est également tournante.

Les étrangers ont le droit de vote au plan communal depuis 2005. Il leur a été accordé de justesse (52,3%) par les citoyens du canton, qui leur ont par contre refusé le droit d’éligibilité. Ils sont plus de 76’000 dans le canton, ce qui représente un quart du corps électoral.

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