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Haro sur le 1er centre national pour requérants d’asile

Le centre pour demandeurs d'asile de Bremgarten suscite la polémique Keystone

Est-il acceptable ou non pour un Etat de restreindre les libertés de mouvement des réfugiés qu’il accueille? La polémique fait rage en Suisse et dans le monde après la révélation des règles de conduite du premier centre national pour requérants de Bremgarten, dans le canton d’Argovie.

La polémique ne cesse d’enfler depuis l’ouverture lundi du centre d’accueil de Bremgarten. Une affaire dont s’emparent déjà plusieurs médias européens. «La Suisse introduit des mesures de type apartheid: des autorités locales bannissent les demandeurs d’asile des lieux publics», titrait ce jeudi le quotidien britannique The Independent. Une affaire également pointée par la BBC, le quotidien El Pais, des sites web comme Slate Afrique, sans oublier le buzz suscité dans les médias sociaux.

Et ce n’est pas tout. L’ONG Human Rights Watch a publié jeudi un communiqué intitulé: «Demandeurs d’asile? Restez hors de la piscine». Spécialiste des réfugiés pour l’ONG internationale basée à New-York, Gerry Simpson y exprime toute son indignation: «Pour la Suisse, où siège l’Organisation des Nations Unies et le Haut-commissariat pour les réfugiés, la mise en place d’une politique ouvertement discriminatoire isolant concrètement les demandeurs d’asile des communautés dans lesquelles ils vivent est choquant. Les autorités suisses devraient encourager toutes les communautés suisses à traiter certaines des personnes les plus vulnérables du monde avec respect et dignité, plutôt que de renforcer les préjugés et la division.»

Face à la controverse autour du nouveau centre de Bremgarten, la ministre de la Justice et de la Police s’est exprimée ce vendredi contre la limitation des droits fondamentaux.

Selon Simonetta Sommaruga, il n’y aura pas d’interdiction générale de piscine, ni à Bremgarten ni ailleurs.

«Les droits fondamentaux ne sont pas négociables», a déclaré la conseillère fédérale à la presse.

Simonetta Sommaruga a exclu catégoriquement une interdiction générale préventive de piscine pour les requérants. Il n’y a pas de base légale pour cela, a-t-elle ajouté.

Un accord contesté

Comment en est-on arrivé là? Lundi dernier à Bremgarten – une commune de 6500 habitants du canton d’Argovie – s’est ouvert le 1er centre national pour requérants d’asile. Avec à la clé des mesures d’interdiction d’accès à certains lieux publics.

Pour ouvrir un tel centre, l’Office fédéral des migrations (ODM) a passé un accord avec les autorités de Bremgarten prévoyant que l’ODM prenne des mesures afin que les requérants ne soient pas autorisés à pénétrer dans l’enceinte de bâtiments scolaires ou de sport. La piscine publique leur est aussi interdite, sauf autorisation des autorités.

Dans une lettre adressée à tous les citoyens, les autorités de la commune rappellent que les requérants ont le droit de sortir du centre de 9h à 17h en semaine et du vendredi à 9h au dimanche à 17h. nAssuré par une société privée, un service de contrôle des entrées et des sorties a été mis en place. C’est l’organisation antiraciste Augenauf qui a révélé la semaine dernière les détails de ce plan d’interdiction. Un plan qui laissait supposer que d’autres lieux, comme la piscine ou les églises, faisaient partie des zones interdites.

Les autorités ont invoqué par la suite un malentendu, en particulier l’ODM.

Selon son directeur Mario Gattiker, seules les zones autour des écoles et celles réservées aux activités sportives leur sont interdites, sauf accord de la commune. Les bibliothèques, les places communales et les églises leur sont en revanche pleinement accessibles.

«Nous voulons juste éviter que beaucoup de requérants se rendent en même temps à la piscine, a plaidé le haut-fonctionnaire. Il faut des règles du jeu afin que la vie quotidienne entre les requérants et les habitants se passe de manière ordonnée et si possible sans conflit.» Selon Mario Gattiker, ces règles respectent les droits fondamentaux des personnes.

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Une question lancinante

Dès 2011, les demandes d’asile ont augmenté de 45%, pour atteindre un total de 22’551. Cette année, ce chiffre devrait atteindre les 26’000. Aujourd’hui, la Suisse compte un demandeur d’asile pour 332 habitants. La moyenne européenne est, elle, d’un demandeur d’asile pour 625 habitants.

Mal préparée à cette augmentation des demandes, la Confédération (gouvernement) a rencontré une forte résistance des cantons et des communes lorsqu’il a fallu trouver d’urgence de nouveaux centres d’hébergement.

Au cours des vingt dernières années, à l’initiative de la droite conservatrice, le Parlement s’est déjà penché une dizaine de fois sur des propositions visant un durcissement de la loi sur l’asile, dont la plupart ont été acceptées. Un durcissement régulièrement dénoncé par le Conseil onusien des droits de l’homme basé à Genève.

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