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L’interdiction des bombes à sous-munitions saluée

Un expert inspecte une bombe et ses sous-munitions au Liban. Keystone

La Suisse a salué jeudi le projet de traité interdisant les bombes à sous-munitions adopté par 111 pays à Dublin.

Le Département fédéral de la défense (DDPS) a cependant regretté que les principaux pays producteurs de bombes, à savoir les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan et Israël, n’aient pas assisté à la réunion de la capitale irlandaise.

L’ambassadrice Christine Schraner, qui a conduit la délégation suisse à Dublin, a qualifié les résultats des négociations de «pas décisif et historique», tout en reconnaissant que la Suisse a dû faire des «concessions nécessaires» dans le cadre des discussions.

L’accord adopté mercredi soir après 10 jours de négociations interdit formellement l’utilisation, la production, l’acquisition et le stockage des bombes à sous-munitions. En outre, les pays signataire s’engagent à éliminer toutes les bombes de ce type qu’ils possèdent encore dans leur armement d’ici huit ans.

La Suisse avait soutenu une période de transition plus large au début des négociations mais elle a dû abandonner cette idée. «Nous aurions souhaité un document qui apporte plus de flexibilité pour les délais de transition afin d’amener les pays producteurs à se joindre» à cette initiative, a déclaré Bernard Jeanty, chef du désarmement au DDPS.

Terrible impact

Par ailleurs, le Comité international de la Croix-rouge (CICR) a appelé tous les Etats à adhérer à la nouvelle convention dans un futur proche et à abandonner l’usage des armes à sous-munitions, qu’ils aient ou non participé aux négociations de Dublin.

«Le CICR a été régulièrement le témoin du terrible impact des armes à sous-munitions sur les civils», a déclaré jeudi le président du CICR Jakob Kellenberger. «La convention adoptée à Dublin signifie que ces armes ne sont plus seulement moralement inacceptables mais aussi illégales», a-t-il complété.

Le CICR avait déjà réclamé un traité interdisant l’usage des bombes à sous-munitions en 2000, au lendemain du conflit du Kosovo, au cours duquel il avait fait état d’un nombre élevé de victimes civiles.

Selon le CICR, les sous-munitions non explosées ont rendu de vastes zones aussi dangereuses que des champs de mines, dans plus de 20 pays. Cet héritage meurtrier pourrait encore perdurer pendant des générations.

A la pointe dans le combat contre les sous-munitions, l’organisation Handicap International (HI) a également salué les «avancées historiques» réalisées grâce à la convention de Dublin.

Bombes suisses

Selon HI, la Suisse posséderait 200’000 obus à sous-munitions de type M85. Utilisées essentiellement par l’artillerie, elles seraient dotées d’un double-détonateur qui les rendrait plus efficaces en faisant tomber le taux de ratés à quelques pour mille.

Bien qu’il n’ait pas confirmé ce chiffre, le DDPS a pourtant indiqué avoir investi 600 millions de francs dans cet armement au cours des dernières années. Les bombes à sous-munitions ont été fabriquées par l’entreprise RUAG sous licence israélienne.

La Suisse avait déployé de nombreux efforts pour tenter d’obtenir un délai de transition jusqu’à l’interdiction totale de ces armes et pour exclure certains types de bombes moins sujettes aux ratés. Des efforts qui se sont révélés vains.

«Malgré les arguments qu’elle n’a cessé de présenter, la Suisse ne pourra pas conserver son stock de sous-munitions M85. Les Etats réunis à Dublin n’ont pas fait de concessions sur d’éventuels critères de qualité» a ainsi souligné le directeur de la section suisse de HI Paul Vermeulen.

Des bémols

Plusieurs organisations non-gouvernementales ont toutefois déploré quelques points du traité.

Le directeur suisse de HI, Paul Vermeulen, a ainsi mentionné l’article 21 du document – rédigé sous la direction de la délégation suisse – qui permet des opérations militaires conjointes avec des Etats non signataires qui utilisent encore ce type d’armes.

L’article 21 autoriserait par exemple aux troupes britanniques, dont l’Etat est signataire de la convention, de recourir à l’aide de l’aviation américaine dans le cadre d’une opération de l’OTAN. Rien n’empêcherait alors les avions américains de larguer des bombes à sous-munitions, même si l’armée britannique s’est engagée à ne plus le faire.

Il est prévu de soumettre officiellement le texte vendredi aux délégués des 111 pays réunis en séance plénière. La convention sera quant à elle formellement signée à Oslo les 2 et 3 décembre, avant sa ratification par l’ensemble des pays signataires.

Le gouvernement suisse ratifiera le texte après le feu vert du Parlement, a précisé Christine Schraner.

swissinfo et les agences

Connu sous le nom de processus d’Oslo, le processus diplomatique qui a abouti à la convention de Dublin a été initié en février 2007 dans la capitale norvégienne.

46 pays avaient alors accepté de s’engager dans des négociations en vue de l’interdiction des bombes à sous-munitions.

Hormis la conférence finale de Dublin, les réunions du processus ont eu lieu à Oslo (février 2007), Lima (mai 2007), Vienne (décembre 2007) et Wellington (février 2008).

Les bombes à sous-munitions, également appelées bombes à dispersion, se présentent comme des conteneurs qui s’ouvrent lors de leur largage et répandent jusqu’à plusieurs centaines de mini-bombes sur la zone visée.

Etant donné leur impact à grande échelle, elles engendrent presque toujours un grand nombre de victimes civiles.

Entre 5% et 30% des bombes n’explosent pas à l’impact au sol et constituent dès lors une menace latente pour les populations, à l’instar des champs de mines.

Selon la Coalition internationale contre les sous-munitions (CMC), au moins 16 pays font ou ont fait usage de ce genre d’armes: Arabie Saoudite, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Erythrée, Etats-Unis, Ethiopie, France, Israël, Maroc, Nigeria, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Serbie, Soudan et Tadjikistan.

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