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Les riches étrangers payeront un peu plus d’impôts

La villa de Phil Collins à Féchy dans le canton de Vaud Keystone

Le gouvernement veut maintenir les forfaits fiscaux pour les riches étrangers en Suisse. Tout au plus veut-il augmenter le seuil déterminant pour en bénéficier. A Zurich pourtant, le peuple a voté en 2009 l’abolition de ces forfaits. Et d’autres cantons pourraient suivre.

Les forfaits fiscaux existent en Suisse depuis 1920. Les cantons ont le droit de ne pas tenir compte de la fortune ni des revenus des riches étrangers pour autant qu’ils aient été acquis hors des frontières du pays. En lieu et place, le canton ne prélèvera qu’une taxe généralement équivalente à cinq fois la valeur locative de la résidence du contribuable.

Selon les derniers chiffres, ces forfaits fiscaux bénéficient à 5445 personnes établies en Suisse, dont certaines stars comme Phil Collins, Tina Turner ou Michael Schumacher.

Jeudi, le Conseil fédéral (gouvernement) a transmis au parlement son projet visant à asseoir ce système. Le montant du forfait passerait ainsi à sept fois la valeur locative. Le seuil de revenu pour bénéficier du forfait serait en outre relevé à 400’000 francs. Mais ceci uniquement pour l’impôt fédéral direct. Pour les impôts cantonaux, les cantons seraient libres de fixer leurs propres seuils.

Et s’agissant des couples mariés, les deux conjoints devraient à l’avenir remplir les conditions pour bénéficier d’un forfait. Toutefois, ces changements devront recevoir l’aval du parlement pour pouvoir entrer en vigueur et un délai transitoire de cinq ans est prévu avant l’application des nouvelles règles.

Plus d’argent pour le fisc

«Ces dernières années, l’imposition d’après la dépense a dû faire face à une critique grandissante. Grâce aux mesures proposées, le Conseil fédéral veut améliorer l’application de l’imposition d’après la dépense dans le but de renforcer son acceptation et de garantir ainsi les avantages de la place économique suisse mais aussi l’équité fiscale», note le communiqué du ministère des Finances

Devant les médias à Berne, la ministre Eveline Widmer-Schlumpf a ajouté que la réforme proposée représentait «un compromis réaliste». Selon elle, la majorité des personnes actuellement au bénéfice d’un forfait fiscal devraient payer davantage avec le nouveau système.

«Les recettes pour la caisse fédérale devraient en gros doubler, de 130 millions de francs aujourd’hui à 255 millions, a-t-elle dit. Nous devons par ailleurs nous attendre à ce que certains de ces contribuables s’en aillent, mais nous ne pensons pas qu’ils seront très nombreux».

La parole aux urnes

Depuis la crise financière, on a senti monter en Suisse un certain ressentiment populaire contre ces riches étrangers qui paient proportionnellement moins d’impôts que les citoyens ordinaires vivant et travaillant dans le pays.

A Zurich, ce ressentiment s’est même traduit dans les urnes. En 2009, les citoyens du canton ont été les premiers du pays à voter l’abolition des forfaits fiscaux. La mesure est entrée en vigueur en janvier 2010.

Au mois de mai 2011, les Thurgoviens ont refusé d’abolir les forfaits, mais ont voté en faveur d’un contre-projet qui alourdira néanmoins la charge fiscale des riches étrangers. A Glaris, les citoyens ont choisi de maintenir les forfaits.

Dans les mois à venir, la question sera également posée aux votants des cantons de Lucerne, de Saint Gall et de Bâle-Ville.

En outre, plusieurs propositions parlementaires ont été déposées pour abolir ou modifier le système de forfaits fiscaux, mais aucune n’a abouti à ce jour. On estime que près de 668 millions de francs échappent chaque année aux caisses de l’Etat à cause de ce système.

Les allègements fiscaux accordés aux riches contribuables ont également suscité la critique des pays voisins, qui voient fuir en Suisse une partie de leurs riches contribuables.

Pas pour demain

Opposé de longue date aux forfaits fiscaux, le Parti socialiste suisse a aussitôt réagi à l’annonce faite jeudi en déplorant, dans un communiqué «que le Conseil fédéral propose de nouvelles mesures relatives à l’imposition selon la dépense dans la mesure où cela revient à cautionner un dispositif contraire à la Constitution ainsi que le Tribunal fédéral [Cour suprême] a déjà eu l’occasion de le confirmer».

Pour le PS, relever les tarifs ne suffit pas. Le parti «exige» la suppression totale «de cette niche réservée aux riches étrangers».

Eveline Widmer-Schlumpf, quant à elle, ne se fait pas d’illusions. «Le thème des forfaits fiscaux va rester d’actualité encore pour longtemps» a-t-elle dit à la presse jeudi.

En 1920, Vaud est le premier canton à introduire une taxation fiscale séparée pour les étrangers qui vivent sur son sol mais n’y travaillent pas.

Quatorze ans plus tard, les autorités fédérales reconnaissent également comme une catégorie de contribuables à part les gens qui viennent en Suisse pour des raisons de santé et non pour y travailler.

Les forfaits sont réglés par la loi d’harmonisation fiscale, entrée en vigueur en 2001 afin que les cantons suivent les mêmes directives au moment de fixer des taux individuels.

Les bénéficiaires doivent vivre au moins six mois et un jour dans l’année dans le canton concerné et avoir leur résidence principale en Suisse. Ils doivent établir leur domicile fiscal en Suisse pour la première fois ou avoir vécu hors du pays pendant au moins dix ans. Ils doivent en outre ne pas être employés en Suisse.

En 2007, le bureau de consultants KPMG a réalisé une étude qui a montré que le nombre de bénéficiaires de forfaits fiscaux en Suisse était passée de 2394 en 2003 à 4175 en 2006. Aujourd’hui, ils sont 5445, selon la Conférence des directeurs cantonaux des Finances.

C’est le canton de Vaud qui abrite le plus de contribuables taxés au forfait, suivi du Valais, du Tessin et de Genève. Dans la partie alémanique du pays, les Grisons occupent la tête du classement, suivis de Berne. Depuis qu’il a aboli les forfaits, le canton de Zurich a perdu 92 de ses 201 bénéficiaires de forfaits fiscaux.

Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez

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