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Nouveau tremplin pour les échanges libano-suisses

Ziad Annan dans son bureau du centre-ville à Beyrouth. swissinfo.ch

Lancé en mai 2007 mais mis en sommeil par les crises politiques, le Swiss Business Council Lebanon est désormais à pied d'œuvre pour créer un réseau d'irrigation entre les économies suisse et libanaise.

Le regard droit, maniant un français élégant volontiers émaillé d’expressions américaines lorsqu’il s’agit de parler business, Ziad Annan a la force tranquille de ces Libanais à l’identité composite d’avoir partagé leurs études entre divers continents, diverses cultures, pour lui Beyrouth, Genève et Los Angeles.

Titulaire d’un diplôme en Management décroché dans la cité de Calvin, ce jeune directeur d’entreprise libano-suisse de 36 ans, distributeur officiel de la marque Rolex au Liban, a récemment pris les rênes du Swiss Business Council Lebanon (SBC-L), une chambre de commerce lancée en mai 2007 à Beyrouth.

Forte d’une septantaine de membres regroupant des sociétés comme Nestlé ou le Crédit Suisse, ainsi que des sociétés libanaises travaillant avec notre pays, le nouvel organisme s’est fixé comme objectif de dynamiser et de faciliter les échanges entre le Pays du Cèdre et la Suisse.

Immense potentiel

«Nous sommes en pleine phase de développement, explique Ziad Annan. A travers le SBC-L, notre ambition est de créer un réseau d’irrigation entre les deux pays pour faciliter l’implantation des entreprises suisses au Liban, et les échanges avec des sociétés libanaises. »

Reste que le chantier est énorme, ne serait-ce que parce-que l’image du Liban à l’étranger reste synonyme d’instabilité, voire de danger. «C’est vrai que nous avons beaucoup à faire pour corriger cette image, notamment envers le secteur touristique helvétique, confie le président. Mais lorsque je discute avec nos amis suisses, je suis toujours frappé d’une chose : même si chacun est conscient des difficultés et peut parfois être tenté de différer ses investissements, personne ne doute de l’importance du marché libanais, de son potentiel et de la nécessité d’y être présent.»

Pour Ziad Annan, le potentiel en question a largement de quoi séduire les Suisses. D’abord au plan touristique dans un petit pays de 10’000 km2 où certains mois de l’année l’on peut débuter sa journée par la visite de vestiges romains, piquer une tête dans la méditerranée en fin de matinée et partir skier l’après-midi.

Et puis au plan humain. « Nous avons ici un vivier énorme de gens très qualifiés, soutient le président. La plupart des Libanais maîtrisent trois langues et ont un excellent niveau d’éducation. Le recrutement de gens compétents ne pose donc aucun problème. »

Esprit d’entreprise

Du côté de l’ambassade suisse, qui a fortement encouragé la création du SBC-L, on met l’accent sur la vitalité des entrepreneurs libanais. «Ce que j’ai pu personnellement constater, soutient Carine Carey, chargée d’affaires, c’est qu’au-delà d’une problématique libanaise connue, la volonté d’avancer, d’agir, la fiabilité et la force d’initiative des entrepreneurs libanais sont des qualités fondamentalement intactes au Pays du Cèdre. Et nous encourageons bien sûr les entreprises à adhérer au SBC-L ne serait-ce que pour favoriser l’échange d’informations entre nos deux pays. »

Laboratoire d’expérience

Si les atouts du Liban sont donc légion, quid de l’économie dans un pays où la corruption et le clientélisme font des ravages, où l’Etat reste « un Etat au conditionnel » comme le définit l’économiste et historien Georges Corm, et où, enfin, les gouvernements successifs, absorbés par des crises à répétition liées à un système politique favorisant les luttes de clans et les rivalités communautaires, ne sont pas parvenus à définir une véritable politique économique.

Ziad Annan confie : « Il est vrai que pour l’instant nous ne pouvons pas beaucoup compter sur l’Etat ou les politiciens. C’est à nous d’agir en amont. En tant qu’hommes d’affaires nous donc avons une double responsabilité. Nous devons travailler et travailler encore pour développer le tissu économique de notre pays et montrer ce qui peut être fait en termes d’échanges avec l’étranger. A travers le SBC-L, nous pouvons ainsi créer une structure, un modèle, identifier les besoins et, forts de l’expérience acquise, nous pourrons alors dire au gouvernement: voilà ce que nous avons réalisé sans vous, voilà ce que nous pourrions réaliser ensemble. Et cela profiterait à tous. »

En attendant l’Etat

Pour l’heure, le SBC-L veut atteindre la centaine de membres d’ici à la fin de l’année. Armé d’une foi inébranlable en l’avenir de son pays « toujours debout malgré toutes les épreuves qu’il a subies », Ziad Annan et son équipe de 13 personnes se font forts de convaincre les partenaires suisses que le Liban a donc bel et bien les reins solides, qu’y invertir est profitable et que le long terme reste le meilleur calcul. Reste juste à espérer que l’Etat libanais se montrera bientôt à la hauteur de ceux qu’il est censé représenter.

swissinfo, Pierre Vaudan, Beyrouth

Population : 4 millions d’habitants réfugiés inclus
PIB : 23,92 milliards USD
Dette publique : 43,57 milliards (182% du PIB)
Exportations : 2,5 milliards (38% de produits métalliques, machines et appareils électriques)
Importations : 11,55 milliards (23% d’hydrocarbures)
Déficit commercial : 9,05% milliards (37,8% du PIB)
28,5% des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 4 USD par jour
8% vivent dans des conditions d’extrême pauvreté avec moins de 2,4 USD par jour.

Le lancement du SBC-L intervient dans un moment où l’horizon libanais vient de s’éclaircir après des mois de crise.

En mai dernier, des combats intenses ont principalement opposés les miliciens du parti chiite Hezbollah, et de son allié Amal, aux paramilitaires pro-gouvernementaux du sunnite Saad Hariri. Les affrontements ont fait une soixantaine de morts.

Les responsables libanais ont ensuite conclu un accord au Qatar, à Doha, qui a permis l’élection, le 25 mai dernier, du général Michel Sleiman à la présidence alors que le poste était vacant depuis 5 mois.

Un gouvernement d’entente nationale a été formé le 11 juillet dernier. Le premier août dernier, la déclaration ministérielle a reconnu le droit à la résistance contre l’occupant israélien, qui contrôle encore les fameuses fermes de Chebaa et la partie sud de Ghajar au Sud Liban.

Tel-Aviv a réagi en faisant savoir que toute attaque du Hezbollah provoquerait une riposte généralisée sur le Liban. L’armée israélienne a procédé mardi à d’importantes manœuvres sur le plateau du Golan, conquis à la Syrie en 1967.

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