La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

La fortune de la secte Moon reste à l’abri dans une fondation zougoise

Hyung Jin Moon
Hyung Jin Moon (à droite) de l'église du Sanctuaire rejoint ses paroissiens pour une cérémonie de reconsécration des mariages EPA/JIM LO SCALZO

C’est la fin d’un bras de fer judiciaire hors norme. Le 3 juillet 2025, la Cour d’appel du District de Columbia a mis un terme à l’un des plus longs contentieux liés à la succession du révérend Sun Myung Moon, fondateur de l’Église de l’Unification, aussi appelée secte Moon. En toile de fond: le transfert d’une fortune de plusieurs centaines de millions de dollars dans une fondation à Zoug.

La justice américaine rejette toutes les demandes formulées par la veuve du révérend Hak Ja Han Moon et son fils cadet, Hyung Jin Moon (alias Sean), contre leur rival Preston Moon, fils aîné du défunt gourou. Les juges estiment que les décisions contestées de ce dernier relèvent d’un conflit religieux interne, et que les tribunaux civils ne peuvent pas trancher ce genre de différend en vertu du Premier amendement de la Constitution des États-Unis.

Un demi-milliard transféré à Zoug

En septembre 2022, Gotham CityrévélaitLien externe que la branche dirigée par Preston Moon avait transféré environ 500 millions de dollars d’actifs depuis les États-Unis vers une fondation suisse, la Kingdom Investments Foundation (KIF). Créée en 2010 à ZougLien externe dans un immeuble de verre abritant 139 boîtes aux lettres, cette entité échappe désormais à toute supervision de l’Église officielle. Celle-ci compteraitLien externe 3 millions de fidèles, principalement en Corée et au Japon. 

L’Église a été souvent accuséeLien externe d’extorquer de l’argent à ses ouailles, par le biais de «dîmes» obligatoires, de dons importants ou de promesses de salut en échange d’argent. Des avocats japonais spécialisés dans ces «ventes spirituelles» ont documenté de nombreux cas de familles ruinées, notamment au Japon, principal réservoir financier du mouvement.

«Le rêve d’une vie»

Les avoirs transférés à la fondation suisse comprenaient des participations dans deux gigantesques projets immobiliers à Séoul – «Central City Limited» et «Parc1», un gratte-ciel de 69 étages –, ainsi qu’une station de ski, une entreprise de construction et deux millions de dollars en liquidités.

Selon Preston Moon, le transfert visait à contourner la mauvaise réputation de l’Église auprès des banques coréennes et à permettre l’achèvement du projet Parc1, présenté comme «le rêve d’une vie» de son père.

Mais l’opération s’est faite sans en informer ni la veuve du révérend, ni la branche japonaise historique de l’Église, ni Sean Moon. Estimant que Preston Moon avait détourné les ressources de l’organisation pour les mettre au service de sa propre vision religieuse, ses adversaires ont saisi la justice à Washington.

Liberté religieuse… ou abus de pouvoir?

En 2019, les plaignants avaient obtenu un premier succès. Un tribunal de première instance avait ordonné le renvoi de Preston Moon et de ses alliés du conseil d’administration de l’organisation faîtière, Unification Church International (UCI), et la restitution des actifs transférés à la fondation.

Mais Preston Moon a immédiatement fait appel, en invoquant le Premier amendement, qui garantit la liberté religieuse et interdit à l’État de s’immiscer dans les affaires internes des confessions.

La Cour d’appel lui a partiellement donné raison en 2022. Elle a estimé qu’un tribunal civil ne pouvait pas juger si Preston Moon avait dévié ou non des objectifs «religieux» de l’organisation, ni déterminer qui était le véritable successeur spirituel du révérend Moon.

Restait une ouverture: les plaignants pouvaient encore tenter de prouver une fraude ou un enrichissement personnel, ce qui aurait permis d’appliquer une exception, très limitée, à la règle d’abstention religieuse.

Dossier refermé

Dans sa décision du 3 juillet 2025, la Cour d’appel referme cette porte. Elle estime que les plaignants n’ont pas démontré que Preston Moon avait tiré un bénéfice personnel du transfert à la fondation suisse. Elle relève aussi qu’aucune des accusations de «self-dealing» (gestion intéressée) ne visait KIF dans les textes initiaux de la plainte. Il est donc trop tard pour les invoquer. La Cour rejette également leur demande de rouvrir la procédure pour inclure de nouveaux éléments.

La décision américaine confirme que la fondation zougoise KIF conserve la main sur l’immense patrimoine transféré en 2010, sans que ses dirigeants aient à se justifier devant les tribunaux. Aucun élément nouveau n’est apporté sur le fonctionnement de KIF, sa gouvernance, ou l’utilisation actuelle des fonds.

Document lié à cet article:
Cour d’appel du District de Columbia – Moon v. Moon (3.7.25)Lien externe

* Fondée par les journalistes d’investigation Marie Maurisse et François Pilet, Gotham City est une newsletter de veille judiciaire spécialisée dans la criminalité économique.

Chaque semaine, elle rapporte à ses abonnés les cas de fraude, corruption et blanchiment en lien avec la place financière suisse, sur la base de documents de justice en accès public.

Les plus appréciés

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision