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Pourquoi Coop et Migros misent sur l’éthique

Antoine Mach, politologue. Covalence

Les deux distributeurs suisses s'engagent toujours plus visiblement sur le terrain du social et du développement durable.

Antoine Mach, politologue spécialisé dans l’éthique des entreprises, livre son analyse à Vanda Janka.

Le groupe Coop vient de créer un fonds doté de 100 millions de francs. Cette somme est destinée à promouvoir des projets de développement durable, notamment dans le secteur de l’environnement.

D’ici 2012, chaque année, le distributeur investira 10 millions de francs dans des domaines aussi variés que la recherche en matière d’agriculture biologique, le développement social mais également la sensibilisation et l’information du consommateur.

Premier geste significatif: Coop a attribué un million de francs au Parc national suisse, en Engadine.

Migros n’est pas en reste. Conforme aux principes de son fondateur Dutweiller, le géant orange a toujours revendiqué le principe de la responsabilité sociale de l’entreprise.

En 1957 déjà, il instaurait le Pour-cent culturel par le bais duquel la coopérative s’engageait à utiliser 1% de son chiffre d’affaires à des fins non commerciales.

L’an dernier, Migros a consacré 10% des 120 millions de francs disponibles à des projets de développement durable.

En outre, Migros investit un million de francs par an pour des projets d’aide au développement en Suisse et à l’étranger. Des budgets sont également consacrés à la production écologique et sociale de certains produits.

Antoine Mach explique les raisons pour lesquelles Coop et Migros misent sur l’éthique.

swissinfo: Cet engagement sur le terrain de l’étique est-il nouveau?

Antoine Mach: Il y a longtemps déjà que Migros prend des initiatives dans le domaine culturel, social et environnemental. Mais jusqu’à présent la coopérative était restée discrète en la matière.

De son côté, Coop s’est engagée dans le principe du commerce équitable au début des années 90 en distribuant notamment les produits Max Havelaar. Le groupe s’est également profilé sur le terrain de l’agriculture biologique. Damant ainsi le pion à son concurrent.

Ce qui est nouveau, c’est la communication toujours plus offensive des deux entreprises sur le thème de l’éthique.

swissinfo: Quels sont les enjeux de ce type de communication?

A.M: Il faut rester lucide. En utilisant ces arguments, les entreprises veulent avant tout plaire au consommateur. Elles ont constaté que les labels écologiques et sociaux se vendaient bien. Elles ne font que surfer sur cette tendance.

Elles veulent séduire le consommateur en lui proposant des produits et une image qui satisfasse ses exigences matérielles autant que son confort moral.

swissinfo: Est-ce que l’on peut dire aujourd’hui que Coop et Migros se livrent une concurrence acharnée sur ce terrain?

A.M: On assiste effectivement à une surenchère des deux distributeurs dans le domaine. Pour preuve, Coop vient d’annoncer la création d’un fonds pour le développement durable. Quelques semaines plus tôt, Migros avait lancé une campagne sous le slogan «Engagement».

Coop et Migros dominent depuis longtemps le marché suisse. Le «duopole», qui est en concurrence sur un même terrain, empoigne aujourd’hui une nouvelle arme: celle de l’éthique.

Par ailleurs, avec l’arrivée de concurrents étrangers, tels que Carrefour, les deux distributeurs doivent renforcer leurs positions et rappeler leurs spécificités aux consommateurs suisses.

swissinfo: l’éthique est en voie de devenir un support commercial, un plan marketing. Est-ce acceptable?

A.M: La situation est en tout cas révélatrice de la réalité de notre société qui fait co-exister différentes logiques en parallèle.

Certaines, à l’instar de la communication éthique des entreprises, peuvent sembler cyniques.

Mais cette débauche de communication éthique a aussi des avantages.

Elle permet par exemple aux organisations non gouvernementales d’interpeller les sociétés sur la cohérence de fonctionnement.

En d’autres termes, elle peut être utilisée comme un moyen de pression pour faire avancer des revendications sociales.

Interview swissinfo: Vanda Janka

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