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Petra, un miracle dans le désert

Les imposants tombeaux royaux de la cité de Petra. Daniel Leippert

Considérée comme l’une des cités archéologiques les plus fascinantes du monde, Petra a été redécouverte il y a exactement 200 ans par le Bâlois Johann Ludwig Burckhardt. Aujourd’hui encore, plusieurs archéologues suisses sont actifs sur le prestigieux site jordanien.

Khazneh, «maison du trésor», «château du pharaon» ou plus simplement «la porte». L’imposant édifice, érigé au fond d’un long canyon étroit, est un incontournable des visiteurs qui se rendent à Petra. Pour qui ou en quel honneur le monument a été bâti à cet endroit demeure un mystère. D’où les nombreux noms qui lui sont attribués.

«Les bédouins qui se sont installés ici il y a quelques centaines d’années ne pouvaient pas concevoir que d’autres personnes, vivant comme eux dans des tentes, aient pu construire quelque chose d’aussi gigantesque», explique Ueli Bellwald, qui travaille depuis plus de 20 ans sur le site de Petra. «Les monuments d’une telle dimension les plus proches géographiquement sont les pyramides de Gizeh, en Egypte. C’est pourquoi les bédouins ont pensé que ce monument avait également été l’œuvre des pharaons et qu’ils y avaient caché un trésor».

La capitale des Nabatéens

Aucun trésor n’a jusqu’ici été découvert à Petra. Ce qui n’empêche pas les touristes d’y venir en nombre. En 2010, on a ainsi dénombré plus d’un million de visiteurs. Petra est l’une des cités archéologiques les plus impressionnantes et les plus fascinantes de la planète. Ses bâtisseurs, les Nabatéens, étaient de riches marchands. Ils étaient spécialisés dans le commerce des produits de luxe de l’Antiquité: la myrrhe et l’encens de la Péninsule arabique, les épices indiennes et la soie de Chine. Petra était la plaque tournante de ces échanges. Toutes les caravanes y convergeaient avant qu’elles n’acheminent leurs précieuses cargaisons dans le port méditerranéen de Gaza ou directement en Europe.

La fameuse porte de Khazneh ne s’ouvre pourtant que sur une salle parmi des milliers d’autres creusées dans la roche. Toutes ne sont pas aussi imposantes et n’ont pas été décorées avec le même soin. Il n’en demeure pas moins que la cité antique exerce aujourd’hui encore un pouvoir de fascination sur les visiteurs. L’ambiance du lieu n’y est pas pour rien. A Petra, les voitures ne sont pas tolérées. Les visiteurs sont transportés sur des chameaux, des mules ou des chevaux. Pour faire le tour de l’ensemble du site de Petra, il faut ainsi compter plusieurs jours de visite.

Cheick Ibrahim

Le Bâlois Johann Ludwig Burckhardt est considéré comme le fondateur du tourisme local. En Jordanie, il fait pratiquement figure de héros national. Johann Ludwig Burckhardt a tout d’abord étudié à Leipzig et Göttingen avant de se rendre en Angleterre en 1806. A Cambridge, il étudia l’arabe, la médecine, l’archéologie et la minéralogie. Il fut chargé par l’African Association, un groupement composés d’hommes influents de la classe supérieure britannique, d’explorer le cours supérieur du fleuve Niger.

Afin de préparer au mieux son long voyage, Burckhardt vécut près de trois ans dans la ville syrienne d’Alep. Il prit l’identité d’un homme d’affaires oriental en se faisant appeler Cheikh Ibrahim, y étudia le coran et traduisit entre autres le fameux Robinson Crusoé de Daniel Defoe en arabe.

Sur le chemin de Petra

En 1812, Burckhardt entreprit un voyage vers le Caire. Alors qu’il se trouvait à l’est de la Mer Morte, des signes de la présence d’un grand site antique se manifestèrent à lui. «J’étais particulièrement impatient de découvrir Wadi Muse, la vallée de Moïse, dont les indigènes parlaient avec beaucoup d’admiration», écrivit le voyageur bâlois dans son journal.

Cependant, les bédouins l’accueillirent avec méfiance. Les étrangers, pensaient-ils, étaient à la recherche d’un trésor caché. Burckhardt usa donc d’une ruse pour se rendre à Petra. Il s’adjoint les services d’un guide qui était censé l’amener à la tombe d’Aaron, le frère de Moïse. Dans la tradition musulmane, Burckhardt prit également avec lui une chèvre pour l’offrir en sacrifice à Aaron. L’astuce fut couronnée de succès, et Burckhardt fut ainsi le premier Européen à entrer dans la ville des rois nabatéens.

De l’eau dans le désert

Pour celui qui visite Petra aujourd’hui, le voyage n’est plus aussi épique. La route qui mène au site traverse tout d’abord le désert de manière rectiligne sur près de 200 km. Ensuite, le paysage change peu à peu. Des groupes d’arbres isolés, des champs en terrasses et même quelques fleurs apparaissent au bord du chemin. Wadi Musa, la vallée de Moïse, qui englobe le site de Petra, est une vallée fertile. Les pluies y sont parfois abondantes en hiver et au printemps.

La principale difficulté consiste à récupérer la pluie et à la canaliser. «C’est un peu la même situation que celle qui prévaut dans nos montagnes, explique Ueli Bellwald. Lorsqu’il pleut, l’eau tombe sur la roche, n’a pas la possibilité de s’infiltrer et se transforme en quelques minutes en un torrent qui emporte tout sur son passage.»

Pour faire face à cette menace, les Nabatéens ont érigé d’imposants barrages. Un système unique dans l’Antiquité. Avec l’aide de travailleurs locaux, Ueli Bellwald s’attelle à reconstruire le système d’irrigation des Nabatéens. Les canaux qui longent le canyon sont ainsi équipés de bassins de débordement. Les nombreux barrages et murets situés dans les vallées latérales escarpées et ne sont pas accessibles au public.

Les Suisses à Petra

Ueli Bellwald n’est pas le seul Suisse présent à Petra. La villa nabatéenne d’Az-Zantur a été mise au jour par des collaborateurs de l’université de Bâle, qui ont restauré en grande partie les pièces intérieures de la résidence. Le Bâlois Stephan Schmid et ses étudiants de l’université Humboldt de Berlin travaillent quant à eux sur l’une des montagnes les plus élevées qui entoure Petra. En 2004, Stephan Schmid a découvert les fondations d’un palais de style gréco-romain et ses bains.

«Chaque branche de bois qui a été brûlée ici devait venir de loin, relève Stephan Schmid. Cette construction s’apparente à un coup de folie. La personne qui y demeurait devait avoir le pouvoir, les moyens financiers et l’influence nécessaire pour s’offrir un tel palais».

Bien qu’il prit immédiatement conscience de l’importance du site, le premier visiteur occidental, Johann Ludwig Burckhardt, ne sut jamais si la ville qu’il découvrit était bien l’antique Petra. En 1817, à l’âge de 33 ans, il mourut au Caire d’une maladie intestinale. Ses récits de voyage n’ont été publiés qu’après sa mort et ont déclenché un véritable engouement. «Tout le monde voulait soudainement se rendre en Orient», raconte Ueli Bellwald. «Et comme Burckhard, tous les voyageurs s’habillaient en bédouin pour s’y rendre».

Petra était la capitale des Nabatéens, un peuple antique de nomades qui se sédentarisa, il y a de cela 2000 ans, dans une région de l’actuelle Jordanie. Prospérant grâce au commerce et au contrôle de grands axes marchands, ils bâtirent une cité florissante au sein de la vallée encaissée de Petra.

La ville était dotée d’une architecture remarquable et d’installations hydrauliques très sophistiquées. Les Nabatéens étaient d’excellents ingénieurs qui parvinrent à se fournir en eau potable grâce à des kilomètres d’aqueducs et ce dans l’une des régions les plus arides au monde.

Petra est surtout célèbre pour son architecture et particulièrement ses façades rupestres taillées dans le grès rouge. Les rois nabatéens firent ériger un grand nombre de somptueux monuments et d’impressionnantes installations qui fascinent encore les visiteurs de nos jours.

Les sculptures, les statues et autres bas-reliefs de style gréco-romain témoignent du contact étroit entre les Nabatéens, la Grèce et Rome ainsi que de leur connaissance des modes artistiques issues des grandes capitales.

 

Source: Musée d’art antique de Bâle

Pour les 200 ans de la redécouverte du site archéologique de Petra, longtemps tombée dans l’oubli en Occident, le Musée d’art antique de Bâle présente dès le 23 octobre les résultats des recherches archéologiques les plus récentes dans lesquelles des Suisses sont fortement impliqués.

Près de 150 œuvres originales en provenance de Jordanie ainsi que des animations interactives permettront aux visiteurs de découvrir les Nabatéens, leur mode de vie et comment ils ont réussi à ériger une gigantesque ville dans le désert et à l’irriguer.

(Adaptation de l’allemand: Samuel Jaberg)

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