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La Suisse, la science et le monde

Le réacteur nucléaire expérimental de Würenlingen en 1958. Au début, la question nucléaire a joué un rôle central dans la diplomatie scientifique. RDB

Il y a 50 ans, la Suisse envoyait à Washington son premier attaché scientifique à l'étranger. Du coup par coup à la création d'un véritable réseau, un colloque réuni à Berne a permis de faire le point sur ce demi-siècle d'échanges.

A la fin des années 50, tout tourne autour de l’atome. Après Hiroshima en 1945, les Soviétiques font exploser leur première bombe A en 49 et les Britanniques en 52. La même année, l’Amérique reprend la tête de la course avec la première bombe H (100 fois plus puissante), une technologie que l’URSS teste à son tour dix mois plus tard.

Tandis que d’aucuns craignent de voir le monde s’embraser dans une apocalypse nucléaire, d’autres misent sur les applications civiles de l’atome, énergie que l’on promet sûre et pratiquement inépuisable.

Dans ce contexte – qui voit la Suisse caresser l’idée d’avoir un jour ‘sa’ bombe -, l’envoi en 1958 du mathématicien et physicien Urs Hochstrasser comme conseiller scientifique à l’ambassade suisse de Washington semble parfaitement logique.

«Je ne suis pas sûr qu’à l’époque, la Suisse ait vraiment eu une politique scientifique extérieure, commente François Wisard, chef du Service historique du ministère des Affaires étrangères et intervenant lors du colloque. Par contre, le choix de Washington est évident. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis étaient vraiment le pays dominant pour la science».

C’est donc bien là-bas que la Suisse a besoin de quelqu’un qui sache aller chercher et qui puisse comprendre les informations scientifiques et technologiques qui seront utiles au pays.

Au coeur de l’empire communiste

Plus de dix ans vont ensuite s’écouler jusqu’à la création de deux autres postes plus ou moins équivalents à celui de Washington. Dix ans de réflexion et de tâtonnements pour les Affaires étrangères et les instances académiques suisses.

«On avait envisagé Londres, Moscou et Tokyo, rappelle François Wisard. Il fallait que ce soient des pays avec une avancée technologique et scientifique indéniable et des structures de coordination et de planification dans ces domaines, ce qui a l’évidence était le cas des trois».

C’est donc le dernier critère de choix qui va faire la différence. Comme elle entend réserver ses moyens limités à des pays «où se dressent des obstacles – administratifs, culturels, linguistiques – que la présence d’un conseiller peut permettre de surmonter», la Suisse enverra des conseillers à Tokyo et à Moscou.

Cette présence au cœur de l’empire communiste ne semble pas poser de problèmes. Certes, la Suisse fait objectivement partie de «l’autre camp», mais officiellement, elle est neutre.

C’est d’ailleurs en toute neutralité que des chercheurs helvétiques en visite en URSS à cette époque loueront dans un rapport l’excellence du système scientifique et technologique soviétique, où «les postes à responsabilités sont réellement occupés par les personnes les plus compétentes».

Mais faute de candidats, faute de moyens (surtout), les postes de Moscou et de Tokyo ne seront au fil des ans occupés que de manière épisodique. Et l’on verra bien plus de scientifiques soviétiques et japonais venir faire une tournée en Suisse que de Suisses visiter leurs pays respectifs.

Un véritable réseau

Passé ces premiers balbutiements – et alors que le poste de Washington, lui, reste occupé en permanence -, il faut attendre la fin des années 90 pour voir naître un vrai réseau de conseillers scientifiques suisses dans le monde.

«En 1998, on en avait encore quatre fois moins que d’attachés militaires, fait remarquer François Wisard. Alors qu’aujourd’hui, on a atteint la parité». Soit 17 postes pour la science et la technologie et 17 pour la défense.

Et depuis 2000, s’ajoutent aux conseillers scientifiques (il y en a désormais, outre Washington, Tokyo et Moscou, à Bruxelles, capitale de l’Union européenne, Londres, Paris, Rome, New Delhi, Pékin, Seoul, Brasilia et Santiago), le réseau swissnex, nouvelle appellation des premières «Swiss Houses».

Ces véritables «consulats scientifiques» suisses sont à Boston, San Fransisco, Singapour et Shanghai, en attendant Bangalore (capitale technologique de l’Inde) l’année prochaine. Comme il ne s’agit pas nécessairement d’un poste dans une ambassade, on ne cherche plus les capitales des pays, mais bien les endroits où «cela se passe» en matière de recherche scientifique et de développement technologique.

Ce réseau scientifique n’en reste pas moins intégré au réseau des représentations diplomatiques et consulaires de Suisse. Ainsi l’installation de Swissnex Bangalore exigera l’ouverture d’un consulat pour l’abriter.

Avec son mode de financement en partenariat public-privé, swissnex est un modèle «qui vise à créer sur place des partenariats durables entre hautes écoles et entre industries des deux pays», rappelle François Wisard.

Grâce à ce modèle, la Suisse peut enfin faire valoir ses atouts en tant que pays compétitif dans les domaines de la science et de la technologie. Le réseau sert non seulement à aider les scientifiques et les entreprises suisses qui veulent s’installer à l’étranger, mais aussi à promouvoir la coopération, sans laquelle il n’y a plus aujourd’hui de science ni de technologie de pointe.

swissinfo, Marc-André Miserez

Sous le titre «Science et politique étrangère», la Commission de publication de Documents diplomatiques suisses (DDS), l’Académie suisse des sciences humaines et sociales, le Département fédéral (ministère) des Affaires étrangères, et le Secrétariat d’Etat à l’éducation et à la recherche organisaient à Berne les 3 et 4 décembre un colloque marquant le 50e anniversaire de la création d’un poste de conseiller scientifique dans une ambassade suisse, en l’occurrence celle de Washington.

Pour dresser l’état historique et actuel du travail des conseillers scientifiques et technologiques suisses dans le monde et à mesurer le rôle de la science dans la politique étrangère du pays, les organisateurs avaient invité des orateurs suisses et américains, parmi lesquels le professeur Urs Hochstrasser, premier attaché scientifique à Washington, trois historiens du Département d’Etat américain et deux autres historiens enseignant dans des universités américaines.

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