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Le Prix Latsis va à une spécialiste de l’hormone du stress

Mirjam Christ-Crain est une sommité en endrocrinologie. SNF

Mirjam Christ-Crain, professeure de médecine à Bâle, a reçu le prestigieux Prix Latsis 2009 jeudi à Berne. Les effets du stress n’ont pas de secret pour cette chercheuse de haut niveau.

Ce médecin de 35 ans a remporté le prix pour son travail remarquable sur le rôle des hormones et des hormones du stress dans le traitement des pneumonies et des attaques cérébrales. Mère de deux enfants, elle est aussi un modèle dans la combinaison de la vie familiale et d’une carrière de chercheuse.

Jeudi à Berne, Mirjam Christ-Crain, de l’Hôpital universitaire de Bâle, a reçu en mains propres le prix de 100’000 francs attribué chaque année à un jeune chercheur par la Fondation Latsis.

«C’est l’une des plus importantes récompenses en Suisse et je suis très honorée. Bien sûr je ne suis pas seule en cause mais tout mon groupe de recherche. Elle représente aussi un grand encouragement pour moi et l’équipe», a-t-elle déclaré à swissinfo.ch à l’issue de la cérémonie de jeudi.

Le laudatio a rendu hommage au travail remarquable de cette jeune professeure en matière de pronostic et de diagnostic des biomarqueurs (signes avant-coureurs) de la pneumonie et de l’attaque cérébrale, qui se montrent «hautement important dans le soin du patient», puisque le taux d’hormones du stress dans le sang permet de prédire précocement l’évolution de la maladie.

Les premiers travaux de Mirjam Christ-Crain ont porté sur les valeurs diagnostique de la procalcitonine dans les infections pulmonaires telles que la pneumonie. Ces infections peuvent être d’origine à la fois bactérienne ou virale, mais seules les premières nécessitent des antibiotiques.

Aborder la pneumonie

Comme il n’est pas facile de faire la distinction entre ces deux types d’infection, on prescrit souvent des antibiotiques dans les deux cas. «Un usage trop fréquent et inutile peut augmenter le taux de résistance aux antibiotiques», explique la spécialiste.

Etant donné que le taux de procalcitonine augmente en cas d’infection bactérienne mais non pas virale, elle peut utiliser l’hormone comme marqueur. Lors de cinq essais randomisés (tirés au sort) sur 2500 patients, seuls ceux présentant un seuil élevé de procalcitonine dans le sang ont reçu des antibiotiques.

«Cette stratégie nous a permis de diminuer l’usage d’antibiotiques de moitié et cela peut avoir un impact important sur la résistance aux antibiotiques», explique Mirjam Christ-Crain.

Lors d’un séjour au St Bartholomew’s Hospital de Londres, elle a étudié un autre biomarqueur, une hormone du stress appelée cortisol. «J’ai à nouveau étudié la pneumonie et j’ai observé qu’un patient qui arrive aux urgences avec un taux élevé de cortisol a un pronostic moins bon qu’un autre.»

Etude des attaques

De retour en Suisse, Mirjam Christ-Crain s’est intéressée aux attaques cérébrales en étudiant une autre hormone, la copeptine, produite directement dans le cerveau.

«A nouveau, nous avons observé que les patients arrivant aux urgences avec un taux trop élevé de cette hormone du stress présentent un risque important de mourir ou de rester invalide trois mois ou un an après une attaque cérébrale. Les patients présentant un taux moindre de copeptine avaient une bonne chance de se remettre en quelques mois.»

Les résultats de cette étude sont publiés dans la dernière édition des «Annales de neurologie». Ces découvertes peuvent aider les médecins dans leur diagnostique ainsi que dans le traitement des pneumonies et des attaques.

«C’est une application pratique des hormones. Ce qui me fascine tant dans les hormones, c’est qu’elles sont partout dans notre corps et que tout ce qui s’y passe influence les niveaux hormonaux, elles sont comme une sorte de miroir de tout ce qui se passe dans le corps», explique la chercheuse.

C’est pourquoi, pour la lauréate 2009 du Prix Latsis passionnée par ses recherches, l’endocrinologie est tellement plus qu’une simple étude de la thyroïde ou des maladies surrénales.

Ce prix lui donne une motivation accrue, mais aussi une grande responsabilité, estime-t-elle, puisqu’il vise à encourager des jeunes chercheurs à continuer à faire du bon travail. Mais le montant du prix permettra aussi de réaliser de nouvelles recherches.

Un modèle

Un rapport publié en décembre dernier en Suisse avait montré que, contrairement à d’autres pays européens, les femmes sont plutôt rares à occuper des postes élevés dans les académies suisses et dans la recherche.

Lors de la cérémonie de remise du Prix Latsis, le ministre de l’Intérieur Didier Burkhalter a fait allusion, dans son discours, au manque d’égalité qui caractérise le monde suisse de la recherche, rendant hommage à Mirjam Christ-Crain pour sa valeur d’exemple pour les scientifiques tant masculins que féminins.

La chercheuse est consciente que, en tant que mère de deux petits enfants de 2 ans et demi et de un an doublée d’une scientifique de haut niveau, elle peut servir de modèle pour d’autres jeunes femmes de son domaine.

«C’est peut-être une coïncidence si je n’ai que des femmes dans mon groupe de recherche, mais c’est aussi parce qu’elles voient avec moi que c’est possible de combiner les deux», confesse-t-elle.

Ce qui ne veut pas dire que tout est toujours facile et qu’il ne faille pas parfois faire la part des choses, ajoute-t-elle.

Et la professeure estime qu’un bon chercheur a besoin d’enthousiasme et d’aimer ce qu’il ou elle fait. Il faut aussi savoir motiver une équipe et convaincre les patients de contribuer à la recherche médicale. C’est aussi un facteur important.

«Et puis, il faut toujours un peu de chance», conclut-elle.

Isobel Leybold-Johnson, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

La Fondation Latsis est privée. Elle a été fondée à Genève en 1975 par la famille grecque Latsis.

Elle attribue chaque année quatre prix académiques d’une valeur de 25’000 francs chacun. Elle décerne également un Prix Latsis national et un prix européen dotés chacun de 100’000 francs.

Depuis 1984, c’est le Fonds national suisse qui décerne le Prix Latsis national sur mandat de la Fondation Latsis. Il récompense des chercheuses et des chercheurs de moins de 40 ans.

Il n’y a pas de concours. C’est le FNS qui choisit le chercheur ou la chercheuse dont les travaux sont récompensés.

Née en 1975, elle a obtenu son diplôme en 1999 et son doctorat en médecine en 2000 à l’Université de Bâle, puis s’est spécialisés en endocrinologie.

De 2005 à 2007, a travaillé comme chercheuse au St Bartholomew’s Hospital de Londres, où elle a obtenu un doctorat en 2008.

Elle est devenue médecin chef au Département d’endocrinologie de l’Hôpital universitaire de Bâle.

2009: obtient un subside de professeur boursier FNS à l’Hôpital universitaire de Bâle

A reçu de nombreux prix et est l’auteur de plus de 60 études originales et de nombreux articles.

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