
La Bibliothèque nationale au cœur d’une enquête de la Comco

Des offres soumises par quatre entreprises de construction, dans le cadre de la rénovation de la Bibliothèque nationale, suscitent la curiosité de la Commission fédérale de la concurrence. Celle-ci va dire, pour la première fois, ce qu'il faut entendre par «entente cartellaire en matière de prix» dans un cas de soumission.
L’affaire, à première vue, est peu spectaculaire. Elle porte sur un million de francs environ et concerne l’assainissement de la façade de la Bibliothèque nationale. Il s’agit en fait d’une toute petite partie des travaux de rénovation de la Bibliothèque, dont le coût total est évalué à 35 millions. L’achèvement a été solennellement célébré le mois dernier par la conseillère fédérale Ruth Dreifuss.
La décision devrait tomber en automne
Mais le montant, en l’occurrence, n’est pas important. Ce qui l’est, c’est que les offres soumises par quatre entreprises de construction bernoises pour cet assainissement ont provoqué une enquête de la Commission fédérale de la concurrence (Comco). Et que cette enquête est en quelque sorte une première.
C’est la première fois que la Commission ouvre une procédure suite à des indices d’accord illicite de type cartellaire dans un cas de soumission. Et c’est la première fois que la Commission va se prononcer sur un tel cas.
La décision devrait tomber en automne, et elle est très attendue. Vraisemblablement, la Comco utilisera en effet le cas pour décortiquer la notion de cartel illicite en matière de soumissions et pour dire ce qui est permis et ce qui ne l’est pas dans un domaine où la fraude est, semble-t-il, monnaie courante.
Parallèlement à cet effet jurisprudentiel, la décision de la Commission pourrait aussi influencer le débat qui va s’ouvrir incessamment sur la révision – dans le sens d’une plus grande rigueur – de la loi suisse sur les cartels (beaucoup moins sévère actuellement que celles des pays de l’Union européenne et des Etats-Unis).
L’enquête en cours porte sur les offres de quatre entreprises de construction bernoises pour des travaux d’assainissement du béton d’une façade de la Bibliothèque nationale. Ces offres se situaient toutes dans une fourchette de prix étroite (+/- 10% du prix moyen selon l’Office fédéral des constructions). Et elles auraient toutes dépassé de plus de… 100% les coûts prévus «calculés avec l’aide d’un spécialiste confirmé».
Selon l’Office fédéral des constructions, il y avait ainsi des indices d’un accord cartellaire illicite et donc d’une tricherie. Si l’on en croit le responsable des travaux de rénovation de la Bibliothèque, l’existence de cette tricherie ne ferait en fait pas de doute car il s’agirait d’un cas patent.
Pour comprendre ce qui se passe dans ce genre de cas, il faut savoir que les firmes qui participent à un cartel en matière de soumission ont coutume de prévoir, par exemple, que la firme qui obtient finalement le contrat redistribue aux autres une partie de ses bénéfices. Des bénéfices évidemment juteux en cas de prix «trafiqué».
Il arrive aussi que le contrat soit conclu avec toutes les firmes qui profitent alors collectivement des avantages de l’accord cartellaire qui les lie secrètement.
Précisons cependant qu’en l’occurrence, les responsables de deux des firmes concernées nous ont déclaré que l’affaire était «extrêmement confuse», que l’on ne pouvait pas vraiment parler de cartel et que la Commission était en train de perdre son temps.
Michel Walter

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