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Le barrage d’Ilisu au centre de la controverse en Suisse

Le site archéologique de Hasankeyf serait menacé par la construction du barrage. Keystone Archive

Partisans et opposants ont débattu lundi à Berne du projet de construction d'un barrage à Ilisu en Turquie. Auquel participent aussi des entreprises suisses.

Politiciens et représentants de l’économie turcs ont été reçus au ministère des Affaires étrangères. Alors que les opposants dénonçaient les atteintes environnementales, culturelles et sociales du projet.

Les opposants à la construction du barrage bénéficient du soutien de la Déclaration de Berne.

L’ONG suisse a d’ailleurs appelé le gouvernement helvétique (Conseil fédéral) à refuser la garantie des risques à l’exportation (GRE) demandée en 2005 par les entreprises helvétiques – Alstom Suisse, VA Tech Suisse, Maggia, Stucki et Colenco – en lice dans ce projet.

Ce projet de barrage sur le Tigre, aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak, est dans sa ligne de mire depuis plusieurs années.

Christine Eberlein, de la Déclaration de Berne, avertit: «Les nouveaux plans du barrage d’Ilisu ne répondent pas aux normes internationales. Accorder une garantie pour ce projet reviendrait, pour la Suisse, à fouler aux pieds ses propres règles en matière sociale et environnementale».

30 communes et associations

Sur place, la résistance à la nouvelle mouture du projet présentée par Ankara après le premier échec de 2002 s’est également organisée.

En janvier dernier, une trentaine de communes et d’organisations locales se sont regroupées pour lutter contre ce projet, et notamment pour sauver le site archéologique de Hasankeyf.

C’est une première dans l’histoire de l’est de la Turquie. Selon les opposants, les personnes déplacées iront grossir les bidonvilles des cités avoisinantes. Et sur le plan archéologique, il est impensable de sacrifier 10’000 ans d’histoire pour 50 ans de production énergétique.

Complice de la destruction d’un patrimoine

Lundi à Berne, des maires de la région d’Ilisu ainsi que des représentants d’initiatives citoyennes locales ont dénoncé les conséquences de la construction de ce méga-barrage: 55’000 personnes déplacées, des écosystèmes et des biens culturels vieux de milliers d’années détruits.

Ainsi, Hüseyin Kalkan, maire de Batman, a par exemple expliqué qu’un soutien helvétique rendrait la Suisse complice de la destruction d’un patrimoine culturel de première importance.

«Avec l’argent destiné à ce barrage, on pourrait développer le tourisme culturel de toute la région. Cela créerait des places de travail bien plus durables et mettrait en valeur l’écosystème unique et les biens culturels inestimables de la vallée du Tigre», a-t-il souligné

L’expérience des autres barrages construits en Turquie montre que la région ne doit pas s’attendre à profiter de la centrale électrique.

Les partisans font aussi campagne

Egalement en visite en Suisse, un groupe de partisans du projet formé de quatre politiciens et représentants de l’économie turcs ont été reçus au Département fédéral des affaires étrangères.

Selon Mehmet Besir Hamidi, le chef de la délégation, le barrage est indispensable à la survie économique d’Ilisu, une région pauvre. Selon lui, 80% de la population locale est favorable au projet.

L’UBS s’était retirée

Pour mémoire, le projet du barrage d’Ilisu (qui doit retenir les eaux du Tigre) fait partie d’un gigantesque chantier prévu par la Turquie dans le sud-est anatolien. Il inclut 22 barrages et 19 centrales hydroélectriques sur les deux fleuves du Tigre et de l’Euphrate.

La centrale d’Ilisu serait l’une des plus grandes et devrait couvrir les besoins en électricité de deux millions de personnes.

Confronté à une première levée de boucliers, le Département fédéral (ministère) de l’économie avait suspendu fin 2001 la GRE accordée en premier lieu en 1998 à des entreprises helvétiques susceptibles de s’inscrire dans le projet.

Et début 2002, l’Union de banque suisse (UBS) s’était retirée de ce projet de barrage, renonçant à en superviser les opérations financières pour des raisons «sociales et écologiques». «L’évolution du projet dans son ensemble a été peu satisfaisante», écrivait alors l’UBS.

swissinfo et les agences

– Avec la Garantie des risques à l’exportation (GRE), la Suisse (pays exportateur par excellence) s’est dotée d’un instrument indispensable.

– Les entreprises établies en Suisse et inscrites au registre du commerce peuvent s’assurer auprès de la GRE contre les risques à l’exportation. Une possibilité que les assureurs privés n’offrent pas ou alors de manière très restrictive.

– Créée en 1934, la GRE est aujourd’hui active dans plus de 150 pays.

– Aujourd’hui, ses principales activités d’assurance se trouvent au Bahrein, en Turquie, en Israël, en Inde, en Chine, en Arabie Saoudite, au Mexique, au Venezuela, en Iran et au Vietnam.

– Durant les années 1990, la GRE avait ponctuellement assuré des livraisons d’exportations suisses contestées du point du vue écologique et social. Les projets des grands barrages en Chine (Trois Gorges) et en Turquie (Ilisu) en faisaient partie.

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