
Le fabuleux exploit de Steve Fossett

L'aérostier américain réussit le tour du monde en ballon et en solitaire. Le Suisse Bertrand Piccard salue cette performance.
«Après notre tour du monde en ballon d’il y a trois ans, en duo avec mon coéquipier anglais Brian Jones, commente l’aérostier romand Bertrand Piccard, nous espérions bien que d’autres reprendraient le flambeau».
C’est chose faite, puisque l’aérostier américain et multi-milliardaire Steve Fossett, 58 ans, est devenu le premier homme à faire le tour du monde en ballon, en solitaire et sans escale, dans sa montgolfière «Spirit of Freedom».
Steve Fossett a en effet franchi, mardi, les 117 degrés de longitude Est, au sud de l’Australie. Il était parti de la ville australienne de Denham, le 19 juin dernier, à la même latitude. Il a parcouru quelque 30.000 km.
Deux exploits bien différents
Joint par téléphone, Bertrand Piccard, en vacances en France, relève les principales différences entre les deux exploits: «Pour nous, la première difficulté était de savoir si un tour du monde en ballon était possible.»
«Nous avons donc dû inventer quantité de stratégies. Pendant notre vol, Brian Jones et moi étions souvent assaillis par le doute, car nous ne savions si ce que nous faisions était réellement possible».
«Mais en solitaire, poursuit Bertrand Piccard, Steve Fossett a dû faire face à d’autres épreuves: le sommeil, la concentration qu’il faut à tout prix garder sur le long terme».
En outre, «Steve Fossett a choisi de voler en cabine non pressurisée. Ce qui fait qu’il ne pouvait pas voler aussi haut au-dessus du mauvais temps. Ses conditions de vie à bord étaient donc encore plus difficiles».
«Steve Fossett a vécu à peu près la moitié de son vol avec un masque à oxygène sur le visage, alors que Brian et moi n’avions pas besoin de cet artifice, puisque nous étions en cabine pressurisée».
L’hémisphère sud
Par contre, en choisissant l’hémisphère sud, où personne ne s’aventure, «Steve Fossett n’a pas eu le problème des négociations de survol: les contrôleurs aériens qui appellent toutes les dix minutes pour savoir si l’on suit la bonne direction ou si l’on ne va pas percuter un avion».
«Sur le plan technologique, et jusqu’à notre réussite, explique Bertrand Piccard, deux types de stratégies s’affrontaient: la première était celle de voler haut et très vite dans des jet-streams. C’est celle qu’avait adoptée Richard Branson et qui s’était avérée fausse».
«La seconde méthode consistait à voler sur des durées beaucoup plus longues en sautant d’un jet-stream à l’autre, en jouant avec les vents, et avec une aide météorologique beaucoup plus accrue».
«C’est cette dernière stratégie que Brian et moi avions choisie. Et c’est aussi celle que Steve Fosset a adoptée. Nous avons d’ailleurs travaillé avec le même météorologue, le Belge Luc Trullemans».
La méthode en question consiste même parfois à se mettre en attente à basse altitude pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, afin de pouvoir prendre un autre jet-stream, doté d’une meilleure direction.
Une performance physique
Cela dit, Bertrand Piccard pense que la performance de Steve Fossett est plutôt d’ordre physique que psychologique.
«Steve Fossett s’est énormément entraîné sur le plan physique. Pour s’acclimater à l’altitude, il a par exemple dormi dans un caisson de dépressurisation, (ce qui revient à dormir à 6500 mètres d’altitude), de manière à pouvoir voler beaucoup plus haut sans pressurisation».
La persévérance de Fossett
Mais, aux yeux de Bertrand Piccard, ce qui paraît le plus fabuleux dans l’exploit de Steve Fossett est sa persévérance. Avant son exploit, Fossett a essuyé sept échecs: avec un équipage à trois et six fois seul à bord.
«C’est un magnifique exemple pour beaucoup de gens qui croient que les rêves doivent se réaliser tout de suite», philosophe le psychiatre Bertrand Piccard. «Je crois que le long terme est toujours payant».
swissinfo/Emmanuel Manzi

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