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Le GHB interdit, le GBL prend le relais

Le GHB a des effets euphorisant et aphrodisiaque. Keystone Archive

Ecstasy liquide ou drogue du violeur, le GHB a fait couler pas mal d’encre avant d’être finalement interdit début 2002.

Pour être remplacé sur le marché par son précurseur chimique, le GBL, accessible parce que massivement utilisé dans l’industrie.

Lorsqu’il est sorti des salles de body-building pour s’installer sur les ‘dance floors’ américains puis européens, le GHB a fait beaucoup parler de lui: «nouveau fléau des nuits suisses», «ecstasy liquide»…

La scène techno l’a en effet vite détourné en «party drug» pour trois raisons: ses effets euphorisant et aphrodisiaque et son absence totale d’effets secondaires.

Mais selon plusieurs fournisseurs du produit, un public plus rangé, hommes d’affaire en mal de relaxation par exemple, goûtent aussi volontiers le GHB.

Cet anesthésiant est aussi prisé pour contrer les effets excitants d’autres substances stimulantes, dont l’ecstasy ou la cocaïne, les drogues les plus consommées dans le milieu techno. Or un surdosage peut induire un coma, si ce n’est un arrêt respiratoire.

Nombreuses rumeurs

Autre danger du GHB: lorsqu’il est mélangé à de l’alcool, il provoque un sommeil profond, dont on se réveille sans le moindre souvenir. Laissant ainsi le champ libre à de potentiels abus sexuels ou à des brigandages.

Une drogue incolore et au goût presque indécelable, qu’on pourrait ingurgiter à son insu… En France, mais à Genève aussi, on a prôné l’utilisation de couvercles à poser sur les verres servis. Les consignes préconisant de ne jamais laisser un verre sans surveillance ont vu le jour.

Ces rumeurs sont toutefois impossibles à vérifier: les traces du produit disparaissent en quelques heures de l’organisme.

D’ailleurs, l’Office fédéral de la police (OFP) peut compter sur les doigts de la main les cas d’abus sexuels probablement liés au GHB.

Aucun cas signalé dans les cantons de Genève et de Vaud. A Zurich, ville nocturne par excellence, et décomplexée quant à la consommation de drogues, deux cas de viol et un de vol seraient liés à l’ingestion de GHB en 2002.

Mais les données manquent sur la consommation des «party drugs» ou «designer drugs». Cela dit, la consommation de GHB reste apparemment minoritaire. Et plus épisodique que celle d’ecstasy.

Prohibition vite contournée

Quoi qu’il en soit, fin 2001, les autorités ont mis le GHB sur la liste des substances dites sous contrôle (sur ordonnance uniquement). Mais pas son précurseur, le GBL qui, une fois ingurgité, se transforme en GHB dans le corps.

Les consommateurs se sont donc immédiatement repliés sur le GBL. Qui plus est, les petites fioles de GBL se trouvent facilement dans certains commerces de grandes villes et sur Internet. Avec toutefois dans les deux cas des informations très claires sur ses dangers.

«Il suffit de modifier légèrement la composition chimique des substances pour sortir de la liste des produits prohibés», remarque Michel Graf.

De nouvelles sortes de «party drugs» déferlent ainsi sur le marché à une telle vitesse que le directeur de l’ISPA avoue «ne plus pouvoir suivre». D’où un intérêt certain pour le drug testing.

Vide juridique

«Il est impossible de contrôler le GBL. Il est massivement utilisé dans la chimie, comme solvant ou fixateur de couleur», indique Swissmedic, l’organe qui établit la liste des produits stupéfiants.

Toutefois, rassure l’OFP, Swissmedic a aussi un rôle de surveillant du marché. Si l’institut soupçonne un détournement du produit chimique dans le but d’en fabriquer un stupéfiant, il doit en informer les polices cantonales.

A elles ensuite d’enquêter. Et d’intervenir si nécessaire. Quelques saisies ont eu lieu récemment: du GBH commandé sur Internet, et envoyé par courrier, précise l’OFP.

Quant au GBL, ni Vaud, ni Genève n’ont rencontré de tels cas. Par contre, Smartstuff, une chaîne de magasins suisse alémanique, avait vu son stock confisqué en 2001.

«Une chose est sûre, si on en rencontre, on va le confisquer, menace Christian Hochstaettler, chef de la Brigade vaudoise des stupéfiants. Le juge en fera ce qu’il en voudra ensuite.»

Le GBL flotte comme pas mal d’autres substances dans un vide juridique dont profitent dealers et consommateurs.

swissinfo, Anne Rubin

– Le Gamma Hydroxybutyrate (GHB), synthétisé pour la première fois en 1961 par le professeur Henri Laborit, agit sur le cerveau en augmentant le taux de dopamine et en influençant les endomorphines.

– Surnommé ecstasy liquide, il constitue une sorte de stimulant antidouleur, qui repousse les limites de l’individu et lui confère un état de bien-être proche de l’ébriété. Il est aussi aphrodisiaque.

– Le GHB a longtemps été utilisé, dans les hôpitaux, comme anesthésiant, somnifère ou antidépresseur.

– Le GHB est interdit en Suisse depuis le 1er janvier 2002. Par contre le GBL (Gamma-butyrolactone) ne l’est pas, alors qu’une fois ingurgité, le GBL se transforme en GHB.

– Le GBL est massivement utilisé dans la chimie.

– L’industrie textile l’emploie par exemple comme solvant et fixateur de couleur. C’est aussi un dissolvant efficace pour la peinture. Le GBL entre également dans les préparations de vitamines et de divers produits pharmaceutiques ou pesticides.

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