Mélina, 9 ans, une malade d’exception

Mélina souffre du syndrome du 'Cri du chat', une anomalie génétique rare et irréversible.
Sa mère a créé une association pour sortir de l’isolement et pallier un manque d’informations qui entoure cette maladie.
Une grande pièce claire dont la seule particularité est la sobriété. Ici aucun portrait sur les murs. Rien qui n’évoque le drame de la famille Hauswirth. «C’est peut-être une manière de ne pas se distinguer des autres», lâche Brigitte Hauswirth.
Un regard plus attentif permet toutefois de déceler une énorme pile d’albums photos posés à même le sol. Dans un autre coin du salon, un tas de classeurs colorés.
«Ce sont les outils de communication de Mélina, explique la mère de famille. Elle s’exprime essentiellement à travers les images».
Alors pour permettre à sa fille de se raconter, Brigitte Hauswirth a dû classer des centaines de photos sur des pages colorées.
Chaque couleur raconte une histoire, celle de la vie de famille, de l’école ou encore des activités du week-end.
Il y a aussi l’album de petits pictogrammes, eux aussi colorés, qui permettent à Mélina de désigner ses envies, ses besoins et ses sentiments.
Un syndrome oublié
Mélina ne parle pas. Elle est atteinte du syndrome du Cri du chat, une anomalie chromosomique extrêmement rare.
Depuis bientôt neuf ans, la petite fille survit aux multiples malformations, cardiaques et intestinales, induites par sa maladie.
«Le corps médical ne sait pas grand-chose, déplore Brigitte Hauswirth. Ce syndrome ne bénéficie même pas d’un nom scientifique et, dans les encyclopédies médicales, il n’occupe pas plus de trois ou quatre lignes».
Le syndrome du Cri du Chat a pourtant été identifié en 1963, par Jérôme Lejeune, le scientifique qui a par ailleurs identifié l’origine chromosomique de la trisomie 21.
Un enfant sur 50 000
Mais le syndrome du ‘Cri du chat’ ne touche pas plus d’un enfant sur 50 000.
Il est donc répertorié au nombre des maladies orphelines. Celles pour lesquelles les connaissances scientifiques stagnent.
«Nous sommes complément démunis face aux complications médicales auxquelles nous devons faire face tous les jours, explique la maman de Mélina. Chaque virus, même le plus bénin, peut tourner à la catastrophe.»
Et d’ajouter, «chez nous, on se dépêche de vivre au quotidien, de crainte de ne pouvoir compter sur l’avenir.»
Les lacunes du diagnostic
Cette angoisse n’est pas nouvelle. Trois mois avant la naissance de Mélina, les échographies avaient déjà révélé plusieurs anomalies graves dont deux malformations cardiaques.
Le corps médical n’a toutefois pas jugé utile de procéder à l’amniocentèse qui aurait peut-être permis de déceler la maladie.
«A sa naissance, le bébé ne pesait que 1,6 kg. Elle avait de la peine à respirer», se souvient Brigitte Hauswirth. «Il a fallu déployer tout un arsenal thérapeutique pour le maintenir en vie.»
Aujourd’hui encore Brigitte Hauswirth vibre de révolte lorsqu’elle se remémore la méconnaissance, voire les incompétences médicales qui ont conduit à la naissance de sa fille.
«Un jour après la naissance de Mélina, ma belle-mère a fait remarquer que le bébé pleurait comme un chat», raconte la maman.
«J’ai su par la suite que ces ‘miaulements’ étaient dus à une malformation du larynx symptomatique de la maladie.»
Une affection psychique et mentale
Deux jours plus tard, le couperet tombe. L’enfant est atteinte d’une affection psychique et mentale, aussi rare que grave, répertoriée sous le nom de syndrome du Cri du chat.
«On m’a annoncé que j’avais donné naissance à une débile mentale profonde, s’insurge Brigitte Hauswirth. Ce sont des mots terribles qui ne doivent plus jamais être prononcés dans une maternité».
Malgré le choc, la jeune mère – elle n’avait alors que vingt ans – fait toutefois un pari sur la vie.
Après les examens de rigueur – car la maladie est héréditaire dans 15% des cas – elle donne naissance à une seconde fillette en parfaite santé. Trois ans plus tard, un petit garçon prendra également place dans la famille.
Mais Brigitte Hauswirth parie également sur l’avenir de Mélina. Faute de pouvoir trouver les appuis nécessaires auprès du corps médical, elle surfe sur Internet. Et constate que là aussi les informations sont rares.
Une association pour communiquer
«En 1999, j’ai donc lancé l’Association francophone du Cri du chat, explique l’intéressée. C’était une manière de sortir de l’isolement et d’échanger des expériences avec des familles confrontées aux mêmes problèmes.»
Mais Brigitte Hauswirth réalise rapidement que son association peut aussi contribuer à combler les connaissances lacunaires du corps médical.
Elle s’évertue alors à recueillir et à répertorier les informations. Elle envoie des questionnaires, établit des statistiques et catalogue ainsi les diverses évolutions du syndrome du ‘Cri du chat’.
«Nous avons ainsi pu constater que certains malades survivaient jusqu’à trente ans alors que le corps médical pronostique généralement une très coutre espérance de vie», souligne Brigitte Hauswirth.
«Nous savons aussi que les survivants sont généralement des malades qui ne souffrent pas de malformations cardiaques».
Brigitte Hauswirth a également découvert que les malades pouvaient évoluer pour autant qu’on leur fournisse la stimulation nécessaire.
Combler les lacunes médicales
Autant d’informations essentielles aux familles mais aussi aux médecins.
«Les chercheurs ont trop souvent mais mis l’accent sur les aspects les plus exceptionnels des maladies chromosomiques», admet Armand Bottani, médecin à la division de génétique médicale des Hôpitaux Universitaires de Genève.
«Grâce aux recherches effectuées par les associations, nous découvrons désormais que ces maladies peuvent présenter de nombreuses variations», poursuit le généticien-clinicien.
Ces informations permettent aujourd’hui aux chercheurs de «réorienter leurs travaux et aux médecins de fournir des indications plus complètes aux familles concernées.»
Et de conclure, «les associations ont également le mérite de poser des problèmes concrets et de défendre les intérêts des malades au plan politique.»
Cet aspect est d’autant plus vital que, à défaut de diagnostic et de classifications précises, les maladies rares sont souvent prises en charge sur la base de l’expression de leurs symptômes. Ce qui peut déboucher sur des difficultés pour les familles concernées.
«Sur les trois personnes atteintes du syndrome du Cri du chat en Suisse romande, constate d’ailleurs Brigitte Hauswirth, aucune n’est répertoriée dans la même catégorie à l’AI (Assurance-invalidité). En conséquence, elles ne bénéficient pas des mêmes prestations.»
swissinfo, Vanda Janka
6 000 à 7 000 maladies rares répertoriées
Chacune touche moins d’une personne sur 2000.
– Le syndrome du Cri du Chat est une maladie génétique causée par une anomalie du chromosome No 5.
– Le taux de prévalence est de une naissance sur 50’000.
– Dans 85% des cas, il s’agit d’un problème génétique survenu de manière accidentelle chez l’enfant.
– Pour les 15% restant, l’anomalie chromosomique résulte d’une prédisposition génétique chez l’un des parents.
– La maladie se traduit par un handicap mental modéré à sévère et une atteinte physique de degrés variables.
– Ce syndrome touche, selon l’association du Cri du chat, une dizaine de personnes en Suisse.

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