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Une nouvelle voie pour traiter l’obésité

L'obésité touche de plus en plus les enfants dès leur plus jeune âge. Keystone Archive

Une collaboration entre les universités de Genève et du Texas débouche sur une découverte majeure, synonyme d’espoir pour les obèses.

La leptine, une hormone impliquée dans la régulation du poids corporel, s’est avérée capable de convertir les cellules adipeuses en cellules qui brûlent leur propre graisse.

A vrai dire, la leptine est déjà connue depuis une dizaine d’années. A l’époque, sa découverte avait alimenté passablement d’espoirs dans le domaine du traitement de l’obésité.

Cette hormone secrétée par le tissu adipeux a la propriété de diminuer l’appétit en agissant sur une région spécifique du cerveau.

Mais l’utilisation de la leptine chez les obèses a été décevante. Elle n’a pas amené de perte de poids importante. Les patients seraient en effet résistants à cette hormone, déjà présente en concentration très élevée dans leurs corps.

Un concept radicalement nouveau

Sans parvenir encore à résoudre ce problème, les chercheurs genevois et texans viennent de faire une découverte qui change radicalement la conception de l’amaigrissement.

«Jusqu’à présent, le seul moyen de brûler des calories était de diminuer la prise de nourriture ou de faire de l’exercice, explique le professeur Jacques Philippe. Le tissu adipeux libère alors les graisses dans les vaisseaux sanguins pour nourrir le corps en énergie».

Le chef du Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition de la Faculté de médecine de Genève répond à swissinfo au nom du professeur Celio Orci, qui n’a pas voulu s’exprimer sur sa découverte.

«Ce que les scientifiques américano-suisses ont découvert, poursuit le professeur Philippe, c’est qu’en donnant de la leptine à des animaux, le tissu adipeux pouvait lui-même utiliser son propre stock d’énergie et le brûler».

Le professeur Roger Unger de l’université du Texas avait en effet observé que les rats traités à la leptine – hormone produite par les cellules adipeuses elles-mêmes – perdaient près de 30% de leur poids corporel en seulement 14 jours. Tout en continuant à manger normalement.

Sur la base de ces observations, l’équipe genevoise a ensuite découvert que le tissu adipeux des rats ainsi traités avait subi de profondes modifications de structure.

En effet, le volume des cellules adipeuses avait diminué drastiquement, entraînant la disparition presque totale des réserves de graisse.

Les cellules ainsi transformées étaient littéralement remplies de mitochondries, c’est-à-dire de minuscules usines intracellulaires responsables de la production d’énergie et de la combustion des lipides.

Pas encore applicable à l’homme

Un bémol, toutefois, du moins pour l’instant: «On ne sait encore rien de ce mécanisme chez les humains, nuance Jacques Philippe. Ni s’il opère normalement chez les animaux. Car ceux utilisés pour l’expérience ont reçu énormément de leptine».

Et la résistance que semblent afficher les humains et les animaux obèses pose également un problème.

En attendant, la découverte de ce concept nouveau conserve toute son importance. On sait déjà que la leptine peut induire ce processus d’auto-amaigrissement des cellules graisseuses.

«Et on peut imaginer que d’autres substances, naturelles ou synthétiques, puissent le faire aussi, complète le professeur. C’est ce qu’il faudra découvrir et ensuite expérimenter».

Mais il ne faut pas compter sur un médicament pour traiter l’obésité avant une dizaine d’années.

Une chose est sûre: l’industrie pharmaceutique travaille depuis des années sur le problème des hormones, qui toutes jouent un rôle sur la prise de nourriture et la dépense d’énergie. Elle va donc forcément s’intéresser à cette découverte. Même si aucun contact formel n’a encore été entrepris.

«Comme l’obésité devient un phénomène épidémique en Occident et même dans les pays en voie de développement, c’est évidemment pour l’industrie pharmaceutique un domaine majeur d’investigation et d’investissement», conclut Jacques Philippe.

swissinfo, Anne Rubin

Plus d’un tiers des Suisses sont soit trop gros, soit obèses. Les proportions atteignent respectivement soit 33,9% et 11%, selon deux études, l’une genevoise et l’autre nationale.
Le phénomène augmente considérablement depuis quelques années, au point de devenir un problème majeur de santé publique.
Les surcharges pondérales s’accroissent à partir de 54 ans.
Mais elles touchent aussi de plus en plus d’enfants dès leur plus jeune âge. 18% des petits Suisses de 6 à 12 ans sont trop gros et 4% obèses.
Dans le monde, l’obésité touche 1,1 milliard de personnes.
Une obésité importante ou «morbide» diminue l’espérance de vie et représente un risque accru de développer un diabète, une hypertension, des problèmes articulaires, des calculs biliaires, etc.

– Cette découverte est issue de la collaboration des équipes du professeur genevois Lelio Orci du Département de physiologie cellulaire et métabolisme de la Faculté de médecine de Genève et de celle du professeur Roger Unger de l’université du Texas.

– La leptine, contenue dans les cellules graisseuses, peut amener ces mêmes cellules à brûler leur masse graisseuse.

– Si cette hormone peut le faire, d’autres substances pourraient aussi stimuler les cellules.

– Pour l’instant, le traitement à la leptine s’est avéré inefficace sur les obèses. Ils semblent y être résistants.

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