Drame de la Garde suisse: version officielle contestée

L'affaire rebondit avec l'entrée en scène de Jacques Vergès. Il en appelle au pape et envisage de porter le dossier devant la justice suisse.
Le 4 mai 1998, les corps d’Alois Estermann, commandant de la Garde suisse, celui de sa femme et celui de l’un de ses subordonnés, Cédric Tornay, étaient retrouvés dans un appartement du Vatican.
Après 9 mois d’enquête, la justice vaticane classait l’affaire en confirmant la thèse avancée dès le début par le Saint-Siège. Le vice-caporal, qui se sentait brimé, a assassiné les époux Estermann pour se venger, avant de se donner la mort.
Mais aujourd’hui, près de 4 ans après les faits, l’affaire rebondit, avec l’entrée en scène de deux avocats parisiens, Jacques Vergès et Luc Brossollet, aux côtés de la mère de Cédric Tornay, qui a d’ailleurs sans cesse, depuis 1998, contesté la version officielle du drame.
« Nous sommes convaincus de l’innocence de Cédric Tornay, a déclaré Me Brossollet, samedi, lors d’une conférence de presse tenue à Martigny, en Valais. Nous avons de nombreuses raisons de penser qu’il n’est pas l’assassin décrit par le Vatican, mais qu’il a été assassiné. »
Requête au pape
Après avoir essuyé le refus de se voir accrédités auprès de la justice du Vatican, Me Vergès et Me Brossollet ont décidé de s’adresser au magistrat suprême, Jean-Paul II lui-même. «Il a le pouvoir d’ordonner la réouverture de l’enquête, ont expliqué les avocats. Et, espérons-le, de ne pas la confier à la justice vaticane.»
Contre-enquête
Mais revenons aux faits eux-mêmes. Sur quoi se fonde la contre-enquête des avocats français? Leur requête met en avant deux éléments principaux: la manière dont s’est déroulé le drame et la question de la lettre laissée par Cédric Tornay.
Sur le premier point, Mes Vergès et Brossollet opposent aux conclusions du Saint-Siège celles d’une autopsie du corps du vice-caporal Tornay pratiquée, à la demande de la famille, par l’Institut médico-légal de l’Université de Lausanne.
Ils affirment que le trou de sortie de la balle correspond à une balle de 7 millimètres, alors que Cédric Tornay s’est suicidé, selon la version officielle, avec un pistolet de calibre supérieur à 9 mm. De plus, Tornay aurait été frappé à la tête avant de recevoir le coup de feu fatal.
Un faux
Quant à la lettre dans laquelle le jeune Suisse semble annoncer et signer son acte, les avocats y décèlent une multitude d’incohérences et d’erreurs. Elle n’est pas signée. Elle est adressée à la mère de Cédric Tornay, mais utilise un patronyme qu’elle ne portait plus à ce moment là.
Les avocats sont arrivés à la certitude qu’il s’agit d’un faux. «Un texte forgé par un faussaire, proche du Vatican et dont la langue maternelle est l’italien», a précisé Me Brossollet. Et d’ajouter: «On avait besoin d’un élément qui, en l’absence de témoins, laisse croire que Cédric était le double assassin qui se suicidait ensuite.»
Dernier recours: la justice suisse
«On a l’impression, a poursuivit l’avocat parisien, que ceux qui, au Vatican, se sont rendus coupables de cette mise en scène ont imaginé que la mésentente qui existait depuis quelque temps entre le commandant et Cédric offrait une bonne couverture.»
Tous ces coups, assénés par médias interposés, suffiront-ils à faire rouvrir le dossier? Le duo parisien a en fait déjà anticipé une éventuelle réaction négative de Rome à sa demande. Il s’adresserait alors à la justice suisse. «Il y a un précédent», a expliqué Jacques Vergès.
«Cédric est citoyen helvétique, tué à l’étranger. La justice suisse peut enquêter à ce sujet. Il y a eu le cas des victimes d’Augusto Pinochet, où la justice helvétique s’est sentie à ce point concernée qu’elle a réclamé l’extradition à la Grande-Bretagne.»
swissinfo/Pierre Gobet, Martigny

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