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«Me réinventer me donne beaucoup de force»

A 44 ans, Chantal Gaemperle déménage famille et crayons à Paris. lvmh

Une vraie transition. C'est l'expérience vécue actuellement par Chantal Gaemperle, qui passe de Nestlé à LVMH et de Suisse à Paris.

Nouvelle directrice des ressources humaines et membre du comité exécutif du numéro un mondial du luxe, la Vaudoise dit ce qui la motive et l’incite à changer. Interview.

LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy) est un monstre tentaculaire. Le groupe est actif partout sur la planète, concrètement mais aussi symboliquement, à travers des noms comme Dom Pérignon ou Dior.

Le numéro un mondial de l’industrie du luxe emploie près de mille personnes en Suisse. Et 65’000 au total dans le monde. Un capital dont Chantal Gaemperle est en charge depuis mars dernier.

swissinfo: Qu’est-ce qui vous a incité à passer de Nestlé à LVMH?

Chantal Gaemperle: L’opportunité de saisir un nouveau et formidable défi, après avoir accompli ma mission chez Nestlé.

A Vevey, j’ai mis en place un mécanisme au niveau du groupe pour repérer les talents, faciliter le développement des cadres, renforcer la succession aux postes-clés et accompagner la transition vers une société moins hiérarchique et plus orientée vers les résultats.

Chez LVMH, c’est la qualité des gens rencontrés lors du processus de recrutement qui m’a séduite. Le poids et le positionnement de la fonction «ressources humaines », stratégique et très proche du président, ont renforcé mon intérêt. Dans le secteur du luxe, le capital humain fait encore plus qu’ailleurs la différence.

swissinfo: Pour dire les choses simplement, à quoi servez-vous chez LVMH?

C.G.: À orchestrer une politique «Ressources Humaines» au niveau du groupe permettant d’attirer, retenir et développer les talents.

Il s’agit pour moi de faciliter les synergies au sein du groupe (5 secteurs d’activité, 60 marques) et de fédérer les sociétés et maisons, tout en respectant leur autonomie et leur créativité.

Mon défi, c’est de trouver le bon équilibre, entre apporter du changement et du renouveau dans un groupe de 65’000 collaborateurs, et respecter l’héritage qui en fait la force.

swissinfo: Qu’est-ce qui différencie LVMH de Nestlé en termes de gestion des ressources humaines?

C.G.: On est dans deux cultures différentes. Le rythme des affaires, lié au rythme d’innovation des produits, est beaucoup plus rapide chez LVMH. Le groupe est actif dans un secteur extrêmement concurrentiel, ce qui s’imprime dans toutes les actions.

Chez Nestlé, la culture est plus consensuelle, orientée sur le long terme. Ce sont les produits et la technologie qui sont rois. Chez LVHM, l’individu fait la différence. On va davantage modeler l’organisation autour de l’homme.

swissinfo: Comment appréhendez-vous le fait d’être une Suissesse active dans le poste de pilotage du fleuron industriel français du luxe, qui plus est, mené par un patron tout puissant?

C.G.: Comme un atout, porteur à la fois de différences mais aussi de similarités, qui permettent de m’intégrer. Suisse romande née à Lausanne, j’ai été élevée dans la culture française, dans un pays où cohabitent quatre cultures et quatre langues. Des langues et cultures qui, ensemble, forment la Suisse. Cet équilibre dans la diversité est une force.

En outre, luxe rime aussi avec qualité, tradition, ouverture sur le monde, ce qu’offre la Suisse.

Au niveau de mon métier, que je conçois comme une force de changement et de proposition, j’apporte du professionnalisme et une solide expérience acquise dans des groupes internationaux de renom. Un regard neuf et du pragmatisme.

swissinfo: Quels ressors intérieurs vous ont-ils permis d’accéder à ce poste?

C.G.: L’énergie, le goût d’apprendre et d’entreprendre, mais aussi un certain courage: celui de se remettre en question, de sortir de sa zone de confort pour bâtir une nouvelle expérience. En cela, mes réalisations au sein d’entreprises comme Philip Morris, Merrill Lynch et Nestlé me donnent un excellent bagage.

swissinfo: Mais au fond, qu’est-ce qui vous incite à vous lever le matin?

C.G.: L’envie de faire avancer des projets et des idées, de réaliser. J’aime mon travail. Les ressources humaines, au cœur de l’entreprise, sont un lieu privilégié d’observation de l’organisation où vous travaillez sur la plus belle «matière» qui soit : les femmes et les hommes qui font le succès d’une entreprise. Je me sens très en accord avec ma fonction.

swissinfo: Portez-vous un regard moral ou éthique sur votre activité?

C.G.: Je m’efforce de garder un esprit critique. Non seulement vis-à-vis de mes propres actions, mais également par rapport au monde des affaires en général.

Il faut rester humble, savoir se remettre en question. J’ai toujours eu cette capacité de distanciation. A la fois une identification profonde à l’entreprise et une distance critique, qui permet d’avancer.

Certaines valeurs fondamentales – la famille, les amis – et le privilège de pouvoir en jouir, sont aussi des éléments que j’essaie d’inculquer à mes enfants. Parmi ces valeurs fondamentales, il y a l’idée de savoir qui on est, de ne pas se perdre, de rester fidèle à ses valeurs.

J’ai les pieds sur terre. Je vais me battre pour réussir ce défi, mais pas à n’importe quel prix. Je suis prête à m’adapter mais j’ai une ligne, certaines choses auxquelles je crois, que je ne sacrifie pas.

swissinfo: Avec un job aussi prenant, avez-vous trouvé la manière de vous ressourcer?

C.G.: C’est un investissement total, un marathon, d’autant que je cumule un changement de secteur, de pays et de poste! Mais si apprendre et découvrir est très prenant, c’est également stimulant. C’est donc une façon de «se nourrir» et de se ressourcer.

L’aventure est pleine de risques et d’incertitudes. Mais d’avoir eu cette audace d’à nouveau faire mes preuves, de me réinventer est extrêmement formateur. Et ça me donne beaucoup de force. Dans un monde si exigeant, cela est fort utile!

Interview swissinfo: Pierre-François Besson

Née en 1964, Chantal Gaemperle est diplômée de l’Université de Lausanne.

Cette Suissesse a entamé sa carrière chez Philip Morris et l’a poursuivie comme directrice des ressources humaines pour la Suisse auprès de la banque américaine Merrill Lynch.

Entre 2001 et février dernier, elle assumait chez Nestlé, numéro un mondial de l’agro-alimentaire, le poste de «Head of Corporate Management Development and Sourcing».

Le groupe mené par Bernard Arnault (plus de 47% du capital) est le numéro un mondial de l’industrie du luxe. Il emploie 65’000 collaborateurs à travers la planète.

Ses activités vont de la mode et la maroquinerie aux vins et spiritueux en passant par l’horlogerie, les produits cosmétiques et la distribution.

LVMH possède les horlogers suisses TAG Heuer et Zénith et des marques comme Kenzo, Marc Jacobs, Dom Pérignon, Château d’Yquem, Glenmorangie, Louis Vuitton ou Sephora.

En 2006, le groupe a enregistré un chiffre d’affaires de 15,3 milliards d’euros (+10%) et un bénéfice net de 1,87 milliard (+30%).

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