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A l’appel de Taizé, 40’000 jeunes prient à Genève

L'année dernière, elles et ils étaient déjà 40'000 à Zagreb. Keystone Archive

Venus de toute l'Europe, ils séjournent dans la ville et se retrouvent à Palexpo pour prier. Trentième du nom, la Rencontre de Taizé a lieu pour la première fois en Suisse, du 28 décembre au 1er janvier.

Depuis 1978, la communauté œcuménique installée en Bourgogne organise chaque fin d’année ce «pèlerinage de confiance sur la terre». Occasion de rencontre et de réflexion pour les jeunes qui y participent.

«Il y a si peu de lieux où les jeunes sont aidés pour trouver leur place dans les Eglises ou dans la société», avait coutume de dire Frère Roger, fondateur de Taizé et «inventeur» de cette Rencontre, dont la première s’est tenue à Paris en 1978.

«Au début, ils étaient 15 à 20’000, se souvient Frère Emile, responsable de la communication de Taizé. Mais maintenant, la moyenne est à 30 – 40’000. Et nous sommes même montés trois fois à 100’000.»

Impressionnant, pour un rendez-vous qui ne bénéficie d’aucun tapage médiatique. D’autant que les participants sont en majorité des 17-29 ans et qu’il y a donc eu au moins trois changements de génération depuis les débuts.

«Il y a une confiance qui a grandi entre la communauté de Taizé et les jeunes, explique Frère Emile. Et les jeunes entre eux parlent beaucoup de ce qu’ils vivent au cours de ces rencontres et de ce qu’ils vivent à Taizé, où entre mars et novembre, nous en accueillons chaque semaine entre 3 et 6000.»

Une inspiration pour Jean-Paul II

Un succès qui impressionne jusqu’au Vatican. En 1980 et 1982, Jean-Paul II invite Taizé à tenir ses Rencontres à Rome, où il met les basiliques et les universités pontificales à disposition des jeunes participants.

Et lorsqu’en 1986, il crée les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) – qui depuis se tiennent chaque année à Pâques -, le Pape ne cache pas que l’inspiration lui est venue en voyant les jeunes de Taizé. Il invite d’ailleurs Frère Roger et Mère Térésa de Calcutta à y donner les méditations pour le chemin de croix.

«Il y a bien sûr des jeunes qui participent aux deux rendez-vous, note Frère Emile. Mais la différence de Taizé, c’est que c’est œcuménique, avec les protestants et les orthodoxes en plus des catholiques.»

Sans oublier les non-chrétiens, qui viennent simplement avec un esprit d’ouverture, en se demandant «est-ce qu’il y a quelque chose pour moi dans la foi chrétienne?»

40’000 personnes en silence complet

Qu’il s’agisse de Taizé ou des JMJ, on compare parfois ces grands rassemblements à une sorte de «Paléo de la foi», en référence au plus grand festival de musique d’Europe, qui se tient chaque été sur les rives du Léman.

Si la comparaison ne fait pas bondir Frère Emile, il tient quand même à préciser une différence centrale: «au-delà de la belle rencontre entre peuples et entre cultures, il y a la prière, qui est au cœur même de ce moment. Quand on voit 40’000 personnes en silence complet, écoutant un texte biblique avant de chanter ensemble dans toutes les langues de l’Europe, ça coupe un peu le souffle».

Sur ces 40’000 participants, il aura fallu trouver un toit pour les 30’000 qui ne viennent pas de la région.

«Nous sommes à Genève sur invitation des Eglises protestantes et catholiques», tient à préciser Frère Emile, pour saluer l’accueil des paroisses et des familles.

Les jeunes sont logés de Genève à Montreux et Yverdon, et aussi un peu en France voisine. Les entreprises de transports publics ont offert des tarifs préférentiels, la Confédération des visas Schengen pour ceux qui viennent de l’Est (dont près de 9000 Polonais) et la direction de Palexpo ne facture que les frais directs, mais pas la location.

Résultat, une maxi-manifestation qui roule sur un mini-budget: moins de 3 millions de francs. Et les jeunes participants y vont aussi de leur poche, avec des tarifs allant de 70 euros pour les mieux nantis à 20 euros pour ceux qui viennent des pays les moins riches.

«Rendez à César…»

Au-delà de ces considérations matérielles, le menu propose prières et chants en commun, dans une des immenses halles de Palexpo, mais également rencontres, visites, ateliers et réflexion sur des sujets aussi bien spirituels que temporels.

«Quelle société voulons-nous construire? Comment être proche de ceux qui souffrent ? Nous débattrons de ces thèmes avec des spécialistes, qui ne sont pas là pour écraser les jeunes par leurs compétences, mais pour les stimuler, leur faire comprendre qu’eux aussi peuvent mettre la main à la pâte là où ils sont», explique Frère Emile.

Le chrétien «ne doit pas fuir les défis, mais accourir, avec tout l’élan qui vient de la foi», aimait à répéter le fondateur de Taizé pour combattre un certain défaitisme ambiant. Et ces défis sont aussi des questions de société «y compris les problèmes économiques, la paix ou le développement durable», conclut Frère Emile.

swissinfo, Marc-André Miserez

En 1940, le Vaudois Roger Schutz, 25 ans, quitte la Suisse pour acheter une maison délabrée en Bourgogne, dans le petit village de Taizé, alors proche de la ligne de démarcation entre la France occupée et la France libre. Son idée: fonder une communauté chrétienne et accueillir des réfugiés fuyant la guerre.

Au fil des ans, de nombreux jeunes commencent à venir à Taizé pour chercher une foi nouvelle, surtout après le grand chambardement de la fin des années 60. La communauté se tourne également vers l’Europe de l’Est, bien avant la chute du mur.

Aujourd’hui, Taizé compte une centaine de frères venus de quelque trente pays et appartenant à diverses confessions qui s’engagent au célibat et à la vie commune dans une grande simplicité. La communauté n’accepte pour elle-même aucun don. Les frères gagnent leur vie par leur travail: ils fabriquent des poteries qu’ils vendent dans une boutique.

Entre mars et novembre, Taizé accueille chaque semaine des milliers de personnes surtout des jeunes. Des hôtes illustres ont également fait le voyage, comme Vaclav Havel, Nelson Mandela ou Mère Térésa, et de nombreux dignitaires religieux, le Pape Jean-Paul II en tête.

Depuis 1978, Taizé organise chaque année autour du Nouvel-An sa Rencontre européenne des jeunes, à chaque fois dans une ville différente. Elle attire entre 30 et 40’000 personnes.

Frère Roger a été poignardé à mort le 16 août 2005 pendant la prière du soir, par une jeune déséquilibrée qui ne voulait apparement qu’attirer l’attention. Depuis, c’est Frère Aloïs qui est le prieur de Taizé.

Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, le Pape Benoît XVI, le Patriarche Bartholomée de Constantinople, le Patriarche Alexis II de Moscou, l’archevêque de Canterbury, Rowan Williams et le Président de la Commission européenne José Manuel Barroso ont tous adressé des messages de soutien à la communauté de Taizé et aux participants de la Rencontre de Genève.

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