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Uniforme scolaire: les Bâlois remettent ça!

L’impression de faire partie d’un ‘team’ ou la perte de son identité? Mischa Christen

L’école Leonhard de Bâle, qui a défrayé la chronique l’hiver dernier avec son uniforme scolaire, a relancé une expérience d’uniformisation de l’habillement.

Le costume est cette fois «light» et ne comprend qu’un t-shirt et un polo. Les avis sont contrastés.

Dans la classe d’allemand d’Ana Rigo, il faut regarder à deux fois avant de remarquer que les seize ados portent le même t-shirt. «Nous avons opté pour une version plus discrète que lors de la 1ère expérience, un t-shirt ou un polo», explique le directeur de l’établissement Fredi Bula, lui même vêtu du polo en question.

Car l’école Leonhard, qui avait déchaîné les passions l’hiver dernier avec son test d’uniformes, ne voulait pas rester sur son échec. «Il avait été très vite clair que nous ne poursuivrions pas avec l’uniforme complet au-delà des six mois prévus, mais aussi que nous retenterions quelque chose», rappelle Fredi Bula.

Alléger les budgets

Les objectifs de l’expérience sont inscrits dans une lettre que le directeur est en train de préparer pour les parents: il s’agit, entre autres, d’alléger le budget des familles, d’encourager le sentiment d’appartenance et le respect des autres.

Mené de septembre 2006 à mars 2007, le premier projet avait valu aux élèves «uniformisés» un questionnement incessant. «Les jeunes en avaient marre de devoir expliquer et se justifier, explique Fredi Bula. Mais nous avons aussi eu énormément de réactions positives des parents, qui avaient d’ailleurs tous donné leur accord.»

Ses premiers habits «à lui»

Fredi Bula se souvient de ce jeune de 15 ans qui lui avait soufflé que c’était la première fois qu’il avait des habits à lui, jamais portés auparavant. Si le premier costume – quatorze pièces de couleur différentes – revenait à 730 francs, grandement offerts par des sponsors, la nouvelle mouture coûte 16 francs (t-shirt) ou 28 francs (polo).

Les avis sont néanmoins partagés. «On n’a plus besoin de bluffer, on est tous pareils», dit Joël. «Comme une équipe», renchérit Adis, très enthousiaste.

«Ce n’est pas si grave que les gens voient où on étudie», souligne Ufuk, en référence au logo portant le lion Leo, petit nom de l’école, imprimé sur fond bleu marine.

Ah, la couleur, voilà quelque chose qui ne plaît pas à Maseda. «Il faudrait pouvoir avoir le choix», dit-elle, pensant en outre que «n’avoir qu’un pull semblable ne sert à rien, puisque cela ne nous empêche pas d’acheter des accessoires ou des chaussures.»

Marilena de son côté pense que ce serait mieux si les quinze classes de l’école, un établissement qui prépare les ados à un apprentissage, participaient.

Observation bienveillante

«Toute l’école, peut-être pas, mais sûrement trois classes supplémentaires après les vacances d’automne, explique Fredi Bula. Des filles de ces classes sont venues spontanément acheter des t-shirts la semaine passée!»

L’école souhaite que les classes qui s’engagent à porter le t-shirt et le polo le fassent pour le reste de l’année scolaire, voire deux ans pour les élèves de 8e année.

Il serait ainsi possible de comparer les résultats scolaires. Des études allemandes montrent que l’uniforme améliorerait les performances.

Au Département de l’instruction publique de Bâle-Ville, on suit l’expérience d’un bon œil, «tant qu’aucune obligation n’est de mise, ce qui nécessiterait une base légale», précise le responsable de l’école obligatoire Pierre Felder.

«En revanche, précise le responsable, nous ne participons pas au financement de l’expérience: nos moyens doivent aller à l’enseignement.» L’école Leonhard a ainsi avancé de sa poche les quelque 3000 francs que coûtent les t-shirts, couverts peu à peu par les achats des parents.

Pas de projet en Suisse romande

Le premier test avait aussi suscité des réactions politiques dans plusieurs cantons, dont Vaud et Genève, avec discussions dans les parlements cantonaux, mais sans suites, du moins jusqu’ici.

«Nous n’avons connaissance d’aucun projet», confirme le président du Syndicat des enseignants romands (SER) Georges Pasquier, qui estime que l’uniforme est une «fausse bonne idée pour que les jeunes se sentent partie prenante d’une institution».

En outre, ajoute l’enseignant, «il n’est pas sûr qu’une telle mesure permette d’enrayer la tyrannie des marques…» Les jeunes de l’école Leonhard, qui ont presque tous des chaussures à logo, ne diront vraisemblablement pas le contraire.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann à Bâle

Le premier projet d’uniforme, mené entre septembre 2006 et mars 2007 à l’école Leonhard de Bâle, avait été suscité par une organisation de prévention de l’endettement, la Fondation bâloise PlusMinus.

L’école Leonhard avait pris la balle au bond sans se douter du déchaînement médiatique qu’elle susciterait.

Excepté quelques établissements privés et huppés, la Suisse ne connaît aucune tradition d’uniforme scolaire.

L’école avait choisi une styliste bâloise pour dessiner une ligne de 14 pièces d’habillement en plusieurs couleurs. Le tout coûtait plus de 700 francs, largement sponsorisés.

Le débat était lancé: l’uniforme peut-il enrayer la course effrénée à la consommation, permettre de résister à la pression du «look» causant parfois des agressions entre jeunes et résoudre, du même coup, le problème de tenues parfois trop légères?

Après les six mois prévus, les élèves de l’école Leonhard, excédés par les questions dont ils faisaient l’objet, n’avaient cependant plus voulu de leur uniforme.

Une étudiante en psychologie de l’Université de Bâle a réalisé un accompagnement scientifique de l’expérience, mais la faculté a décidé de ne pas publier les résultats. L’une des raisons invoquées était la trop grande brièveté de l’expérience.

Depuis la rentrée d’août, deux nouvelles classes de cette même école Leonhard participent à une nouvelle expérience.

L’«uniforme» se compose d’un seul un t-shirt (16 francs) ou d’un polo (28 francs).

Les autres classes peuvent s’annoncer jusqu’aux vacances d’automne pour dire si elles participent ou non à la nouvelle expérience.

La direction souhaite que le test soit mené si possible sur deux ans avec les mêmes élèves. Elle décidera «vers Noël» de la suite à donner à l’opération.

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