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Andre Agassi, enfant de la balle

La comédienne Marie Rémond (à droite) incarne "André". Mario Del Curto

La star du tennis est incarnée au Théâtre de Vidy-Lausanne par Marie Rémond. Une comédienne fine et frêle pour un athlète. Le spectacle intitulé «André» joue sur les contradictions d’un champion. Dramatique et comique.

Ah, Agassi! On pourrait en parler pendant des heures: sa perruque blonde, ses cheveux de filasse, son short en jeans, ses T-shirt fluo qu’il porte superposés… Tout est là dans cette allure punky que le public reconnaît d’emblée. Le public de théâtre faut-il ajouter, car ce soir-là le court de tennis est une scène. Agassi est un personnage de tréteaux, un enfant de la balle voudrait-on dire en osant un jeu de mot qui place le tennisman des deux côtés du filet.

Palper la douleur

D’un côté, l’homme aux qualités d’acteur innées, de l’autre, le champion au coup droit assassin. Double rôle qu’Agassi endosse tantôt dans la douleur, tantôt dans la joie. De cette joie-là, on verra peu de choses, la presse people s’en est largement chargée jusqu’ici, étalant sur papier verglacé la vie luxueuse et glamour du «Kid de Las Vegas».

C’est donc la douleur que l’on palpera plutôt, celle des doutes, des questionnements et des angoisses. La douleur du corps aussi qu’endure la star mondiale du tennis, ici incarnée par une jeune femme fine et frêle qui répond au nom de Marie Rémond.

Tout sauf une athlète, Marie Rémond. Elle joue Andre. Et «André» est le titre qu’elle donne à son spectacle. Son pari: montrer l’envers du décor, la fragilité du «kid» qui inspira l’amour du tennis à tous les kids du monde, alors que lui-même détestait ce sport. C’est du moins ce qu’il prétend dans son livre «Open», une autobiographie parue en 2009, dans laquelle Agassi se livre à des confidences et raconte, entre autres, les peines d’une vie de champion.

S’inspirant de «Open», Marie Rémond a monté son spectacle avec la collaboration de deux comédiens, Sébastien Pouderoux et Clément Bresson. Le premier joue Phil, le frère d’Andre, lui aussi tennisman. Le deuxième campe deux personnages: Nick Bollettieri, le célèbre professeur et coach d’Agassi, et Mike le père du héros. Ou plutôt de l’anti héros, tant le «kid» semble souffrir ici de l’autorité écrasante de l’un et de l’autre.

La tyrannie des pères

On croit les grands hommes incassables, mais ils sont bousculés par leurs démons. Ces démons s’appellent parfois papa. Papa Mozart effrayait Wolfgang Amadeus, et papa Kafka tyrannisait Franz. Cela n’a pas empêché leurs enfants de devenir des génies.

Toute proportion gardée, Andre est lui aussi un génie. Il faut croire que l’autorité a quelque chose de bon. Elle vous oblige en tout cas à vous surpasser. Andre court après la balle. Et après la vie. C’est un sprinter, il vous essouffle. Le spectacle aligne les chiffres. A 6 ans déjà, le «kid» renvoie un million de balles par année, 2500 par jour. Son père lui a inventé une machine à relancer la pelote jaune. Lui-même en est une, une machine programmée pour la gloire.

Alors forcément, il étouffe. Des envies de fuite le prennent. Tout lâcher et traverser la pampa sur un cheval. «Je n’arrive pas à m’imaginer hors du court, ni à l’intérieur du court», dit le jeune homme au regard songeur. Hésitations. Sa vie fonctionne en dents de scie. Ascension et chutes. Sur les courts comme en amour. S’il épouse la sulfureuse Brook Shields, c’est par arrangement, car son cœur penche depuis toujours du côté de Steffi Graf. Aujourd’hui, elle est sa femme.

Vie dramatique, allure comique

On imagine mal un champion comme Roger Federer faire l’objet d’un spectacle. Il a beau être une star, le Bâlois n’en reste pas moins lisse. Trop poli, trop élégant. Il fallait une fêlure, celle qui fabrique un personnage de théâtre. Dire qu’Andre est fêlé n’est pas exagéré. Sa vie est dramatique, son allure comique. C’est ce que dit le spectacle.

Marie Rémond précise: «Je n’ai pas adapté à la scène ‘Open’, car on ne m’en a pas accordé les droits. Le livre m’a néanmoins servi d’outil de travail pour écrire les dialogues et entrer dans la peau d’un athlète fascinant».

La pièce est à découvrir au Théâtre de Vidy-Lausanne jusqu’au 27 novembre.

Né en 1970, à Las Vegas (Etats-Unis).

Pratiquant le tennis depuis l’enfance, il devient professionnel en 1986, à 16 ans.

En arrivant sur le circuit, il bouscule les traditions et gagne le surnom de «Kid de Las Vegas».

En 1990, à Roland Garros, il accède à la première des dix-neuf finales qu’il disputera en Grand Chelem.

Il gagne la première à Wimbledon, en 1991, puis à l’US Open, en 1994. C’est ensuite le tour de l’Open d’Australie, qui lui offrira 8 titres.

En avril 1995, il est pour la première fois couronné numéro 1 mondial et le reste sept mois.

Il devient un champion complet en remportant les Masters et en devenant médaillé d’or aux JO d’Atlanta, en 1996.

Marié à Brook Shields, il fait alors la Une des magazines mais perd son tennis et tombe au 141e rang mondial.

En 1999, c’est la transformation. Partageant la vie de Steffi Graf, il privilégie sa préparation physique et remonte la pente. Il surfe sur les sommets du classement ATP jusqu’en 2003 où il retrouve sa place de numéro 1.

Les saisons suivantes sont marquées par des blessures l’obligeant en 2006, à 36 ans, à mettre un terme à sa carrière.

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