
Ce corps d’athlète témoin de l’histoire

Au Musée olympique de Lausanne, une exposition de photographies et de films retrace la mise en scène du corps sportif.
Mais, au-delà, cette exhibition démontre comment, au travers du corps, peut être lue l’évolution culturelle d’une société.
C’est une exposition de photographies, de films et d’affiches sur le corps représentant l’époque 1896 à 1940, au cours de laquelle se sont construits tous nos modèles corporels de beauté et de santé.
Gianni Haver, docteur ès sciences politiques, mais avec une formation d’historien, enseigne l’histoire du sport dans les universités de Lausanne et Genève. Il est l’un des cocréateurs de cette exposition.
Au service des dictatures
Le premier chapitre montre comment les canons de la beauté du corps sont repêchés dans l’antiquité classique, avec des références helléniques. C’est aussi un retour à la nature en réaction à l’industrialisation.
La deuxième thématique décline comment le sport peut servir les Etats. Puisqu’il faut en convenir, le sport n’a jamais été apolitique. Tout phénomène de société est forcément politique.
Ainsi, dans l’entre-deux-guerres, les différents régimes politiques, tels le nazisme ou le fascisme, ont adopté une prise de position de plus en plus importante face au phénomène sportif.
Corps de femme libérée?
Le troisième volet évoque le corps féminin, entre force et grâce. Il met en évidence l’insertion de la femme dans la société.
Une intégration qui se fait avec les craintes d’une émancipation féminine et, à la fois, sur des logiques qui sont de replacer la femme dans le rôle qu’il lui avait toujours été dévolu dans la société patriarcale.
On fait ainsi faire de la gymnastique aux femmes pour qu’elles aient de plus beaux enfants.
Et, dans le même temps, apparaît le nouveau personnage de la femme à vélo, qui met des pantalons et qui peut conduire un véhicule toute seule.
Enfin, le quatrième chapitre parle du regard des médias sur le sport. Et des stéréotypes internationaux qui en découlent. De par le fait que le sport est fixé, reproduit et amplifié par les médias.
Il s’agit donc de la vision du corps que proposent les médias, par le biais des différentes activités ou disciplines sportives.
Sport indicateur d’une société
A vrai dire, le but de cette exposition est de montrer que l’histoire du sport peut être perçue autrement qu’aux travers d’une liste de performances et de records, autrement qu’au travers d’athlètes célèbres ou d’événements importants, tels les Jeux olympiques.
En définitive, le dessein de cette exposition est bien plutôt de démontrer comment et combien l’histoire du sport révèle les aspirations et les tensions qui agitent une société. Dans le cas précis, entre le 19e et le 20e siècle. Période qui a vu notamment l’avènement de l’industrialisation.
Et, inversement, comment toutes les aspirations et tensions d’un type de société se retrouvent dans l’actualité sportive. Jusqu’à nos jours.
Oui, le corps est bel et bien un objet culturel, qui change en fonction de l’évolution de la société qui le regarde. Et cela, en dépit de son simple aspect purement biologique.
swissinfo/Emmanuel Manzi

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