Fabian Cancellara, l’or, l’argent et le record de l’heure
Sacré champion du monde du contre-la-montre il y a près de deux mois au Tessin, Fabian Cancellara s'est accordé une longue pause avant de reprendre le chemin du bitume. L'occasion pour le cycliste bernois d'évoquer ses prochains objectifs. Interview.
Vous échangeriez bien du bronze contre de l’argent? Fabian Cancellara ne dit pas non, même si les circonstances ne sont pas forcément glorieuses. Flash-back. Aux JO de Pékin, en 2008, «Spartacus» réussit un incroyable retour lors de la course en ligne pour décrocher une médaille de bronze, quelques jours avant d’être sacré champion olympique du contre-la-montre.
Et bien, c’est finalement la médaille d’argent qui devrait trôner dans la vitrine de souvenirs du champion bernois de 28 ans, puisque l’Italien Davide Rebellin, 2e à l’époque des faits, vient de se voir déclassé par le Comité olympique italien pour dopage à l’EPO.
Fabian Cancellara s’exprime sur ce sujet toujours brûlant du dopage, mais aussi sur ses prochains défis et sa volonté annoncée de battre le record de l’heure. Il évoque également sa préparation pour la saison prochaine. Confidences.
swissinfo.ch: Est-ce que nous sommes à la période de l’année où Fabian Cancellara s’asseye sur un canapé, grignote devant la télé et prend des kilos?
Fabian Cancellara: En fait, je ne m’asseye jamais sur un canapé, je me couche dessus. Mais à vrai dire, je n’ai pas vraiment de temps pour ce genre d’activité ou plutôt d’inactivité. Je suis toute la saison sur mon vélo et à côté, j’ai une famille et des responsabilités qui vont au-delà de simplement appuyer sur une pédale. Ca fait partie du jeu de trouver un certain équilibre. Je sais quand il est temps de me concentrer sur un objectif et quand c’est le moment d’arrêter. Voilà cinq semaines que je ne suis pas monté sur un vélo de course.
swissinfo.ch: Dans combien de temps allez-vous reprendre l’entraînement?
F.C.: J’ai déjà recommencé la course à pied, la musculation et la pratique du vélo tout terrain. Aujourd’hui, j’ai ressorti mon vélo de route pour la première fois. C’est vraiment dur au début. Le plus important, c’est de commencer une nouvelle saison quand vous ressentez le feu intérieur. Quand c’est le cas, c’est très facile de sortir le vélo du garage, même par mauvais temps. Actuellement, le feu n’est pas assez fort pour faire démarrer la fusée.
swissinfo.ch: Par quelle course allez-vous débuter la saison 2010?
F.C.: Comme chaque année, je suis focalisé sur les courses du printemps, mais je ne sais pas encore quel chemin je vais emprunter jusque-là. Je n’ai pas encore étudié le programme de la saison. Je vais sans aucun doute participer à quelques courses dans l’hémisphère sud avant les classiques du printemps comme Milan-San Remo ou Paris-Roubaix. Mais la masse de travail à accomplir sera énorme avant cela. L’année passée, le début de saison a été très compliqué. Je suis tombé malade, j’ai chuté, j’ai eu de la peine à retrouver la forme et j’ai connu des pépins techniques. Tous ces éléments m’ont retardé. C’est assez facile de retrouver la forme physique, mais c’est plus compliqué sur le plan mental.
swissinfo.ch: Vous avez annoncé vouloir vous attaquer au record de l’heure. Certains affirment que vous êtes capable de dépasser la barrière des 50 kilomètres (ndlr: le record est actuellement à 49,7km). Et vous?
F.C.: J’ai entendu tellement de choses à ce sujet. Oui, c’est effectivement l’un de mes objectifs, mais pas dans l’immédiat. Il faut un programme d’entraînement très spécifique pour se lancer dans cette aventure et je ne me sens pas prêt pour cela. Quand et où je vais tenter de battre ce record dépend encore de nombreux paramètres.
swissinfo.ch: On vient tout juste de vous annoncer que votre médaille de bronze à Pékin s’était transformée en de l’argent. Cela vous ravit-il?
F.C.: Si cette annonce est confirmée de manière officielle, je serai sans aucun doute heureux. Les émotions sont toutefois plus importantes que la médaille. Monter sur un podium du Tour de France ou gagner les Championnats du monde à domicile, c’est le pied. Pour moi, cette médaille de bronze valait déjà de l’or.
swissinfo.ch: Comment vous sentez-vous en tant que cycliste professionnel quand vous apprenez que certains trichent?
F.C.: Ce n’est pas correct car tout le monde travaille très dur et donne le meilleur de lui-même. Mais c’est comme dans la vie de tous les jours: il y a toujours des gens qui trichent. Il faut savoir être honnête avec soi-même et heureux de ce qu’on accomplit. Je pense qu’il vaut mieux tout arrêter plutôt que de tricher. Tricher est la chose la plus déloyale que vous puissiez faire subir à vos adversaires.
swissinfo.ch: N’avez-vous jamais été tenté? Si les gens autour de vous sont dopés, n’est-ce pas difficile de résister?
F.C.: Je sais que la tâche n’est pas aisée mais je tente de donner le meilleur de moi-même afin de mettre en avant le côté positif du cyclisme. Le cyclisme est sur la bonne voie. Les contrôles sont très nombreux et le système fonctionne bien. Je suis conscient d’être une personnalité qui doit montrer l’exemple. Que ce soit à la maison, au shopping, où dans n’importe quel endroit, les regards sont toujours portés sur moi et je dois donc me comporter en conséquence.
swissinfo.ch: J’ai une fois lu que Lance Armstrong avait un cœur inhabituellement grand qui lui permettait d’amener davantage de sang vers ses muscles. Avez-vous également des aptitudes physiologiques hors du commun?
F.C.: J’ai effectivement des grands poumons et une musculature bien développée. Mais ce qui compte avant tout, c’est la volonté. Tout le monde possède des talents pour devenir cycliste. Mais sans cette volonté, le talent sert-il à quelque chose ? Je ne crois pas. Demandez aux coureurs quels sont leurs objectifs ou pourquoi ils enfourchent leur bicyclette. Pour ma part, je fais du vélo parce que je veux gagner.
Tim Neville, swissinfo.ch
(Adaptation de l’anglais: Samuel Jaberg)
L’entraînement hivernal: «Je me rendrai à Fuerteventura, dans les Canaries, pour m’entraîner au chaud. Mais il faudra que je sois déjà affûté avant ce camp».
La prochaine course qu’il aimerait gagner: «Le Tour des Flandres. Mais pour l’instant, je ne peux vraiment pas dire que je veux gagner ça ou ça. Il me faut un peu de temps».
Le bronze qui se transforme en argent: «C’est sorti dans les médias mais rien n’est encore officiel. Il faudra encore du temps avant d’obtenir la confirmation».
L’importance du mental: «Il y a les jambes, le moteur et le cerveau. Sans utiliser la tête, vous ne pouvez pas tourner les pédales. Vous ne serez jamais un bon coureur sans objectif précis».
Le fait d’être un grimpeur moyen: «Je ne peux pas faire beaucoup mieux. Il faudrait que je développe davantage mes capacités dans ce domaine, mais il n’est pas possible de tout avoir. Je suis satisfait de ce que j’ai accompli, grimper ne sera jamais mon atout principal».
Spartacus. Fabian Cancellara est né à Wohlen près de Berne en 1981. Son surnom dans le milieu du cyclisme est «Spartacus». Champion du monde junior du contre-la-montre, l’ancien apprenti-électricien passe professionnel en 2001 en intégrant l’équipe Mapei. Entre 2003 et 2005, il court pour le team Fassa Bortolo et rejoint l’équipe CSC en 2006, reprise par le sponsor danois Saxo Bank en 2009.
Palmarès. En 2006, il remporte Parix-Roubaix, la classique des classiques, puis Milan-San Remo deux ans plus tard. Champion du monde du contre-la-montre 2006, 2007 et 2009, il a également remporté plusieurs étapes du Tour de France, compétition dont il a porté le maillot jaune sept jours durant en 2007.
Pékin. En 2008, Fabian Cancellara est sacré champion olympique du contre-la-montre à Pékin. Il remporte également le bronze de la course en ligne au prix d’une folle remontée dans les derniers kilomètres.
2009. Cette année, il a remporté le Tour de Suisse au mois de juin. Vainqueur du prologue du Tour de France à Monaco, il porte le maillot jaune durant 6 jours. Il récidive au Tour d’Espagne, avec des victoires lors du prologue et de la 6e étape. Il décroche un 3e titre de champion du monde le 24 septembre 2009 à Mendrisio, au Tessin.
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