L’affaire Thomson passe par la Suisse
La justice française vient d'envoyer en Suisse une commission rogatoire concernant l'affaire Thomson. Lors de la vente de frégates à Taïwan, l'entreprise française aurait versé 3 milliards de francs français de commissions sur des comptes en Suisse.
La justice française vient d’envoyer en Suisse une commission rogatoire concernant l’affaire Thomson. Lors de la vente de frégates à Taiwan, l’entreprise française aurait versé 3 milliards de francs français de commissions sur des comptes en Suisse.
Depuis trois ans, Eva Joly et Laurence Vichnievsky, deux juges parisiennnes, épluchent le tentaculaire dossier Elf. En trois ans, Alfred Sirven, le numéro deux de la compagnie pétrolière, aurait détourné 1,5 milliard de francs français. Domicilié à Genève, l’homme, actuellement en fuite, est également intervenu en 1990 dans la vente de six frégates, construites par Thomson CSF, à Taïwan. Un marché de 14,6 milliards de francs français.
Seulement voilà, la Chine populaire voit d’un très mauvais œil la vente de bateaux de guerre à la Chine nationaliste. Alfred Sirven propose à Thomson de mettre les réseaux asiatiques d’Elf à son service. En d’autres termes, Edmond Kwan, un intermédiaire d’origine chinoise, se chargerait d’adoucir le courroux de Pékin. En d’autres termes, il s’agit de distribuer des pots-de-vin.
Comme Alfred Sirven ne souhaite pas apparaître directement dans cette opération, il demande à une petite société suisse, Frontier AG Bern, domiciliée à Berne, de servir d’intermédiaire. Spécialisée jusqu’alors dans la vente de lait de Suisse à Singapour, Frontier AG Bern, présidée par Edgar Hans Brunner, un juriste à la retraite, signe donc un contrat avec Thomson CSF le 19 juillet 1990.
Malgré la vente des six frégates l’année suivante, la société suisse, aujourd’hui en liquidation, n’a jamais touché le moindre sou. En revanche, trois milliards de francs français de commissions ont bien été versés, comme l’a révélé Roland Dumas, l’ancien ministre français des Affaires étrangères. Et pas seulement pour amadouer les Chinois.
Les investigations françaises laissent penser que les dessous-de-table ont transité par la Suisse. Le juge genevois Paul Perraudin, qui a déjà exécuté quarante-cinq commissions rogatoires dans le cadre de l’affaire Elf, vient donc recevoir sa première demande d’entraide dans le dossier Thomson. Ce ne sera certainement pas la dernière.
Ian Hamel
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