
Le trafic des enfants, un business juteux
Des millions de mineurs sont déportés chaque année à travers le monde et exploités par des réseaux mafieux. L'Europe n'est pas épargnée.
Terre des hommes exige un renforcement des mesures de lutte internationales.
Le trafic des mineurs toucherait quelque 30 millions d’enfants. Ces chiffres ont été avancés par Kofi Anann, secrétaire général des Nations unies, lors du Sommet mondial des enfants qui s’est tenu en mai 2002 à New York.
Chaque année, des millions de mineurs sont ainsi déportés d’un pays à l’autre pour travailler. Ou pire encore, pour être prostitués ou vendus dans le cadre de trafic d’organes.
Et, à en croire de nombreuses organisations non gouvernementales, le phénomène ne serait plus circonscrit aux pays du Sud.
Il s’étendrait désormais à l’Europe par le biais de l’adoption, de la prostitution ou de la participation des mineurs aux trafics de drogue ou à la mendicité.
Une enquête menée par de Terre des hommes a mis en évidence que des réseaux mafieux forceraient des milliers d’enfants albanais à mendier en Grèce. Ces jeunes, pour la plupart de minorité ethnique Rom, auraient entre quatre et quinze ans.
Réseaux mafieux
«Les trafiquants sont le plus souvent organisés en réseau», affirme Bernard Boëton, responsable du secteur ‘Droit de l’enfant’ de Terre des hommes.
«Ils utilisent les gosses comme une matière première leur permettant de générer des revenus qui sont ensuite réinvestis dans d’autres trafics», poursuit Bernard Boëton.
La traite n’est pas nécessairement liée à des conflits armés. «Elle relève toujours plus souvent d’intérêts économiques», précise encore Bernard Boëton.
Et, à en croire l’organisation humanitaire, les réseaux criminels s’organisent en fonction des vides juridiques internationaux.
Raison pour laquelle, depuis 1998, Terre des hommes œuvre pour que la criminalité organisée envers les enfants soit reconnue au titre de crime contre l’humanité.
Crime contre l’humanité
Une notion qui, contrairement aux idées reçues, n’est nullement réservée aux situations de conflit.
«La notion de crime contre l’humanité est bien apparue pour la première fois dans le statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg en tant que notion proprement juridique», explique Pierre Zwahlen, responsable de la communication de Terre des hommes.
«Mais, aujourd’hui, le crime contre l’humanité fait partie des concepts fondamentaux du droit. Il représente même l’un des fondements de la Cour Pénale Internationale».
Et de poursuivre, «d’ailleurs, le Conseil de sécurité des Nations unies a qualifié l’apartheid de crime contre l’humanité en Afrique du Sud».
«Et, en Argentine, le général Videla a été condamné au même titre pour la disparition de 520 enfants d’opposants emprisonnés. Des enfants qui ont ensuite été adoptés par des militaires argentins».
Autrement dit, rien n’empêche les autorités juridiques internationales d’élargir la notion de crime contre l’humanité aux sévices infligés aux mineurs.
«Pour ce faire, il suffirait d’admettre que la criminalité organisée à l’égard des enfants n’autorise aucune protection et que les auteurs ne doivent plus avoir la moindre chance d’échapper aux sanctions en passant les frontières», conclut Pierre Zwahlen.
swissinfo/Vanda Janka
Exigences de Terre des hommes:
Le trafic d’enfants doit être officiellement reconnu comme un crime
Les gouvernements doivent ratifier et appliquer rigoureusement les conventions internationales pour la protection des enfants
Police et justice ne doivent pas poursuivre comme des criminels les mineurs qui ont été contraints à des activités illégales
Les victimes doivent être protégées contre l’expulsion et bénéficier de l’assistance d’un avocat
Les États doivent créer aux niveaux national et international des centres d’enregistrement pour enfants disparus.
Les enfants victimes du trafic doivent obtenir des indemnisations pour la souffrance endurée.
Les autorités doivent leur garantir un retour sûr dans leur pays

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