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Possible percée dans la crise entre la Suisse et la Libye

La décision du procureur général de Genève Daniel Zappelli est attendue mercredi. Keystone

Les deux domestiques du couple Kadhafi ont retiré leur plainte pour maltraitance et le procureur général de Genève doit décider mercredi des suites à donner. L'abandon des poursuites est une condition posée par la Libye pour mettre fin à la crise ouverte avec la Suisse.

Les plaignants ont été «correctement indemnisés, ils sont reconnus comme victimes et leurs souffrances ont été prises en compte», se félicite leur avocat genevois Me François Membrez. Ils ont obtenu également un permis de séjour en Suisse «à titre humanitaire».

La plainte a été retirée «en fin de semaine dernière», précise le juge d’instruction chargé du dossier, Michel Graber, qui a personnellement entendu les deux anciens domestiques pour s’assurer qu’ils prenaient cette décision «de manière libre et réfléchie».

Me Paul Gully-Hart, l’un des avocats du couple Kadhafi, se refuse à tout commentaire. Un autre défenseur de la famille, Me Alain Berger, se félicite pour sa part de ce dénouement.

Un demi-million

Hannibal Kadhafi et son épouse Aline – qui nient les accusations de leurs deux domestiques – avaient été arrêtés le 15 juillet dans un hôtel de Genève. Le couple avait été libéré après deux jours de détention et le versement d’une caution d’un demi-million de francs suisses.

Une crise s’était ensuite ouverte avec Tripoli, qui exigeait des «excuses» et l’arrêt des poursuites.

En mesure de représailles, deux citoyens suisses avaient été arrêtés à Tripoli. Libérés après une dizaine de jours, il leur est interdit de quitter le territoire libyen. Les bureaux du groupe d’ingénierie helvético-suédois ABB et du groupe agro-alimentaire suisse Nestlé avaient aussi été fermés.

En revanche, la menace un moment brandie de cesser les livraisons de pétrole à destination de la Suisse n’avait pas été mise à exécution.

Les diplomates suisses qui avaient entrepris de renouer le dialogue avec Tripoli ont été obligés de préciser à leurs interlocuteurs libyens les réalités de la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice.

Le procureur général de Genève Daniel Zappelli avait en effet exclu «tout classement du dossier pour motifs politiques»: seul un retrait de la plainte rendait possible un arrêt de la procédure, avait-il averti.

Le DFAE prend acte

Le Département fédéral des Affaires étrangères a indiqué à swissinfo avoir «pris acte du retrait de la plainte». Son porte-parole Lars Knuchel précise aussi que «l’affaire est traitée par les autorités judiciaires genevoises».

Le DFAE se refuse à tout autre commentaire, notamment sur les incidences que cette décision aura sur la crise diplomatique qui a découlé de l’arrestation du couple Kadhafi.

Le dossier doit être transmis mercredi au procureur général de Genève Daniel Zappelli. C’est à lui que revient la décision du classement ou de la poursuite de la procédure.

Daniel Zappelli prendra sa décision le jour même, en tenant compte des nouveaux éléments transmis par le juge d’instruction, et la communiquera aussitôt, précise Jean-Paul Ros, greffier de juridiction au Parquet.

Les pourparlers pour un retrait de la plainte achoppaient jusqu’à présent sur ce que l’avocat des plaignants a qualifié de «prises d’otages». La mère du domestique marocain avait en effet été arrêtée en Libye, puis finalement libérée et autorisée à rentrer au Maroc.

L’ONU à la rescousse

En revanche, selon Me Membrez, le plaignant marocain est «toujours sans nouvelles» de son frère, disparu en Libye.

A son sujet, les deux anciens domestiques ont finalement «choisi de s’en remettre aux Nations Unies, représentées par le Haut commissariat aux droits de l’Homme à Genève, devant lequel une procédure en disparition forcée a été initiée», a indiqué l’avocat.

swissinfo et les agences

Hannibal et Aline Kadhafi sont poursuivis pour lésions corporelles simples, menaces et contrainte.

Les deux premières accusations sont poursuivies sur plainte, la troisième l’est d’office.

Mais selon le juge d’instruction Michel-Alexandre Graber, il est juridiquement possible de considérer les trois inculpations comme un tout.

15 – 17 juillet: Hannibal Kadhafi et sa femme Aline sont arrêtés, puis relâchés à Genève.

19 juillet: Deux ressortissants suisses sont arrêtés en Libye. Tripoli leur reproche des infractions des dispositions sur l’immigration et le séjour.

22 juillet: La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey proteste de ces mesures lors d’un entretien téléphonique avec son homologue libyen.

23 juillet: La Libye menace la Suisse de stopper ses livraisons de pétrole brut. Berne met en place une taskforce et envoie une délégation diplomatique en Libye.

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) déconseille aux citoyens suisses de se rendre en Libye.

25 juillet: La délégation diplomatique est de retour en Suisse. La France et l’Italie proposent une médiation.

26 juillet: La Libye exige des excuses de la Suisse pour l’arrestation d’Hannibal Kadhafi et de sa femme et l’interruption des poursuites à leur encontre.

29 juillet – 2 août: une délégation suisse se rend en Libye pour de nouveaux entretiens.

13 août: Le procureur général de Genève Daniel Zappelli exclut de classer pour des motifs politiques la procédure pénale ouverte contre les Kadhafi.

13 – 16 août: Une délégation libyenne de haut rang se rend en Suisse pour des entretiens avec des responsables du DFAE.

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