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Pas vraiment d’empressement du côté de l’Espagne

Pour le ministre espagnol des Finances Cristóbal Montoro, l'amnistie fiscale "en valait la peine". Keystone

L’Espagne a cruellement besoin d’argent. Une récente amnistie fiscale ne lui a rapporté qu’un peu plus d’un milliard d’euros. Un accord Rubik avec la Suisse serait donc le bienvenu pour renflouer les caisses. Pour autant, Madrid ne montre guère d’empressement.

L’Espagne a mis un point final à son amnistie fiscale 2012 à la fin du mois de novembre. Le bilan est l’exemple parfait du verre à moitié plein… ou à moitié vide. Le fisc espagnol souhaitait rapatrier entre juin et novembre l’équivalent de 2,5 milliards d’euros (3 milliards de francs) cachés par les contribuables à l’étranger. Mais le résultat est plus mitigé: la moitié seulement (1,1 milliard d’euros) est revenue en Espagne.

Florian Chatagny, chercheur en finances publiques auprès du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l’Ecole polytechnique de Zurich, énumère les raisons expliquant ce résultat mitigé, malgré un taux d’imposition de seulement 10% sur les fonds déclarés et l’absence de sanctions supplémentaires et de poursuites pénales.

En premier lieu, la loi d’amnistie n’englobait pas la TVA. Du coup, les contribuables désirant régulariser leur situation pourraient malgré tout se voir poursuivis pour ne pas avoir payé la TVA.

Ensuite, l’administration fiscale espagnole n’emploie que 21,9% de son personnel à des tâches de contrôle et d’enquête, contre 65% en Allemagne, par exemple. Les contribuables considèrent donc qu’ils ont peu de risques d’être contrôlés.

Enfin, le gouvernement a annoncé une augmentation de la charge fiscale sur les personnes morales et physiques. Cela n’incite pas les contribuables à déclarer des fonds cachés, étant donné qu’ils devront payer encore davantage par la suite, estime l’expert.

Cependant, pour le ministre des Finances, Cristóbal Montoro, «l’amnistie en valait la peine». Un total de 31’000 contribuables se sont annoncés volontairement auprès des autorités pour régulariser des avoirs, représentant en moyenne 37’800 euros par tête.

Solution avantageuse

L’Espagne a besoin de consolider ses finances si elle veut s’assurer que, comme l’a promis le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, 2013 serait la dernière année de récession.

Pour Florian Chatagny, la conclusion d’un accord Rubik avec la Suisse pourrait être une solution avantageuse pour l’Espagne. «Cela fournirait au gouvernement espagnol des recettes fiscales additionnelles en peu de temps. Surtout en considérant que l’échange d’informations avec des pays comme la Suisse, l’Autriche ou le Luxembourg est pour l’heure assez improbable», explique le chercheur.

D’un autre côté, «à la différence d’une amnistie fiscale, qui représente un remède unique, le système Rubik générerait des flux permanents de recettes fiscales pour le gouvernement espagnol. Autre avantage: les coûts administratifs d’un accord Rubik sont assumés presque totalement par les banques», poursuit Florian Chatagny.

Seulement des discussions

Porte-parole du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI), Mario Tuor avait confirmé en juin à swissinfo.ch que l’Espagne «avait manifesté son intérêt pour en savoir plus sur le modèle que la Suisse applique en matière d’impôt libératoire».

«Les accords concernant un impôt libératoire à la source permettent de taxer tous les contribuables qui ont des comptes en Suisse et d’appliquer le principe selon lequel le pays d’origine prélève des impôts sur les revenus de ses citoyens. Mais dans le même temps, il permet de préserver la sphère privée des clients, car c’est à eux qu’il revient de décider s’ils veulent payer cet impôt de manière anonyme ou déclarer leurs comptes à leurs autorités fiscales», explique-t-il.

Mais le porte-parole indique qu’il n’y a pas eu d’avancée dans le dossier depuis juin. «Nous avons échangé des informations sur notre modèle d’imposition à la source, mais il n’y a pas de négociations concrètes.»

Des sources ministérielles madrilènes ont confirmé à swissinfo.ch qu’«il n’y a pas eu, au cours des derniers mois, de discussions pour développer un accord de type Rubik entre la Suisse et l’Espagne».

Pas de prolongation

Ces mêmes sources excluent par ailleurs la possibilité de prolonger l’amnistie fiscale qui s’est achevée le 30 novembre. «Le plan de régularisation a été pensé comme une mesure extraordinaire, telle que préconisée par l’OCDE. On ne prévoit pas de seconde phase, ni l’année prochaine ni les années suivantes. En revanche, le gouvernement vient d’approuver une loi anti-fraude qui obligera pour la première fois les contribuables à présenter une déclaration de leurs biens et revenus à l’étranger», est-il précisé.

Cette déclaration devrait être remplie chaque année, au cours du premier trimestre. Elle serait obligatoire dès 2013.

Le ministère espagnol des Finances précise qu’une fois que la régularisation fiscale spéciale – c’est-à-dire l’amnistie fiscale – sera terminée, le gouvernement se concentrera sur la nouvelle loi anti-fraude et renforcera différents accords d’échange d’informations.

Tandis que l’Espagne s’enfonce dans la crise, l’architecte espagnol Santiago Calatrava, a transféré sa fortune en Suisse, a indiqué mardi le quotidien économique espagnol Cinco Dias. La société familiale Calatrava & Family est domiciliée depuis le 23 novembre dans le canton de Zurich, selon le journal.

Elle a été inscrite au registre du commerce par la fille de l’architecte, Robertina Maria Marta Calatrava, qui en est l’administratrice, aux côtés de son frère Alejandro Rafael Calatrava.

La société porte le nom de Calatrava & Family Investments GmBH. Elle est active dans l’acquisition de biens immobiliers nationaux et étrangers. Selon les comptes déposés au registre, le bâtisseur de la Cité des Arts et des Sciences de Valence contrôle un portefeuille d’investissements à long terme de 31,7 millions d’euros (environ 38,3 millions de francs).

Source: ATS

Les accords Rubik prévoient une régularisation des avoirs non déclarés et détenus en Suisse par des ressortissants de pays étrangers.

Le versement d’un impôt forfaitaire unique sur le capital déposé, prélevé par un agent débiteur (en principe une banque), et versé de façon anonyme (le nom de l’épargnant n’est pas mentionné) aux autorités fiscales permet de régler le passé.

Les taux d’imposition sont négociés au cas par cas avec les différents pays.

Deux accords Rubik entreront en vigueur le 1er janvier 2013 avec l’Autriche et le Royaume-Uni.

L’accord signé entre l’Allemagne et la Suisse est tombé à l’eau, car la Chambre haute du Parlement allemand a refusé de le ratifier.

Des discussions sont en cours avec la Grèce. Celles menées avec l’Italie ont subi un coup de frein suite à la récente annonce du président du Conseil Mario Monti de son intention de remettre sa démission.

(Traduction de l’espagnol: Olivier Pauchard)

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